Les élections européennes – des enjeux…

... mais aussi des «non-dits» et des ratées !

Si la possible émergence d'un bloc "anti-Europe" est embêtante, elle ne risque pas de mettre en péril la démocratie européenne. Foto: © Kai Littmann

(Par Alain Howiller) – C’est sans doute Donald Tusk, le Premier Ministre de Pologne, qui a eu le mot pour qualifier la situation née du conflit (faut-il désormais l’appeler «guerre» ?) ukrainien : «Je n’aurais jamais pensé», a-t-il confié à Angela Merkel en visite à Varsovie, «que 25 ans après la chute du Mur, nous en serions là. Quel anniversaire !» Sobre déclaration à quelques jours du 70e anniversaire que Gerhard Schröder s’apprêtait à fêter, à Saint Pétersbourg, avec son ami Vladimir Poutine, en compagnie du député CDU Philipp Missfelder, Président des jeunes démocrates-chrétiens allemands ! Sobre déclaration aussi au moment où les sondages révélaient que 72% des Allemands redoutaient un retour de la guerre froide, que 70% des sondés souhaitaient qu’on fournisse une aide matérielle ou financière à l’Ukraine et que seuls 14% des Allemands estimaient que la Russie restait un partenaire fiable !

Et ce, au moment où d’autres sondages révélateurs et inquiétants soulignaient que 64% des Allemands ne s’intéressent que peu voire… pas du tout aux élections européennes qui auront lieu du 22 au 25 Mai ! On redoute en France, dont seulement 43% des électeurs avaient participé aux élections européennes de 2009, un record d’abstentions.

En fait, cette peur de l’abstention joue dans la plupart des pays. En plus, les sondages prévoient une forte progression des élus appartenant aux partis eurosceptique voire hostiles à l’Europe : on estime à 18% -en moyenne- les électeurs qui marqueront leur hostilité à la construction européenne, à travers leur vote. Certains sondages ne créditent-ils pas le Front National -parti europhobe s’il en est- de 24% d’intentions de vote en France. On ne peut qu’être inquiet devant des perspectives aussi peu réjouissante !

Emergence d’un «bloc anti-européen» ? – De là, à jouer à se faire peur en évoquant l’émergence au Parlement Européen de Strasbourg d’un «bloc» de députés anti-européens ou eurosceptiques qui pourraient dominer l’institution, il y a de la marge ! Certes, jusqu’ici les députés europhobes (notamment le Front National français) ne brillaient pas par leur activité ou leur présence aux sessions européennes, certes rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi, alors qu’on aura laissé monter la scandaleuse vague -électoralement payante- du «c’est la faute à Bruxelles» et «jouons la souveraineté nationale, contre cette Europe empêcheuse de tourner en rond !»

Les quatre candidats (2 Allemands, 1 Belge et 1 Luxembourgeois(1)) qui solliciteront les suffrages des futurs députés européens pour être désignés comme Président de la Commission, succédant ainsi à José Manuel Barroso, viennent de lancer, à l’université néerlandaise de Maastricht, une campagne de sensibilisation aux élections européennes désormais proches. Le Président de l’Union Européenne Herman Van Rompuy a incité les «pro-européens à se jeter enfin dans la bataille et d’arrêter de se laisser impressionner par les eurosceptiques et de marquer des hésitations dans leur engagement sous prétexte que les citoyens-électeurs montrent de l’impatience devant les résultats obtenus !» Le Premier Ministre français Manuel Valls a lancé : «Ne laissons pas le terrain à ceux qui en veulent à l’Europe et qui l’accusent de tout… On ne cogne pas sur l’Europe quand on veut la construire !… Je suis patriote, j’aime la France et parce que j’aime la France, j’aime l’Europe !»

Angela Merkel en campagne ! – Angela Merkel s’est jetée, corps et âme, dans la bataille, ne vient-elle pas de participer, à Ingolstadt (Bavière), à un grand meeting pro-européen ? Elle avait à ses côtés le Président du Land, Horst Seeofer (dont la CSU… mériterait de plus en plus le qualificatif d’eurosceptique !) ainsi que Volker Bouffier, le Ministre-Président (CDU) du Land de Hesse.

Une mobilisation s’organise donc et les candidats présents sur les dizaines de listes participant, de La Valette à Helsinki, aux élections européennes, tiennent eux-aussi débats et meetings pour solliciter les suffrages de 380 millions d’Européens. Mobilisation, sans aucun doute, un peu tardive et on ne regrettera jamais assez que le projet de sensibilisation des Européens aux réalités concrètes financées par l’Union Européenne n’ait pas été mené à bien, comme la Commission de Bruxelles l’avait envisagée. Tout comme on regrettera que les dirigeants, les partis politiques se soient engagés aussi tardivement et parfois aussi maladroitement dans l’élection des 751 députés (contre 766 dans l’hémicycle du Parlement sortant) représentant les 28 Etats membres (Croatie comprise) de l’Union Européenne.

