LuxLeaks : le Bon Dieu doit être luxembourgeois…

Devant la commission d’enquête spéciale concernant le scandale «LuxLeaks», le président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker n’a pas fait bella figura…

Chef du gouvernement et ministre des finances au Luxembourg, Jean-Claude Juncker ne se souvient pas qui a fait les lois favorisant l'évasion fiscale dans son pays... Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(KL) – «Monsieur Juncker tente de se payer de notre tête», commentait l’eurodéputé vert Sven Giegold après le passage de Jean-Claude Juncker devant la commission enquête du Parlement Européen. Car, à croire l’ancien chef du gouvernement et ministre des finances du Luxembourg, le système permettant à de nombreuses entreprises multinationales d’éviter de payer des impôts dans les différents pays européens, est tombé du ciel. Un jour, ce système était là et puisqu’il était en vigueur, les fonctionnaires du fisc n’avaient guère le choix – ils étaient bien obligés d’appliquer ce système qui fonctionnait formidablement bien. Autant pour les entreprises comme Apple, Amazon, Coca-Cola, Ikea et bien d’autres que pour le Luxembourg, car les multinationales choisissant le Grand Duché pour leurs sièges européens, étaient nombreuses, créant des emplois, contribuant à la prospérité du Luxembourg.

«Au Luxembourg, je n‘ai pas inventé de système de fraude fiscale ou permettant d‘éviter des impôts au détriment des autres états européens», disait Jean-Claude Juncker devant les eurodéputés, mais si le plus haut responsable luxembourgeois, en charge non seulement du gouvernement, mais plus précisément des finances (1989 à 2005), qui aurait donc mis en place ce système et ce, sans que le patron ne soit au courant ?

«Le Luxembourg est un état de droit», soulignait Juncker. Soit. Mais qui fait donc les lois au Luxembourg ? «L‘administration fiscale n‘a fait qu‘appliquer les lois en vigueur», continuait Juncker. Mais qui fait donc les lois au Luxembourg ? Qui a décrété qu’une multinationale installant son siège au Luxembourg soit largement exonérée d’impôts, tout en pouvant y enregistrer les bénéfices réalisés dans les autres pays européens ? Ces sièges européens installés au Luxembourg s’adonnaient à des activités comme la «gestion de la marque», ce qui veut dire qu’elles dressaient des factures pour des «droits de licence pour l‘utilisation de la marque» aux filiales dans les autres pays et souvent, ces «droits de licence» correspondaient aux bénéfices réalisés dans le pays en question. Ainsi, les filiales dans les autres pays européens n’avaient pas à payer d’impôts (puisque les bénéfices correspondaient aux «droits de licence») et le siège européen ne payait qu’une infime participation fiscale sur ces bénéfices au trésor public luxembourgeois. Ainsi, le Luxembourg n’a pas seulement profité un maximum, mais il a aussi privé les autres pays européens des recettes fiscales et ce, des plus grandes entreprises mondiales réalisant les plus forts bénéfices. Mais Monsieur Juncker, dans sa fonction de premier-ministre et de ministre des finances, n’a aucune idée d’où viennent ces lois.

De plus, comme l’a relevé l’eurodéputé Fabio de Masi, la Commission Européenne aurait activement empêché le travail de cette commission d’enquête en refusant de fournir des documents importants. «Si ceci constitue la réponse de la Commission Européenne à un cartel criminel de fraude fiscale, l’Union n’aura pas d’avenir…».

Même son de cloche chez l’eurodéputé libéral Michael Theurer: «Monsieur Juncker fait porter le chapeau aux fonctionnaires du fisc. On ne peut pas croire qu’il n’a pas été au courant en sa qualité de chef de gouvernement». Et tous regrettaient que Juncker ait refusé d’en assumer, au moins, la responsabilité politique.

Le comportement de Juncker dans ce scandale est effectivement peu crédible, surtout dans la mesure où il se présente comme un militant pour plus de justice fiscale en Europe. «Le système fiscal en Europe est injuste», a-t-il dit et il est bien placé pour le savoir. Car c’est devant ses yeux fermés que le Bon Dieu a parachuté ce système sur le Luxembourg qui, en se réveillant un matin, disposait d’un système pour justement institutionnaliser ces injustices et pour priver les autres état-membres des recettes fiscales sur les bénéfices énormes réalisés par les plus grandes entreprises mondiales. Comme quoi, le Bon Dieu doit être luxembourgeois…

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