Lettre à mes ami(e)s français (2)

Dimanche, chers ami(e)s français, vous ne voterez pas seulement pour le destin politique de la France pour les 5 ans à venir, mais également pour l’avenir des générations futures.

Fier citoyen français et européen ou futur exécutant d'ordres d'un système néonationaliste ? Foto: MOs810 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Chers ami(e)s français, le jour J s’approche et tout le monde est nerveux. Mais pourquoi ? Il suffit de faire le bon choix dimanche, d’écarter la fange brune du pouvoir et le problème sera résolu. Mais j’ai comme la sensation que de nombreux français s’enlisent dans des débats qui n’ont rien à voir avec ce scrutin binaire de dimanche et il faudra être conscient du danger que court la France, le pays de mon cœur, ces jours-ci.

Bien sûr, le quinquennat dure, comme l’indique son nom, 5 ans. Mais les conséquences de votre vote, chers ami(e)s français, peuvent durer cette fois bien plus longtemps que cela. Et nous, en Allemagne, nous savons ça mieux que quiconque d’autre. Et ce que je vous écris, ce n’est pas une leçon hautaine d’un Allemand qui se permet de critiquer le pays où il vit, mais le partage d’un vécu, d’une expérience, dont il vaudrait mieux se passer.

Je suis né, bien après la IIe Guerre Mondiale, en Allemagne. Et toute ma vie était marquée par l’erreur des électeurs et électrices allemands en 1933. A la sortie du chaos de la République de Weimar, dans une situation économique tendue, les Allemands pensaient voter pour un retour à l’ordre, pour la fin des affrontements violents de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche dans les rues, pour une perspective de travail, de prospérité, de nouvelles chances et, aussi étonnant que cela puisse paraître, de paix. Pourtant, dès les années 20, Hitler avait dessiné les grandes lignes de ses projets maladifs dans « Mein Kampf », mais les Allemands fermaient les yeux devant les fantasmes pathologiques des nazis – ils voulaient voter contre « le système », ils voulaient que tout change radicalement. Et cette erreur de nos ancêtres en 1933 allait marquer toute ma vie. Et aussi celle de tous les autres Allemands nés après la guerre – les horreurs des nazis nous ont suivis partout. Dans tous les pays, les plaques commémoratives, les monuments aux morts, les ressentiments contre notre pays, nous rappellent que nous appartenons à une nation de criminels, que le fait d’être allemand constitue déjà une honte. Pourtant, nos générations n’ont rien fait pour cela, mais nous la ressentons cette honte, cette responsabilité collective, ce devoir de lutter contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à une menace pour la démocratie.

La responsabilité collective allemande est lourde et ne s’arrêtera jamais. Nous avons visité les camps de concentration, Omaha Beach, les plages du débarquement en Normandie, en Italie, en Grèce et ailleurs. Nous nous sommes engagés dans le travail de la mémoire – en nous mobilisant dans des organisations antifascistes, en effectuant notre service civil sur les tombes des cimetières militaires, en essayant de montrer au monde que l’Allemagne ne se résume pas aux années 1933-45. Mais malgré cela, rien ne peut (et ne doit !) faire oublier les horreurs commis par l’Allemagne nazie.

Pourquoi, chers ami(e)s français, je vous raconte tout ça ? Certainement pas pour me lamenter sur le fardeau que portent les générations d’Allemands nés après la guerre. Par rapport aux souffrances des victimes du nazisme, ce fardeau ne représente rien du tout. Je vous raconte tout cela pour vous dire que votre vote de dimanche, pourra avoir des conséquences même sur des générations de jeunes Français et Françaises qui ne sont même pas encore nés.

Voulez-vous que vos enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants vous posent un jour la même question que nous, on a posé à nos parents et grands-parents : « Pourquoi vous n’avez pas empêché ça ? ». Et vous allez répondre « parce que l’autre représentait trop le système » ? Voulez-vous vraiment que vos enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants ne pourront plus se déplacer dans le monde sans que les gens leur crachent devant les pieds ? Voulez-vous hypothéquer l’avenir des générations futures par un vote de mécontentement momentané ?

Beaucoup de choses ne fonctionnent pas bien et ce, dans tous les pays du monde. Mais on ne peut pas régler les problèmes en mandatant le renard à surveiller le poulailler. Dimanche, il s’agit d’assurer l’avenir de vos enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants – et la fierté nationale, dont parle le Front National, ne réside pas dans la gestation d’un néonationalisme nombriliste, dangereux et violent, mais dans la défense des valeurs qui font que le monde entier aime la France : Liberté, Egalité, Fraternité. Vous êtes les fiers citoyens et citoyennes du pays des Droits de l’Homme, de la Révolution, de la liberté intellectuelle, des arts, de la beauté de la vie – je vous demande humblement de les défendre pour la France, mais aussi pour toute l’Europe.

S’il vous plaît, ne jouez pas avec le feu dimanche. S’il vous plaît, votez pour Emmanuel Macron et stoppez une évolution qui met en péril l’avenir de vos enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants. Ne votez pas pour la candidate du Front National, ne votez pas blanc, ne vous abstenez pas – les enjeux sont trop importants.

Merci

Votre

Kai A. Littmann

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