Les lanceurs d’alerte – défaillance européenne

Les lanceurs d'alerte constituent un excellent sujet de campagne pour de nombreux responsables politiques. Sauf qu'il n'y a plus personne lorsqu'il s'agit de les sauver concrètement.

L'asile européen pour les lanceurs d'alerte - la politique européenne attend quoi ? Foto: Tony Webster from Portland, Orgeon, United States / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – C’est étrange, tout le monde convient qu’il faut protéger les lanceurs d’alerte, qu’il faut assurer leur sécurité lorsqu’ils divulguent les agissements des puissants au grand public. Mais force est de constater qu’on laisse crever Julian Assange dans une prison britannique (pendant que la Grande Bretagne cherche un moyen « élégant » de l’expulser vers les Etats-Unis où 175 ans de prison ou la peine capitale l’attendent) et qu’aucun Etat européen n’est prêt à accueillir le lanceur d’alerte américain Edward Snowden qui peut encore rester en Russie jusqu’en 2020.

Pourtant, dans une interview vidéo depuis Moscou, Edward Snowden a clairement fait savoir qu’il aimerait être accueilli soit en France, soit en Allemagne. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian n’a pas perdu une minute pour déclarer que « la France n’a pas de raisons de changer de point de vue », comprendre, d’accepter l’asile politique à l’un des lanceurs d’alerte les plus connus au niveau mondial.

L’argument avancé par le chef de la diplomatie française est lamentable, lorsqu’il dit que « Edward Snowden réside en Russie » – le lanceur d’alerte n’y « réside » pas, il a été bloqué en 2013 à l’aéroport de Moscou après que les Etats-Unis avaient invalidé son passeport. Depuis, il séjourne à Moscou, faut de pouvoir aller ailleurs.

Et que fait l’Europe ? Les jolis discours expliquant qu’il faut tout mettre en œuvre pour protéger ces lanceurs d’alerte sont hypocrites, car lorsqu’il s’agit de prendre des mesures concrètes pour les protéger, il n’y a plus personne. Et entre les dents, les responsables font comprendre qu’on ne veut pas mettre en péril les « excellentes relations » avec les Etats-Unis. Mais aux Etats-Unis, le sort réservé aux lanceurs d’alerte est encore pire, comme on a pu le constater lors de la fuite du coup de fil entre le président Trump et son homologue ukrainien. Trump réclame d’être confronté au lanceur d’alerte ayant rendu public le contenu de cette conversation téléphonique, en sous-entendant que ce lanceur d’alerte pouvait être passible de la peine de mort.

Si l’Union Européenne veut garder un minimum de crédibilité, il faut qu’elle crée immédiatement un « droit d’asile européen » qui serait valable dans l’ensemble des Etats-membres. Il est inconcevable de tenir d’abord un discours qui se veut protecteur, pour ensuite sacrifier les lanceurs d’alerte pour des considérations politiques et économiques. Pour un tel « droit d’asile européen », il suffit que la Commission et le Parlement se mettent d’accord – mais dans la pratique, il faut croire que le traitement réservé aux lanceurs d’alerte arrange aussi les politiques européens. Pour sauver Julian Assange et Edward Snowden, il faut agir maintenant. Toute de suite. Avant qu’il ne soit trop tard.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste