Le « Brexit » n’est pas qu’un concept politique…

… mais il constitue une attaque sur les principes de la démocratie et une ingérence grave dans la vie des citoyens et citoyennes concernés.

C'est ainsi que l'artiste Banksy voit le "Brexit"... Foto: Immanuel Giel / Wikimedia Commons / CC-BT-SA 4.0int

(KL) – Lorsqu’aujourd’hui et demain, les chefs des gouvernements européens se réunissent pour discuter du « Brexit », il manque quelqu’un à la table des négociations : les citoyens et citoyennes directement concernés par la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. Nous avons parlé avec Paul Malone, sujet de sa Majesté la Reine d’Angleterre et installé depuis 27 ans à Strasbourg. Paul fait partie des « victimes directes » du « Brexit ».

Paul Malone, né à Leeds d’une famille très pro-européenne, est traducteur technique et enseigne l’art de la traduction à l’Université de Strasbourg. Malgré les 27 ans qu’il a déjà passé en France, il se sent toujours « british » ; et le « Brexit » aura un impact direct sur sa vie. Interview.

Comment est-ce que le Brexit affectera votre vie personnelle ?

Paul Malone : Il m’est presque impossible de répondre à cette question, car je ne sais toujours pas ce que le « Brexit » signifiera. Ce qui m’inquiète, c’est que le gouvernement britannique semble l’ignorer également.

Est-ce que cela fera une différence s’il s’agira d’un « Brexit dur » ou d’un « Brexit » contractuellement organisé ?

PM : Là aussi, il est très difficile d’évaluer ce que ces scénarii signifieront dans la pratique. Je n’ai eu aucune information et j’ai l’impression que le gouvernement britannique ignore également les conséquences de ces différentes options. A vrai dire, je m’en fiche si le « Brexit » sera organisé contractuellement ou non. Mon point de vue est simple : ce « Brexit » ne devrait pas se produire.

Il paraît que de nombreux ressortissants britanniques vivant à l’étranger ne pouvaient pas participer au referendum sur le « Brexit ». Est-ce que vous avez pu participer à ce vote ?

PM : Non, je n’avais pas le droit de participer. Ceci est du à la « règle des 15 ans » qui veut que les ressortissants britanniques vivant à l’étranger depuis plus de 15 ans ne peuvent participer aux scrutins ou référendums organisés en Grande Bretagne. Personne ne peut dire avec exactitude combien de personnes sont concernées par cette règle, car le gouvernement britannique ne donne pas de chiffres exacts. L’ancien premier ministre britannique conservateur John Major a souligné que le referendum représentait 37% d’un électorat dans des circonscriptions découpées pour obtenir un résultat.

Et comment vivez-vous cela ?

PM : Pour être franc, c’est râlant. La Grande Bretagne a toujours été fière de sa tradition démocratique. Mais exclure ses citoyens d’un tel vote pour des raisons arbitraires ne peut en aucun cas être considéré comme un acte démocratique. Je suis franchement en colère. J’arrive à la conclusion que la soi-disant démocratie britannique n’est qu’une illusion.

Est-ce que vous pensez qu’il y a encore une chance de sortir du « Brexit » ? Comme un nouveau « final say » référendum ?

PM : Un référendum final pourrait soit valider le résultat du premier vote, soit donner un autre résultat. Mais pour le dire clairement – je ne pourrai considérer le résultat d’un référendum final comme valide qu’à condition que TOUS les citoyens britanniques soient autorisés à y participer. Lors du référendum de 2016, non seulement les citoyens britanniques concernés par la « règle des 15 ans » étaient exclus du vote, mais également les citoyens européens vivant en Grande Bretagne. La Commission Electorale de la Grande Bretagne est arrivée à la conclusion que la campagne « Vote Leave ” en faveur du Brexit avait transgressé la loi électorale, et a condamné les organisateurs à une amende de £ 61,000 – pourquoi alors le résultat de ce référendum n’a-t-il pas été invalidé ? Mais les autorités britanniques continuent à nous rabâcher que « le peuple britannique aurait voté pour le Brexit », et donc, il faut procéder à sa réalisation. Mais leur définition du « peuple britannique » n’est pas la mienne. Personnellement, je pense qu’il conviendrait d’invalider le résultat du référendum de 2016 et d’annuler ce projet.

Paul Malone n’aura pas le choix : s’il souhaite continuer de vivre en France, exercer son métier et poursuivre son projet de vie, il sera obligé de demander la nationalité française, chose à laquelle il n’avait pas songé auparavant. Si Paul et le 1,8 million de ressortissants britanniques vivant à l’étranger (chiffre estimé par « The Independent », les chiffres officiels se situent largement en-dessous à environ 750 000, n.d.l.r.) avaient pu participer au référendum en 2016, le résultat aurait été probablement le refus du projet du « Brexit ». Non seulement Theresa May et consorts mettent en péril la Grande Bretagne, mais ils violent en même temps les principes même de la démocratie. Quelle folie !

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