On regrettera aussi -et peut être surtout- les propos de tous ceux qui, populisme et démagogie aidant, ont passé l’essentiel de leur temps à clamer une fausse souveraineté nationale bandoulière : «c’est la faute à l’Euro, c’est la faute à l’Europe !»

Cynisme, manque de courage ou calcul ? – Van Rompuy a bien raison de montrer du doigt les «pro-européens» qui n’ont pas su défendre leurs idées pourtant majoritaires, lorsqu’ils n’ont pas, trop souvent, joint leurs voix à ceux qui, par cynisme, par manque de courage ou par calcul, s’affirmaient «anti» ou «sceptiques». Comment accepter que ceux qui, hier, étaient au pouvoir et qui n’ont rien fait pour que cela change, se permettent aujourd’hui de clamer : «il faut tout changer».

Comment affirmer que l’Europe «nous impose de ne pas dépasser un déficit budgétaire de 3%, alors que cette règle -détournée- avait été définie, à l’unanimité, par tous les responsables des Etats de l’Union ? Comment ne pas reconnaître que cette règle était la clé pour protéger les états et leurs nationaux des conséquences de leur mauvaise gestion et de leur faillite (au sens propre du terme) et que, si on veut protéger une souveraineté bien aléatoire en ce XXIe siècle, c’est par la mise en application de cette règle que… cela commence ! Ce n’est pas l’Europe qui réclame ce qui n’est, après tout, qu’une demande du respect d’engagements donnés, mais l’orthodoxie comptable et la… sagesse des nations !

L’Europe : un bouc émissaire commode ! – «Il faut cesser de faire de l’Europe, le bouc émissaire de nos problèmes», a déclaré le député européen Alain Lamassoure. Le Premier Ministre français qui pourtant compte quelques «eurosceptiques» (!) dans son gouvernement, n’a pas dit autre chose ! La voix de la sagesse enfin ? Dans l’espoir que ces propos-plaidoyers ne soient pas trop tardifs pour peser sur l’issue du scrutin européen.

On fait grand cas dans les médias de la possible entrée au Parlement Européen de députés représentant le parti «eurosceptique» «Alternative für Deutschland – AfD» (Alternative pour l’Allemagne) qui plaide pour une autre Europe et qui veut non pas la fin, mais une réforme profonde d’un «Euro» réservé (schématiquement) aux états vertueux (sans déficit) ! L’AfD pourrait réunir 5% de voix !

Une heureuse surprise venue d’Autriche ! – Par contre, les médias ne s’intéressent guère à un autre parti qui devrait, lui aussi, entrer au Parlement Européen : il s’agit d’un petit parti autrichien créé en octobre 2012, qui vient de fusionner avec un autre petit parti dit «libéral» pour pouvoir présenter une liste commune aux élections européennes. Ce parti a pris le nom de «Néos (Neues Österreich)». Les sondages le créditent de plus de 12% d’intentions de vote. Aux dernières élections nationales, le parti a obtenu 9 sièges de députés et aux élections municipales, ses représentants sont entrés dans plusieurs conseils municipaux, dont celui de Salzbourg ! Au coeur de leur programme pour les «européennes» : la transformation de l’Union en «Etat Fédéral de l’Europe !»

Une vieille revendication de la décennie des années cinquante qui ressurgit ainsi ! La dernière personnalité en vue à avoir défendu «l’Etat Fédéral Européen» était, il y a deux ans à peine… Ursula von der Leyen qui s’était fait taper sur les doigts par… Angela Merkel ! Pourtant l’état fédéral est une structure qui combine astucieusemen, dans le cadre constitutionnel, la «souveraineté des états-nationaux» (la Bavière et la Saxe en savent quelque chose) et celle -déléguée- de l’Etat Fédéral. Mais voilà, depuis la Révolution, la France ne connaît que l’état unitaire centralisé : depuis que les «Jacobins», centralisateurs, ont guillotiné les «Girondins», fédéralistes ! Depuis, la peine de mort a été abolie et l’Europe cherche un second souffle ! Et selon un dernier sondage 58% des Français estiment que leur pays a bénéficié de son appartenance à l’Union Européenne.

(1) Les candidats qui seront pour la première fois élus par le Parlement Européen, sont, on le sait : l’allemand Martin Schulz, pour les sociaux-démocrates, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, pour le Parti Populaire Européen (conservateur) le belge Guy Verhofstadt, pour les libéraux et l’allemande Ska Keller pour les «Verts».

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