Zuzana et les vieillards

De vrais changements en Slovaquie ?

Zuzana Caputova, la nouvelle Présidente slovaque le jour de son "intronisation", avec ses fantaisistes préférés Foto: Matej Grochal/WikimédiaCommons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Samedi dernier, Zuzana Čaputová a été intronisée Présidente de la République Slovaque. Elle a prononcé un discours exceptionnel, surtout dans l’Union Européenne actuelle. Mais elle aura fort à faire pour… atténuer au moins la corruption dans son pays (soyons modeste…) et alléger le climat pesant et suspicieux qui y règne à l’égard de la « classe » politique, mouillée également dans l’assassinat d’un journaliste d’investigation, Ján Kuciak (28 ans), l’an dernier.

De grands espoirs sont nés en Slovaquie – bien que selon les résultats du vote du mois dernier et les sondages, à peine une moitié de la population du pays fasse confiance à la jeune Présidente de 48 ans pour changer l’état des choses.Pour le montrer par contraste, on peut mentionner la réaction du Président tchèque, Miloš Zeman, et le Premier ministre, Andrej Babiš, que l’indignation de la population à l’égard des pratiques corruptives de cet ex-apparatchik milliardaire eût du chasser depuis plusieurs années du pouvoir. La première visite de Madame Čaputová sera, précisément, pour la République tchèque. Eh bien, figurez vous que Babiš n’en semble guère enchanté… « La Tchéquie n’est pas la Slovaquie », a-t-il estimé. Il veut dire par là que si en Slovaquie, l’indignation à l’égard du précédent Premier ministre Robert Fico et d’une partie de son gouvernement a été le facteur déclenchant d’une rénovation (encore débutante) du pays, en Tchéquie, ni lui ni son protecteur Zeman ne quitteront le pouvoir, malgré la pression populaire de plus en plus forte.

Zuzana Caputová est une personnalité d’un type nouveau, en effet : militante environnementaliste, elle est active dans la lutte contre la corruption depuis plusieurs années. Et le discours qu’elle a prononcé à l’occasion de sa prestation de serment samedi, face à la Cour constitutionnelle, allait très explicitement dans ces sens – et dans celui de la tolérance : « N’oublions pas que nous faisons tous partie de la famille humaine. N’oublions pas d’aimer nos voisins, ce qui est la base même du respect des différences ! » a-t-elle dit. Etonnant, non ? Elle a assuré aussi qu’elle veillerait au bien-être de la Slovaquie et des minorités nationales qui y vivent, et qu’elle protégerait la Constitution.

Très bien, mais quelle sera sa marge de manœuvre ? La population slovaque a élu cette Madame pour se débarrasser enfin du SMER et de ses pompes, le parti des précédent et actuel Premiers ministres, Robert Fico et Peter Pellegrini.

Robert Fico a été élu en 2006, avec l’appui de partis nationalistes et populistes – on parlait d’ « alliance rose-brune », ce qui correspond assez bien à la réalité. Fico est un ancien du Parti communiste à l’époque soviéto-stalinienne, fondateur en 1999 du SMER, parti « social-démocrate ». Mais la politique effectivement menée jusqu’à 2010 n’a pas été bien différente de celle de ses prédécesseurs libéraux…

On oublie trop souvent que dès le début de l’année 2017, un immense mouvement social anti-corruption jette les gens, surtout les étudiants, dans les rues de Bratislava. Ils demandent la démission de Fico et de son ministre de l’Intérieur. Mais c’est l’assassinat de Ján Kuciak et, lié très étroitement à ce meurtre, les révélations ant- et posthumes de Fico sur ses liens… intimes avec la mafia calabraise qui ont soulevé la population slovaque (https://eurojournalist.eu/slovaquie-justice-et-democratie/). S’en suivent des manifestations sans précédents depuis le changement de régime de 1989 : 25 000, puis plus de 40 000 personnes début mars dans la capitale. Peter Pellegrini le remplace le 22 mars 2018.

Pellegrini, Premier ministre SMER, a assuré la semaine dernière qu’il serait à même de travailler avec Zuzana Čaputová, et cette dernière a accepté cette main moite, mais tendue. Dont acte ! Mais il y a plus important et plus urgent : il sera nécessaire à la Présidente de restaurer la confiance de la population envers la justice… Elle dispose du pouvoir de remplacer un certain nombre de juges constitutionnels – point n’est besoin d’insister sur l’importance de ce geste éventuel…, mais aussi de membres du Conseil de la magistrature. Nous suivrons ses démarches en la matière avec intérêt.

Bien évidemment, des réformes bien plus radicales s’imposeraient. Mais comment faire alors que le premier ministre est une sommité de ce redoutable parti post-communiste qu’est le SMER, et que toute l’action de la Présidente ne peut s’effectuer que dans cette ambiance lourde de suspicion et sans doute, de coups fourrés ?

Rendez-vous pour les législatives, en mars 2020 !

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste