Les anti-Brexit à Londres

" Exit brekshit ! Brexit wrecks it ! "

A Londres : un participant à la Manifestation anti-Brexit du 21 octobre Foto: ScS EJ

(MC) – 700 000 personnes ont participé à la manif anti-Brexit samedi. Les organisateurs, ceux de la campagne People’s Vote, en attendaient 100 000… Cela donne la mesure de l’erreur, et de la conscience de cette erreur, chez nos amis britanniques. Réaction attendue que le vote Brexit a produite : à mesure qu’un approche de l’éventuelle échéance, les citoyens se rendent de mieux en mieux compte des inconvénients parfois cuisants que la sortie de l’Union Européenne entraînera(it). Comme à la suite d’une grave querelle avec une femme (euh, avec une personne) insupportable – qui se trouve être, en l’occurrence, l’Europe… Pour les organisateurs, les citoyens britanniques doivent pouvoir revoter sur le Brexit et/ou ses conditions définitives.

Il s’agit de la plus grande manifestation londonienne depuis la protestation contre la Guerre d’ Irak, voici une quinzaine d’années, qui avait rassemblé un million de protestataires. Elle a mené la foule de Park Lane, au centre de Londres, jusqu’au Parlement de Westminster. Le cortège s’étirait donc sur 3,5 kms de long… Commentaire du twitter Brexit Bin (Brexit à la poubelle) : « This is grass roots British democracy at its best ! » (Voilà le meilleur de la démocratie à la base !).  A ce propos, ni l’opposition, ni le parti Tory (conservateur) n’ont participé officiellement et en tant que tels à cette manifestation. En revanche, des membres du parti de Theresa May n’ont pas hésité à se montrer individuellement dans l’immense cortège londonien. Certains observateurs nous font remarquer aussi qu’il manquait sans doute là les couches les plus modestes de la population, petits Blancs défavorisés ou travailleurs d’origine étrangère. Il convient aussi de s’interroger sur cette absence ; d’autant plus que ce sont ces catégories là qui subiront les conséquences les plus douloureuses du Brexit…

Des personnages-clé ont pris position clairement à cette occasion : samedi matin, l’ancien attorney général et député tory Dominic Grieve, prenant le contre-pied du pruritis brexitis de la majorité de son parti, a fait une déclaration à la BBC où il exprimait la nécessité démocratique d’un second référendum. Et puis, l’après-midi, lors de la manifestation, scène surréaliste digne d’un savoureux roman d’anticipation : tout près du 10, Downing Street où réside la Première Ministre, un écran géant retransmettait une déclaration de Nicola Sturgeon, la dirigeante du SNP (le parti indépendantiste écossais) où la Grande Dame du Royaume des Chardons exprimait avec flamme son soutien au référendum…

Le public était très varié par ailleurs : il était venu de toute la Grande Bretagne dans plus de 150 cars : venu du sud de l’Angleterre, de Cornouailles, du Pays de Galles, de Lancaster, de l’extrême-nord et de l’extrême sud de l’Ecosse.

Il devient de plus en plus vraisemblable que le Brexit s’effectuera sans accord avec l’Union Européenne. Ce qui pourra entraîner de graves conséquences sur l’économie britannique. Problème, surtout, de la frontière interne entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Pour éviter des problèmes trop graves, l’UE essaie d’introduire une discussion sur un prolongement de la période de transition après la sortie de l’UE. On avait prévu la fin 2020. Maintenant, on espère prolonger le supplice un an de plus, jusqu au dernier trimestre 2021.

Rappelons que seulement 51 % des Britanniques avaient voté pour la sortie de l’Union Européenne, le 23 juin 2016 … Cela relativise la portée de cette sortie, en tout cas. Vote épidermique ?
Mais peut-on vraiment espérer un deuxième référendum ?

Theresa May ne cesse de répéter obstinément que les jeux sont faits, qu’il faudra que les conséquences de la rupture soient les plus favorable possible. Et cependant, la Première Ministre elle-même tangue dans une cruelle incertitude, soumise aux attaques incessantes de ce qui reste comma ardents partisans du Brexit – et même, du Brexit dur – chez les Tories… La raison la plus importante pour ces derniers de soutenir encore la sortie de l’UE, c’est leur intention, parfois (mais assez rarement) énoncée avec cynisme, de pratiquer une concurrence économique prévisible avec l’Union Européenne qui elle, est soumise à des règles très précises – au contraire de l’économie britannique, déjà largement dérégulée. Possible en certains domaines, en effet, malgré la complexité de la démarche. Mais praticable nécessairement au prix du dumping social, d’une stagnation des salaires et donc, d’une éclosion de petits boulots merdificques, bien pire encore qu’actuellement, ce qui n’est pas peu dire.

Mais à quoi sert une telle démonstration de force et de nombre dans les rues de Londres ? Principalement à montrer l’attachement populaire (si, si) à l’idée européenne (et à la réalité européenne, qu’il faut certes aménager), son opposition à la xénophobie et à la fermeture du pays, et à l’aventurisme économique. De plus en plus de Britanniques sont gagnés par la peur des lendemains cafouilleux. En somme, le goût de l’ouverture au monde et celui de la sécurité économique et sociale peuvent parfaitement aller de pair, Ce serait là assez exactement la tâche d’une social-démocratie européenne renouvelée, que nous appelons de nos vœux – et qu’il reste à construire.

Quelques amis berlinois nous soufflent la formule : Unteilbar against Brexit ! Après la manifestation gigantesque dans la capitale allemande la semaine dernière, après la manifestation monstrueuse à Londres avant-hier, on pourrait rêver de (ou espérer) l’extension d’un vrai camp européen anti-populiste, anti-nationaliste et rénovateur des institutions européennes – et notamment de la sombre et nébuleuse Commission Européenne. Zwar ist das ein weites Feld…

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