Encore quelques jours…

...pour découvrir l’exposition « Blutch. Demain ! » au Cartoon Museum à Bâle (jusqu’au 11 février 2024). A recommander vivement !

Les nombreuses facettes du talent de Blutch... Foto: © Cartoonmuseum Basel / Blutch.Demain! 2023 / Derek Li-Wan-Po

(Thérèse Willer) – Le Cartoon Museum Basel, dédié à l’art de l’illustration et de la bande dessinée, s’est doté depuis peu d’une nouvelle appellation, « Zentrum für narrative Kunst » (Centre de l’art narratif). Et ce n’est pas l’exposition consacrée actuellement à l’œuvre de Blutch (pseudonyme de Christian Hincker, tiré des Tuniques Bleues dansLe Journal de Spirou) qui va démentir le bien-fondé de l’initiative. En effet, ce dessinateur, dont on a pu voir plusieurs expositions dans les Musées de Strasbourg en 2019, est passé maître dans tous les registres de cet art qu’on appelle narratif. Diplômé de l’Ecole des arts décoratifs de Strasbourg, il s’est fait un nom dans la bande dessinée (comment y échapper quand on choisit de se faire appeler Blutch…), mais pas seulement. Roman graphique, illustration pour la jeunesse, art de l’affiche, dessin de presse, il tâte de tous les registres. Quant à la bande dessinée, non seulement il en maîtrise les codes sur le bout des doigts, mais il en transgresse aussi allégrement les cases. Il s’est inventé au fil des années un registre très personnel, qui mêle aux références des classiques de nouvelles expérimentations. C’est cet éventail de registres graphiques qui a été consacré en 2009 par le Grand Prix de la ville d’Angoulême, décerné lors du Festival International de Bande Dessinée, et que le Cartoon Museum Basel propose de montrer. Alors que l’événement strasbourgeois les avait éclatés en différents lieux culturels de la ville, ils sont ici concentrés en un seul, et en deviennent visuellement d’autant plus efficaces.

Le parti pris d’Anette Gehrig, commissaire de l’exposition et directrice du musée, n’est pas chronologique mais thématique, et dans le parcours de près de 200 dessins se croisent avec les sujets essentiels de l’œuvre, des titres, plus ou moins connus, des livres de Blutch. On peut découvrir ainsi au fil des salles ses premières bandes dessinées (Mademoiselle Sunnymoon, de 1992, Blotch, de 1998, parus pour la première fois dans la revue Fluide glacial, ou Le Petit Christian, de 1998), jusqu’à ses dernières créations (La Mer à boire et Sérénade en 2022, ou l’affiche créée spécialement pour l’exposition). Ce qui frappe au premier coup d’œil, ce sont les diverses techniques que le dessinateur déploie dans ses œuvres : de l’encre de Chine et des lavis dans Charivari, du pastel dans Contes d’Amérique, du crayon noir et de couleurs dans Volupté. Sont également de la partie l’aquarelle, la gouache et le collage, ce dernier procédé prenant dans ses créations les plus récentes une dimension significative. Certains ouvrages sont dominés par le noir et blanc, comme Variations, d’autre par la couleur comme La Beauté. Et s’il arrive que les techniques s’entremêlent dans un seul livre, le dénominateur commun des dessins reste la ligne, qui est tracée sans hésitation. Sur ce point, Blutch s’en remet en effet à ceux qu’il reconnaît comme des maîtres en la matière, Gustave Doré, Saul Steinberg, William Steig, ou encore Tomi Ungerer.

Les thématiques de l’œuvre tournent autour de centres d’intérêt personnels : le jazz, le cinéma, la littérature, la danse, la bande dessinée. C’est ainsi que se succèdent les dessins pour le festival de jazz « Banlieues bleues », ceux des livres Pour en finir avec le cinéma ou Vitesse Moderne. Mais parmi tous ces ouvrages, c’est sans doute Variations qui fait comprendre au plus près le processus créatif de Blutch. Le thème en est le détournement de grands classiques de la bande dessinée, qu’il a découverts dans sa jeunesse. Sous le crayon de leur « recréateur », Astérix, Lucky Luke, Tintin, pour ne citer qu’eux, prennent au sens propre du terme une autre vie. Il joue avec virtuosité du trait de ses prédécesseurs, entre autres Bretécher, Druillet, Fred, Franquin, sans jamais renoncer à son propre style, bien présent. Certaines planches donnent lieu à des extensions drolatiques et inattendues du modèle, telle « La Grande Traversée » de Goscinny et Uderzo.

Cette exposition nous convie à un voyage qui certes déroute, car il chemine par des formes d’expression parfois très différentes. Pourtant à aucun moment nous ne sentons perdus, car c’est sur l’humain que l’œuvre de Blutch ne cesse de se concentrer.

Si Blutch a été récompensé par le Prix suisse Rodolphe-Töpffer en 2002 pour son livre Vitesse moderne, et s’il a été mis à l’honneur par le Festival BD-FIL à Lausanne, l’exposition « Blutch. Demain ! » est la première rétrospective d’importance qu’un musée de ce pays lui consacre. Son œuvre est par ailleurs conservée dans les collections de la fondation MEL Compagnie des Arts, ainsi que dans celles du Musée Tomi Ungerer-Centre international de l’Illustration à Strasbourg.

"Blutch. Demain!" Foto: © Cartoonmuseum Basel / Blutch.Demain! 2023 / Derek Li-Wan-Po

“Blutch. Demain!” Foto: © Cartoonmuseum Basel / Blutch.Demain! 2023 / Derek Li-Wan-Po

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