Monténégro : victoire pour les écolos !

Les Salines d’Ulcinj classé Parc naturel public, enfin

Les installations de pêche traditionnelles, à l'entrée de la Saline d'Ulcinj Foto: fiedler/Wikimédia Commons/ CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Lundi dernier, les citoyens motivés et les associations environnementalistes d’Ulcinj, au Sud du Monténégro, ont appris avec un immense bonheur la décision du Parlement local : les Salines d’Ulcinj, un monument naturel d’une immense importance, deviendra un Parc naturel, et ses richesses en faune et en flore, ses pélicans, ses flamants roses, ses salicornes, ses orchidées vont donc être protégés. En principe.

La Saline d’Ulcinj couvre 1500 hectares au Sud du Monténégro, juste à la frontière albanaise et à la lisière de l’immense Lac de Skadar (en albanais : Shkodra). C’est une zone comparable à la Camargue ou au delta du Danube – la Saline en effet a été installée sur une partie du delta de la rivière Bojana. 25 000 oiseaux migrateurs y passent d’ordinaire, au printemps et en automne : car nous sommes sur l’un des principaux couloirs de migration entre Europe et Afrique. Par ailleurs, la Saline est un refuge : la côte monténégrine a été beaucoup bétonnée et saccagée par des aménagements de type années 1960 vintage, et les animaux sont bien plus tranquilles ici.

C’est pourquoi la zone est habitée par des myriades de flamants roses et d’innombrables pélicans (des « pélicans dalmates »), qui ont disparu ailleurs, dans les autres contrées des Balkans. Et par des serpents dont, en passant personne n’accepte d’expliquer à l’étranger s’ils sont venimeux ou non… Et par de nombreuses espèces de limicoles, menacées ailleurs.

La production de sel est importante depuis 1934, au point d’avoir occupé 400 personnes. Hélas, elle a été privatisée au début des années 2000, et la Saline a été vendue pour 75% à une entreprise privée, Eurofond, en 2004, pour un prix assez dérisoire. Mais patatras ! Eurofond fait faillite, et le site est livré à lui-même : il s’ assèche partiellement.

En 2005, la zone est classée parc naturel privé, ce qui est une très mauvaise solution puisque cette privauté permet de faire à peu près ce qu’on veut d’un tel site, notamment se livrer à la spéculation foncière et envisager un complexe hôtelier et un golf. Ce que fait Eurofond, en effet.

Le danger majeur sur le delta, c’était un projet qui se nourrissait de fonds russes et assez activement, quoique discrètement, soutenu par le gouvernement Đukanović, depuis quelques années. Et les abords de la Saline seraient devenus un centre balnéaire comparable aux plus laids du pays, et les oiseaux se seraient enfuis à tire d’aile en se bouchant le bec comme les ornithorynques. Mais les citoyens d’Ulcinj se sont regroupés en associations civiques ou environnementalistes, épaulées par des ONG comme l’Association Dr.Martin Schneider-Jacoby, le Centre Aviaire de Protection et de recherche et bien d’autres. Et par des personnalités exceptionnelles comme Zenepa Lika, l’ancienne ambassadrice d’Allemagne Gudrun Steinacker ou Marija Stanisić… Elles (et ils !) ont réussi le 24 juin ce que leur persévérance et leur enthousiasme leur ont fait espérer pendant une quinzaine d’années : le classement de la Saline comme Parc naturel.

Cette décision a été votée par le Parlement local en se fondant sur une loi nationale monténégrine. Beaucoup espèrent que pourra se développer là un tourisme intelligent, respectueux. Ces dernières années, le gouvernement de Podgorica a fait remplir à nouveau le site d’eau à l’aide de pompes, ce qui permettra aux oiseaux de revenir par milliers faire halte, surtout au printemps.

Le sens de la responsabilité naît ainsi, à partir de bonnes décisions. Le combat n’est pas terminé, sans doute : il faudra que les citoyens d’Ulcinj (très majoritairement de culture albanaise) soient attentifs à ne jamais permettre aucune dérogation du type de celles qui ont permis, à grands coups de capitaux russes, de défigurer des parties entières du territoire, notamment dans les stations du Nord. Il faudra que le gouvernement se rende concrètement conforme à ce qu’il énonce depuis les années 1990 dans une sorte d’opération de marketing : une affirmation écologiste très explicite.

Allons y ! Il se passe souvent des choses très positives, dans les Balkans ; et il faut aider à leur éclosion !

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