Extinction Rebellion : l’iceberg qui ne fondra pas

Comme une génération spontanée

Extinction Rebellion à Londres, en avril dernier Foto: Jwslubbock/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – C’était prévisible : un mouvement est né, quasiment comme une génération spontanée, autour de la médiatisation maximale de Greta Thunberg. Autour, car Greta n’est que la pointe émergée, et de quelle manière, de l’iceberg de la sensibilité écologiste pro-climat. Le seul iceberg à ne pas fondre, mais à se renforcer considérablement depuis 10 ans. Ce mouvement écologiste et de désobéissance civile s’appelle Extinction Rebellion (XR) est en train de bloquer les grandes capitales européennes et d’autres lieux dans le monde, notamment à New York. Presque soixante villes.

Lundi, à Berlin, les manifestants se sont rassemblés sur le grand carrefour que surmonte la Siegessäule (la Colonne de la Victoire) ; un peu plus d’un millier de manifestants applaudissent le discours de Carole Rackete, la capitaine de Sea-Watch III. Les manifestants d’Extinction Rebellion ont été scandalisés par les propositions de loi Climat du gouvernement allemand, sous l’égide de la Chancelière Angela Merckel. Il y a de quoi : ces propositions ne contiennent à peu près rien de consistant et sont davantage une gesticulation médiatique qu’un pas sur la voie d’une solution effective.

A Paris, les militants bloquent le Châtelet et le Pont aux Changes et espèrent tenir plusieurs jours, au moins jusqu’à aujourd’hui mercredi. La police est déjà intervenue samedi ; mais elle a fini par renoncer. Délicates, les interventions musclées contre ces manifestants non violents… Voilà donc que se redéploie la vieille arme que symbolise la colombe – peut-être l’arme la plus efficace, si on la manie avec adresse et précaution. En France, les forces de l’ordre sont d’autant plus cauteleuses qu’elle sont déjà intervenues en juin dernier, sans ménagement, et que cette lutte du bras de fer contre l’aile de colombe a eu très mauvaise presse.

Mais c’est à Londres que XR montre le plus d’ambition : il projette de bloquer Westminster durant au moins 2 semaines. 2 semaines ! Peut-être rencontrera-t-il davantage de succès dans cette entreprise que Boris Johnson… Londres est d’ailleurs le berceau de ce mouvement écolo-libertaire qui reprend à son compte les vieilles règles du combat écolo-libertaire non violent, que certains ont bien connu dans les années 1970.

Le mouvement est né en octobre 2018 avec l’ Appel d’une centaine d’universitaires – oui, d’universitaires, et non de cultivateurs de dreadlocks sentant la chose et le résidu.  En février 2019, 260 chercheurs belges, suisses et français publient une Lettre ouverte où ils soutiennent le mouvement de grèves scolaires pour le climat ; cette Lettre a été précédée par 2 autres Lettres ouvertes dans The Guardian, à l’automne 2018. Actuellement, XR est présente dans une cinquantaine de pays.

Extinction Rebellion fonctionne selon les vénérables règles du combat libertaire et de la démocratie directe, horizontale. Les appels s’organisent ponctuellement, et mettent en œuvre des équipes provisoires ; la coordination s’effectue à partir du militant qui propose l’action. Toute cristallisation permanente et charismatique de la représentation est empêchée par la mobilité même des actions militantes, et par le maintien impératif de l’anonymat – au besoin en usant de pseudonymes. Les sections sont d’ailleurs indépendantes les unes des autres et peuvent organiser les actions de manière autonome. Les structures sont dans leur ensemble, provisoires.

Voilà qui nous promet de beaux jours réjouissants de luttes contre l’impéritie des gouvernements et l’avidité des intéressés ! Prenons garde cependant à un certain maximalisme, que traduisent assez fidèlement les revendications de XR : selon l’estimation du CREC (Cellule de Recherche sur l’Energie et le Climat), qui pourtant, soutient son action, la satisfaction des revendications du mouvement supposerait la suppression de tous les vols aériens, celle de 38 millions d’automobiles et 26 millions de chaudières à gaz d’ici 2025 !

Beaucoup de choses vont changer ces prochains mois, en tout cas. A commencer par l’attitude des classes dirigeantes à l’égard des revendications écologiques légitimes. Ségolène Royal, actuellement ambassadrice de France pour les pôles arctique et antarctique et qui y brille par la nullité de son action, a déclaré récemment : « Ce groupe violent (sic) doit être réprimé très rapidement » (L’Obs, 7 octobre 2019). Mieux encore : Peter Dutton, le ministre de l’Intérieur australien, appelle à la délation et éructe que « la population devrait prendre les noms et les photos de ces individus et les diffuser aussi loin et aussi largement que possible pour les couvrir de honte. » (Libé, 7 octobre 2019). Hargne fielleuse et ignorance crasse, dans l’upper class, qui se transformera très bientôt en récupération mielleuse.

A suivre ! Il se prépare décidément une époque fort intéressante…

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