Merci, voisins européens !

Lors d'une manifestation sur la rive kehloise du Rhin, les voisins allemands ont demandé l'ouverture immédiate de la frontière et souligné la volonté d'évoluer dans un espace de vie commun.

Un joli geste de solidarité franco-allemande et européenne sur la rive allemande du Rhin... Foto: (c) Florence Grandon (France Télévisions)

(KL) – Ces prochaines semaines, prochains mois et peut-être même prochaines années, nous devrions faire la distinction entre les peuples européens et les gouvernements nationaux. Hier, à l’occasion de la « Journée Européenne », de nombreux Allemands ont manifesté sur la rive allemande du Rhin, pour montrer aux voisins alsaciens que les décisions de la haute politique ne reflètent pas nécessairement ce que la population souhaite. Ce ne sont pas « les Allemands » qui ont fermé la frontière franco-allemande, mais le gouvernement allemand. Tout comme on ne peut pas dire que « les Français n’ont pas commandé des masques à temps », c’était le gouvernement français.

Alignés sur la rive, les participants, qui d’ailleurs ont parfaitement respecté les gestes barrière, ont déployé des parapluies. Pourquoi des parapluies ? En langue allemande, les programmes de sauvetage de la BCE et d’autres organismes financiers, sont appelés « Rettungsschirm » – ce qui se traduit littéralement par « parapluie de sauvetage ». Bon, l’expression est un peu bizarre, car on ne peut pas sauver grande chose avec un parapluie, mais c’est comme ça. Le geste voulait donc dire « on déploie un ‘parapluie de sauvetage’ pour sauver les relations franco-allemandes » – une symbolique bienvenue à un moment où ces relations franco-allemandes sont malmenées.

Il faut le dire haut et fort : cette fermeture de la frontière aura causé d’énormes dégâts aux relations franco-allemandes. En l’espace de quelques jours, une partie du travail des architectes de l’amitié franco-allemande s’est écroulée. Mesures incompréhensibles du côté allemand où la fermeture unilatérale de la frontière entre les deux pays était suivi de nombreux incidents – des travailleurs frontaliers alsaciens qui se faisaient traiter de « sale Français » lors de contrôles à la frontière, des travailleurs frontaliers qui se faisaient verbaliser à hauteur de 500 € pour avoir fait des courses après le travail dans des magasins allemands, des familles séparées qui ne pouvaient plus franchir cette frontière – et la liste de ce genre d’incidents est longue.

En Alsace, au bout de quelques semaines, ces comportements incompréhensibles ont réveillé d’anciens ressentiments, un anti-germanisme assez compréhensible. Mais ni le comportement allemand, ni ces ressentiments ne feront avancer notre région du Rhin Supérieur. Donc, des forces vives du « franco-allemand » comme Peter Cleiss, ancien directeur des écoles professionnelles à Kehl et d’autres, commencent dès aujourd’hui à réparer les dégâts causés par les autorités allemandes. Pour rétablir la confiance perdue, il faut se montrer, il faut élever la voix – et c’est exactement ce qu’ont fait hier les participants à cette manifestation pas comme les autres ; et le postulat est clair et compréhensible : « Ouvrez cette frontière, maintenant ! ».

Le risque sanitaire est aujourd’hui le même dans la Région Grand Est qu’au Bade-Wurtemberg. Il est temps que les autorités allemandes cessent de considérer le Grand Est comme une zone de pestiférés – si déjà il y a déconfinement de part et d’autre du Rhin, il est temps de déconfiner aussi ces relations franco-allemandes qui ont pris un sacré coup pendant les presque deux mois de la fermeture de la frontière.

Si à partir de demain, 11 mai, les travailleurs frontaliers alsaciens peuvent à nouveau faire leurs courses en Allemagne en rentrant de leur travail, ceci représente une petite amélioration de la situation, mais en aucun cas la réouverture tant attendu de cette frontière que nous pensions tous abolie.

Merci aux voisins allemands d’avoir participé nombreux à cette belle manifestation – un geste des citoyens et citoyennes badois à destination des citoyens et citoyennes alsaciens. Et on retient une grande leçon : pour réparer les dégât causés par la grande politique, il sera impossible d’exclure la société civile. Les vrais architectes de l’amitié franco-allemande et de l’Europe, ce ne sont pas ceux qui s’ornent mutuellement de médailles, mais ceux et celles qui se trouvaient hier sur la rive du Rhin ! Merci, votre geste a été bien compris !

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