Hambourg : quand la droite s’effondre

Alain Howiller nous livre son analyse de l'élection régionale dans la ville-Etat de Hambourg dimanche dernier – une élection aux répercussions sur la politique nationale.

Hambourg, la "porte du monde", "das Tor zur Welt"... Foto: © Frank Schulenburg / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Ils étaient nombreux, ceux qui attendaient -pour beaucoup d’entre eux, non sans appréhensions- le résultat des élections de Hambourg. Ne s’agissait-il pas de la première consultation électorale après le « tsunami politique » de Thuringe où CDU et le parti d’extrême droite « AfD » avaient unis leurs voix pour désigner un Président de Land appartenant au petit parti libéral « FDP » ?

Devant les violentes protestations contre cette union droite/extrême-droite, le ministre-président élu a dû démissionner. Il aura fallu une débâcle à la tête de la CDU et des semaines de négociations entre partis concernés pour trouver, enfin, une porte de sortie de la crise : la coalition sortante « Die Linke-SPD-Verts » vont constituer un gouvernement minoritaire avec le soutien (sans participation) de la CDU !… Le « tsunami », tout comme la tuerie de Hanau due à un militant néo-nazi, auront donc eu un effet à double détente : sur le résultat des élections d’abord et sur la reconduction de Bodo Ramelow, le ministre-président sortant, à travers un accord refusé jusque là par les chrétiens-démocrates.

Ministre en sursis ? – Ces derniers apparaissent de plus en plus comme les grands perdants de la géographie politique d’Outre-Rhin : hier, grand mouvement populaire (comme du reste le SPD), « parti de masse », il cherche à présent non seulement une boussole, une idéologie renouvelée et adaptée à des électeurs plus jeunes et habitant les centres urbains. Mais il cherche également de nouveaux dirigeants susceptibles d’ouvrir une nouvelle ère après le départ d ‘Angela Merkel dont on  découvre aujourd’hui, mais un peu tard, les effets dévastateurs de sa politique d’équilibriste enracinée dans les… sondages.

Finalement, en acceptant d’envoyer l’ex-favorite Ursula von der Leyen à Bruxelles, elle aura rendu un fier service à l’ancienne ministre de la Défense. Elle aura, par contre, envoyé dans le fossé sa nouvelle favorite : Annegret Kramp-Karrenbauer échoue, à son tour, dans sa volonté de devenir un jour chancelière à Berlin. L’ex-présidente de la Sarre, le plus petit Land de la République, se sera pris les pieds dans le tapis face au poste le plus important d’Allemagne. Un an après sa lamentable prestation de Carnaval où, finalement pour son malheur, on l’a découverte, elle sortira par la petite porte de la présidence de la CDU : le parti lui trouvera un successeur lors d’un congrès extraordinaire qui aura lieu le 25 Avril. Pourra-t-elle rester ministre de la Défense ? « Vedette » cette année, plus qu’Angela Merkel, des carnavals rhénans, AKK continuera, sans nul doute, à se… chercher un avenir !

Le sort du nouveau duo qui dirige le SPD et qui ambitionne, avec sans doute trop d’optimisme, de retrouver pour la fin de cette année 30% d’intentions de vote dans les sondages, le pari d’avenir est lui aussi, risqué : « parti de masse », lui aussi, hier, retrouvera-t-il, avec ses nouveaux dirigeants, une sortie honorable de crise ? Rien ne serait plus dangereux que de vouloir tirer des leçons de ces élections de Hambourg qui pourraient bien avoir – on le verra plus loin – des allures de trompe l’œil !

Une CDU historiquement basse – La crise venue de Thuringe et les événements de Hanau auront d’abord eu un effet dopant lors des élections de Hambourg : la participation au scrutin a singulièrement progressé. Plus de 63% d’électeurs se sont déplacés pour aller voter. Ils avaient été 56,5% en 2015 lors de la précédente élection ! De leur côté, les protagonistes de la crise ont été clairement sanctionnés. A droite, la CDU recueille 11,2% des voix (- 4,7% par rapport aux élections de 2015), le FDP n’a pas atteint les 5% nécessaires pour rester au « parlement régional », la « Bürgerschaft », l’AfD franchit de justesse la barre des 5% ce qui lui permet avec 5,3% des voix (-0,8%) de rester au parlement.

Les sondages d’avant élection donnaient jusqu’à 16% à la CDU et 8% au FDP comme à l’AfD ! « Pour le secrétaire général de la CDU, Paul Ziemiak : « Ce qui s’est passé en Thuringe ne nous a pas aidé », a-t-il commenté devant le « historiquement bas » enregistré à Hambourg où son parti avait occupé la présidence du Land de la « ville-état » entre 2001 et 2011. L’une des dirigeantes locales du FDP a, quant à elle, ajouté pour ce qui la concerne : « Le temps nous a manqué après la crise de Thuringe pour nous permettre de remonter le courant ! ». Il n’est pas certain que ce soit seulement le temps qui ait manqué ! En attendant, le FDP aura tout de même (!) … un député élu à la « Bürgerschaft » : grâce aux votes directs.

Un SPD victime du trompe l’œil ? – Le SPD en recueillant 39,2% des voix subit certes une érosion par rapport à 2015 (-6,4%), mais il contribue, à sa façon, à freiner (un peu !) l’importante chute que le parti enregistre au fil des consultations des derniers mois. Il reste le premier parti du land et reconduira le ministre-président sortant -Peter Tschentscher- comme patron du gouvernement de la ville-état. Il est vrai que la personnalité du président sortant, son programme très local, son refus (!) de faire appel pour sa campagne aux caciques du parti, expliquent son succès.

Un succès qui n’a pas pu s’exonérer de quelques différends avec les Verts : au point que le sortant a laissé planer un petit doute sur la future coalition SPD/Verts : il a annoncé qu’il discuterait aussi avec les représentants de la CDU à propos du gouvernement à venir !

Les Verts incontournables en 2021 ? – Malgré ses critiques contre son partenaire historique, le futur président de la « Bürgerschaft » renouvellera son alliance avec les Verts arrivés en deuxième position des élections avec 24,2% des voix (+ 11,9% par rapport à 2015 !). En doublant leurs résultats par rapport aux élections précédentes, les Verts confirment, malgré une érosion par rapport aux sondages qui les créditaient jusqu’à 29% des intentions de vote, leurs ambitions. Ils confirment la place qu’ils ont su prendre sur l’échiquier politique allemand, y compris au niveau national.

Sauf accident de parcours, ils seront les partenaires incontournables de la coalition qui sortira des urnes lors du renouvellement du Bundestag en automne 2021 ! Quant aux espoirs de voir le futur chancelier sortir des rangs des Verts : « C’est une autre histoire », comme aurait pu dire Rudyard Kipling dans son livre dont le titre paraît, en l’occurrence, bien adapté à la situation : il s’appelait, on s’en souvient, le « Livre de la Jungle ! »

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste