Est-ce que l’attractivité de la France diminuera après les attentats ?

Notre éditorialiste Alain Howiller se penche sur la question si l‘attractivité de la France, qui était en train de s‘améliorer, souffrira des attentats.

C'est ici, au Palais d'Iéna à Paris, qu'ont eu lieu les "Etats de la France" - en concluant que Paris restera Paris, la France restera la France. Malgré tout. Foto: Flightlog / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – Les dictons populaires ne se vérifient que trop rarement : c’est le cas tout particulièrement de celui qui affirme que «le hasard fait bien les choses !». Les organisateurs de la dixième édition des «Etats de la France», organisés à Paris, en ont fait l’amère expérience. Prés de 500 participants, dont 135 dirigeants de sociétés étrangères installés en France, se sont retrouvés le… 18 Novembre au Palais d’Iena, au siège du «Conseil Economique, Social et l environnemental», pour faire le point de l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers.

Inaugurée par Matthias Fekl, Secrétaire d’Etat au Commerce Extérieur, à la promotion du Tourisme et aux Français de l’Etranger, cette rencontre a trouvé peu d’échos dans les médias, compte tenu des évènements qui secouaient la France. L’opinion avait la tête ailleurs et la conséquence des sanglants attentats accaparaient les relais d’opinions !

Pourtant quand on sait que la France compte 20.000 entreprises étrangères employant prés de 2 millions de personnes, le thème des implantations venues de l’extérieur du pays ne peut laisser indifférent, d’autant que la rencontre du Palais d’Iena s’est conclue par l’adoption d’une sorte de «manifeste» constatant que, depuis 2012, les pouvoirs publics avaient fait des efforts pour renforcer l’attractivité du territoire français (voir eurojournalist.eu du 4.11), mais qu’il restait encore beaucoup à faire sur la voie choisie et qu’il s’agissait de développer l’offre pour conforter et amplifier l’attrait de la France pour les investisseurs étrangers.

Loin derrière l’Allemagne et l’Angleterre. – Cela étant, tout porte à croire que cette attractivité a -légèrement- progressé puisque selon la Banque Mondiale, qui établit un classement depuis 2003, la France se retrouve au 27ème rang des 189 pays examinés, loin derrière la Grande Bretagne (6ème) ou l’Allemagne (15ème), Singapour restant à la première place ! La France gagne 4 places par rapport au classement précédent : s’il n’y a pas réellement de motif de pavoiser, on n’en peut pas moins relever la progression en souhaitant qu’elle se poursuive voire s’accélère.

Pour faire le point de la situation, les «Etats de la France» ont fait appel à IPSOS, en collaboration avec le cabinet d’audit «Ernst & Young», pour réaliser un sondage auprès de 200 dirigeants d’entreprises employant plus de 250 personnes. Il ressort de cette analyse que si 71% des sondés considèrent que les efforts développés ces deux dernières années par le gouvernement vont dans le bon sens pour améliorer l’attractivité du pays, ils sont 74% (-4%, par rapport au sondage précédent) à ne pas avoir encouragés leur maison-mère à investir en France et ils sont… 95% (+2% !) à penser que les efforts ne vont pas assez vite ! Mais 90% pensent que le pays pourrait très rapidement redevenir attractif : cela pourrait prendre entre 1 et 5 ans pour 78% des sondés !

Des améliorations qui restent insuffisantes ! – Pourtant, 25% des sondés pensent que l’attractivité s’est plutôt améliorée contre 24% qui pensent le contraire et 51 qui estiment qu’elle n’a pas changé ! Pour que l’attractivité se renforce, 95% estiment qu’il faudrait simplifier le code du travail, 92% souhaitent la fin des 35 heures (à ce propos d’après un sondage CSA réalisé pour «Les Echos», 71% des Français seraient favorables à ce que le temps de travail soit fixé par accord dans les entreprises).

L’appréciation de l’attractivité repose évidemment également sur l’image que diffuse le pays d’accueil : là aussi, des efforts restent à faire puisque 31% des dirigeants de filiales étrangères estiment que l’image de la France s’est améliorée depuis un an auprès de leur siège social et 31% des responsables de ces sièges seraient d’accord pour investir en France ! Le fait que 68% des entreprises interrogées sont satisfaites de leur implantation en France, contribuera-t-il à restaurer l’image du pays auprès des futurs investisseurs étrangers ?

Après New-York, Madrid, Londres et Bombay ! – L’amélioration de l’attractivité, celle de l’image qui l’induit, est lente. Dans une région comme l’Alsace qui se place au sixième rang des régions françaises pour l’accueil des entreprises étrangères, cette évolution est particulièrement observée : il y existe plusieurs projets d’implantation ou d’extension dont la concrétisation repose sur des arbitrages qui mettent la région en compétition avec des sites à l’étranger. Si d’aucuns s’interrogent sur l’impact que la mise en place d’une grande région de l’Est pourrait avoir sur ces choix, ils sont encore beaucoup plus nombreux qui s’interrogent sur l’effet que les attentats pourraient avoir sur les décisions d’investir en France.

Pour l’heure, on assiste, à Paris -mais moins dans les régions- à un fléchissement du tourisme et de la fréquentation des grands magasins. Le mouvement sera-t-il durable ? Est-il de nature à peser sur les investissements, notamment étrangers ?

Dans une analyse pertinente, le magazine «Le Point» rappelle, sur son site internet, que «toute une série de métropoles» ont connu des attentats meurtriers: New-York (2001), Madrid (2004), Londres (2005), Bombay 2008) qui ont eu des effets immédiats sur l’économie : annulations de réservations, fréquentation touristique en berne, tensions sur le climat des affaires, baisses de chiffres d’affaires dans les commerces.

Eviter une «double peine» en France ! – «Mais la nécessité d’investir dans les pays où il y a des talents, des infrastructures, des marchés restent très importantes dans les stratégies d’entreprises», rappelle Muriel Péricaud, directrice générale de Business France, l’agence publique chargée de promouvoir l’attractivité française. «Les évènements ont eu un impact de court terme, mais pas d’impact de long terme et a fortiori pas d’impact structurel», précise l’économiste Elie Cohen dans le magazine. Et l’économiste Ashutosh Datar, cité par l’AFP, de souligner : «Mais la situation s’est normalisée au bout de trois à six mois, car aussi terribles qu’aient pu être ces attaques, il n’y avait pas le sentiment que le pays devenait instable et l’économie n’a pas déraillé longtemps !»

La mobilisation des Français, les mesures gouvernementales prises, cette période de l’année avant Noël, la solidarité internationale, préserveront-elles le pays d’une double peine : celle du sang et des larmes d’un côté et, d’un autre côté, celle d’un ralentissement de la conjoncture préjudiciable aux efforts de redressement entrepris ? Le léger rebond de l’attractivité sera-t-il compromis ? Avec les échéances et les bilans de fin d’année désormais proches, on devrait être fixé bientôt !

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