Monténégro : un journaliste condamné à 18 mois de prison

Il travaillait sur le trafic d’armes, ce qui déplaît

Jovo Martinovic libre dans son pays Foto: Reporters without Borders / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(MC) – Nous avons appris aujourd’hui, notamment grâce à Reporters sans Frontières, que Jovo Martinović a été condamné à 18 mois fermes. Un méchant brigand ? Non : un journaliste d’investigation qui enquêtait sur le trafic de drogue et d’armes à travers les pays des Balkans.

Ce 15 janvier donc, la Cour suprême du Monténégro a condamné Jovo Martinović à 18 mois – Jovo en a déjà accompli 15 en prison – avec pour motifs d’accusation le trafic de cannabis et la participation à une association de malfaiteurs. Des accusations plutôt facile à bricoler, puisque Martinović, certes, a été en contact avec des narcotrafiquants – mais c’était pour les besoins de son enquête ! Le journaliste a été arrêté le 22 octobre 2015.

Selon RSF, la Cour n’a pas considéré les éléments et les témoignages qui disculpaient très clairement le journaliste monténégrin. Il semble bien que cette affaire puisse être interprétée comme l’indice d’une certaine régression de Podgorica en ce qui concerne la liberté d’expression et le respect de l’état de droit. Alors même que le Monténégro désire l’intégration à l’Union Européenne…On espère donc très vivement que la façade quelque peu trompeuse que dresse Podgorica aux yeux de Strasbourg et de Bruxelles deviendra réalité, tout comme on l’espère pour d’autres pays voisins.

Jovo Martinović a travaillé naguère sur le Kosovo, puis son champ d’investigation est devenu son propre pays, le Monténégro, où il a mené des enquêtes pour un grand nombre de journaux américains ou allemands (le Wall Street Journal et la FAZ, notamment). C’est à partir de là, au début des années 2000, que le journaliste a été approché par des… gens qu’employait le ministère de l’Information. Il a été arrêté en 2004 pour la première fois pour « dénigrement du nom du Monténégro », parce qu’il travaillait sur les trafics de la communauté rrom – qui donnent certes une image peu reluisante du pays – puis relâché.

En 2006, c’est l’indépendance totale du Monténégro, qui s’accompagne d’une campagne d’intimidation contre les médias. En octobre 2015, il enquête (pour Canal+) sur les trafic d’armes et entre ainsi en contact avec un ancien braqueur, Duško Martinović (un homonyme…). Celui-ci tombe – le journaliste est alors lui-même inculpé, à partir d’éléments minces ou fabriqués.

Lors du procès du truand Duško, à partir du 27 octobre 2016, celui-ci plaide coupable et disculpe le journaliste. Mais ce dernier doit rester en prison. Plusieurs demandes de libération sous caution restent sans aucune réponse. Jovo Martinović est cependant libéré le 4 janvier 2017. Mais son procès reprend en mars 2018, et le voilà donc condamné à 18 mois.

RSF affirme que la liberté d’informer n’a pas été respectée par les autorités monténégrines durant toute la (très longue) durée de la procédure, à savoir durant 3 ans, et que certains intérêts politiques et « économiques » entravaient fortement la marche de la justice et le droit du journaliste Martinović à un procès équitable.

RSF appelle donc les organisations internationales et les gouvernements occidentaux à dénoncer le verdict et à soutenir le journaliste.

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