Le Général du Diable à Kehl

Mardi, l’une des pièces de théâtre les plus importantes de l’Allemagne d’après-guerre sera donnée à la Stadthalle à Kehl : le « Général du Diable », qui montre qu’il ne faut jamais faire cause commune avec des fascistes.

Curd Jürgens avait interprété avec brio le Général du Diable. Foto: www.Avoir-Alire.com

(KL) – Au moment où les néo-nationalistes ressortent de leurs trous, des pièces de théâtre comme « Le Général du Diable » de Carl Zuckmayer reviennent à la scène. Cette grande pièce n’est heureusement pas tombée dans les oubliettes, car elle véhicule un message important : quand on fait cause commune avec des fascistes, on s’y noie, comme le général Harras dans l’œuvre. Mardi, à partir de 19h, le public pourra suivre d’abord une intervention explicative sur cette pièce avant sa représentation.

Le personnage du général Harras est basé sur le célèbre aviateur Ernst Udet qui, pour assurer sa carrière, s’était « arrangé » avec les nazis. Comme Udet, Harras ne partage pas l’idéologie national-socialiste mais accepte de travailler pour ce régime, incapable de prendre position contre la barbarie. La fin du général Harras dans la pièce de Carl Zuckmayer est tragique : il s’envole dans un avion, sachant qu’il a été saboté, et s’écrase. Une fois compromis avec le système, toute autre forme de résistance contre les nazis était impossible.

Dans le « Général du Diable », Carl Zuckmayer fait prononcer au général Harras une plaidoirie extraordinaire sur les pays rhénans, notre région foncièrement européenne et ouverte. Dans un monologue à l’adresse du jeune caporal Hartmann qui craint pour sa carrière car dans sa famille, il y a une grand-mère juive, le Général Harras dit :

« […] Le Rhin. Le grand moulin des peuples. Le lieu de brassage de l’Europe ! Imaginez vos ancêtres, depuis la naissance du Christ. Il y avait un centurion romain, la peau mate comme une olive, qui a donné des cours de latin à une fille blonde. Et un marchand d’épices juif arrivait dans la famille, un homme sérieux qui s’est converti avant le mariage et qui a fondé la tradition catholique de la maison. Et s’y ajoutaient un médecin grec, un légionnaire celtique, un mercenaire grison, un chevalier suédois, un soldat de Napoléon, un cosaque déserteur, un forestier de la Forêt Noire, un compagnon itinérant alsacien, le gros capitaine de bateau néerlandais, un Hongrois de l’armée des Habsbourg qui arrivait de Vienne, un acteur français, un musicien bohémien. Tous ces gens ont vécu sur les rives du Rhin, ils s’y sont bagarrés, ils y ont picolé, ils ont chanté et fait des enfants, et, et… Le Goethe sortait de la même marmite, comme le Beethoven, et le Gutenberg, et le Mathias Grünewald, et… Et puis va chercher toi-même dans le dictionnaire ! C’étaient les meilleurs, mon cher ! Les meilleurs du monde ! Et pourquoi ? Parce que les peuples s’y sont mélangés. Mélangés comme l’eau qui vient des sources, des ruisseaux et des rivières qui s’unissent en un grand fleuve vivant. »

Malgré cette belle déclaration humaniste, le Général Harras était coincé dans ce système avec lequel il s’était compromis et qu’il n’arrivait pas à combattre depuis l’intérieur. On ne joue pas avec le totalitarisme.

Des Teufel General
Mardi 23 janvier, 19h, Stadthalle Kehl

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