Görlitz : la sauce brune renversée

La Hollywood du Far East n’aura pas de maire fasciste

Görlitz : le pont sur la Neisse, qui relie la partie allemande de la ville à son ex-moitié devenue polonaise Foto: Wolfgang Pehlemann Wiesbaden Germany/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Germany

(Marc Chaudeur) – Dimanche dernier, à Görlitz, ville coupée en deux depuis 1945 par la frontière germano-polonaise, le mouvement d’extrême-droite AfD, qui ne cessait de monter jusqu’à l’an dernier, a échoué à installer au poste de Maire son candidat, Sebastian Wippel. Le candidat CDU rival a bénéficié du report des voix des Grünen, point si mal placés au premier tour. Quand on se met à défendre la liberté ensemble, ça marche…

Ces élections ne donnent cependant pas occasion à se réjouir. Octavian Ursu, le candidat CDU, l’a emporté avec 55,1 % des voix. Cet homme sympathique, d’origine roumaine, a pourtant fait une campagne bien terne, avec un clip pâlot et insignifiant nappé de musique douce. En réalité, il a bénéficié des reports de voix de toute la gauche – mais le SPD « fait » environ 7% dans ce fichu Land de Saxe où Pegida défile dans les rues et où un pogrom anti- immigré et anti-tout a failli avoir lieu, l’an dernier… C’est le report des Grünen et de sa candidate, Franziska Schubert, qui a réellement fait la différence et permis à Ursu de gagner au nom de tous les partis démocratiques : elle avait remporté 28% des voix au premier tour !.

Quant à Sebastian Wippel, candidat de l’AfD, il a réalisé un score remarquable, qui fait qu’on peut craindre le pire pour les prochaines élections régionales (Länder) : elles auront lieu le 1er septembre dans le Brandebourg, et en Thuringe le 27 octobre. Des Länder où l’AfD atteint des chiffres records… La candidature de Wippel, policier, 1m90, suscitait (et suscite…) beaucoup d’espérance à l’extrême-droite à cause de son look à la John Wayne : son clip à lui le montrait au beau milieu d’une rue de Görlitz, mains sur les hanches, et on s’attendait à le voir dégainer pour descendre le premier délinquant juvénile syrien et bronzé venu fumant un joint d’une main et tenant de l’autre un yatagan. Il y en a beaucoup qui traversent cette bonne « Ville Européenne » polono-germanique. Du moins dans les fantasmes de Wippel et de ses kameraden. En revanche, la coexistence entre Allemands de Görlitz et Polonais de Zgórzelec, de l’autre côté de la Neisse, s’est plutôt bien passée ces dernières années.

Ce qui n’inspire pas l’optimisme, c’est la fragilité des alliances : celle des Grünen et du SPD (et le cas échéant, de l’extrême-gauche) avec la CDU… Et de nouveaux scores catastrophiques chasseront certainement le SPD peau de chagrin de la GroKo, à Berlin. Cela d’autant plus que la dirigeante de CDU, Annegreth Kramp-Karrenbauer, enfonce à sa manière habituelle son sabot clouté dans les côtes du front républicain : elle a affirmé que la victoire était due à son glorieux parti, alors que comme on l’a vu, la victoire eût été parfaitement impossible sans les reports écolos !

Un impératif absolu, donc : maintenir (à tout prix?) un front d’opposition à l’extrême-droite fascisto-néonazie. Mais tout le monde verra-t-il la chose ainsi ? Le problème majeur sera sans doute : certains candidats CDU ne seront-ils pas tentés par une alliance avec des candidats de l’AfD ? L’affirmation contraire ne semble pas nécessairement assurée, malgré les déclarations solennelles de personnages importants comme Horst Seehofer, le ministre de l’Intérieur bavarois (donc CSU).

Il est vrai que l’exemple autrichien a de quoi dissuader !

 

 

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