Impasse, perd et manque : le cauchemar éveillé de la gauche

William Krantzer analyse l’état de la « Gauche » en ce début des campagnes présidentielles et législatives.

Lorsque même une Ségolène Royal se sent la vocation de refaire surface, c'est qu'il y a vraiment de gros problème dans la gauche française. Foto: UNclimatechange from Bonn, Germany / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.5

(William Krantzer) – Quand Daniele Obono, députée LFI, affirme sur BFMTV : « L’enjeu, ce n’est pas la gauche, c’est la France ! », c’est bien avec l’avenir de la gauche que se joue celui de la France. Pourtant, pour bon nombre de sympathisants de gauche, cette affirmation demeure suspecte, quand elle renvoie au discours prolégomènes de Jean-Luc Mélenchon, tonitruant orateur de la gauche radicale, dont on ne sait toujours pas aujourd’hui s’il est un populiste mégalomane ou la version moderne du plébéien, défenseur du peuple contre l’oligarchie. Il est vrai, que dans le contexte « droitisant » du moment, l’espoir à gauche s’accroche, faute de mieux, à ces tribuns qui monopolisent la scène politique, ceux qui, dans une polyphonie sinistre, surjouent les mêmes discours. Une polyphonie qui fait dire à beaucoup, que Yannick Jadot, Fabien Roussel, Anne Hidalgo ou Jean-Luc Mélenchon ne font que décliner le même refrain d’une gauche unie… où celle-ci ne saurait se faire que derrière leur personne !

Naviguant sur un autre registre que Jean-Luc Mélenchon, le candidat écologiste Yannick Jadot, n’a pas les outrances du leader des insoumis. « Vert nuancé », selon le mot de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, il se fait l’apôtre d’une « écologie de gouvernement », évitant soigneusement de porter aux nues, un discours de la décroissance qui fait débat.

Heureux temps pourtant, pour cet homme que bien des médias proclament « l’homme du moment vert », celui avec qui la France mettra en mouvement une politique sociale, respectueuse de la planète. Celui aussi, et c’est bien là sa faiblesse, dont le programme ne parle guère aux classes populaires, tant il est vrai que concocté loin des quartiers HLM, il ne fait pas sens pour celles et ceux dont les fins de mois sont la première préoccupation.

Surfant sur les ruines du parti socialiste, Arnaud Montebourg et Anne Hidalgo tentent de faire valoir des propositions qui en d’autres temps, auraient emporté bien plus de suffrages qu’ils n’en récoltent à ce jour. Ce qui fait d’autant regretter la récente proposition de la maire de Paris pour une primaire à gauche, quand elle intervient dans un temps où la candidate du PS tutoie les abimes dans les sondages. Ses adversaires de gauche ne se privent d’ailleurs pas de le souligner… oubliant qu’ils avaient essuyé il y a peu, le même refus avec leur politique de la main tendue.

Dans un autre genre, Fabien Roussel pour le PCF, se dit prêt à relever « le défi des jours heureux ». Disons-le tout net, quand il souhaite se convaincre que « la diversité à gauche n’est pas un problème », il résume assez bien le déni du trop-plein des candidats à gauche. Un déni qui est aussi le signe d’un fourvoiement de l’ensemble des partis de gauche, lorsque ceux-ci sont incapables de se mettre autour d’une table pour discuter d’un programme commun, comme ce fut le cas en octobre 1971. Il est vrai qu’à cette époque, la France inaugurait une période, où, à la suite de mai 1968, tant la jeune génération que les classes populaires aspiraient au partage des bénéfices issus des « Trente glorieuses ». Rien de tel possible aujourd’hui. La France d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Le tissu industriel s’en est allé et avec lui, les emplois qui quadrillaient l’hexagone. La souveraineté nationale s’est diluée dans une Union Européenne qui tient plus du grand marché que d’une affirmation politique de ses états-membres. Le brassage des populations lié à la délocalisation des emplois, la désertification des campagnes et le phénomène migratoire, fait de la « vieille nation », un pays où les antagonismes se déchirent entre partisans d’un repli identitaire et ceux prônant le multiculturalisme.

Toutes ces choses qui, à six mois du premier tour de la présidentielle de 2022, font que les ambitions des ténors de la gauche se portent contraints et forcés vers les prochaines législatives. Avec pour le PS, que EEVL, le PC ou LFI, l’espoir de récolter quelques miettes du festin auquel se préparent la droite et les macronistes.

Pour expliquer ce naufrage, faut-il croire que la gauche dans son intégralité, paye aujourd’hui des errements qui remontent à loin, ceux d’une politique mitterrandienne, reprise avec des fortunes diverses par ses successeurs ? Une politique droitisante dont les acquis apparaissent avec le temps bien plus sociétaux que sociaux ? Une politique qui, au final, a sombré avec les derniers jours du quinquennat de François Hollande, celui qui restera dans les mémoires comme la quintessence du naufrage politique ?

Reste l’histoire à venir où les partis de gauche d’aujourd’hui et leurs leaders avec, auront à répondre de leurs agissements et des conséquences tragiques que cela implique. Par leur aveuglement et leur obstination, et sauf retournement de dernière minute, la France de demain est promise aux discours trompeurs d’une droite plus conservatrice que jamais, une droite tentée de se raidir à chaque virulence de l’extrême-droite ou de bateleurs à la sauce Zemmour.

Pour le peuple de gauche, et plus encore pour ceux qui sont au bas de l’échelle, l’avenir s’annonce sombre. Pourtant il espère encore et toujours. Un sondage Odoxa/Mascaret/l’Obs du 10 décembre 2021, révèle que 86% des sympathisants de gauche souhaitent une primaire réunissant l’ensemble de leurs candidats : respectivement 89% des écologistes, 87% des socialistes, mais aussi 83% des « insoumis ». Un feu de paille ?

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