Allemagne : quelle dirigeante pour le SPD ?

Un long suspense

Femmes ! Une affiche du SPD en 1919 Foto: FEbertSt-Kirchbach/Wikimédia Commons/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – On ne semble pas trop se presser au portillon pour assurer la direction du vénérable parti social-démocrate, d’ailleurs en chute vertigineuse dans les sondages. Comme lors d’un bal dans un village perdu, les éventuels candidats-hommes peinent à trouver leur moitié féminine, celle qui pourrait établir la direction à parité recommandée. Alors, qui donc sera Madame SPD ?

Il reste quelques semaines avant que la candidate à la direction du SPD se présente devant le parti. C’est à la fois assez long et très court, puisque personne ne semble encore saisi d’un ardent désir d’accompagner le candidat masculin, dont on ne sait pas davantage qui il sera… Guère d’enthousiasme, donc. L’idée de se trouver à la tête d’un tel parti n’est ni formid’, ni sensass aux yeux des semi-huiles de la formation.

La procédure, d’ailleurs, sera longue : à partir du 4 septembre, les candidats devront traverser l’Allemagne et rencontrer militants et électeurs de base : en un peu plus d’un mois se tiendront à cette fin, en principe, 32 conférences régionales ! Le 14 octobre, la décision de la « base » sera rendue publique, puis, le 26 octobre, celle des membres du parti. Enfin, entre les 6 et 8 décembre,l’assemblée générale du parti entérinera la décision, et nous saurons alors, si tout se passe bien, qui sera le couple infernal qui veillera sur l’avenir du grand vieux parti de gauche allemand. D’ici là, intenable suspense.

Mais qui donc verra-t-on ? Pour l’instant, on pense essentiellement à Michaël Roth, ministre des Affaires étrangères, et Karl Lautenbach, vice-président de la fraction SPD au Parlement fédéral – qui ferait un réjouissant candidat à nœud pap’ rubicond et franchement à la gauche du parti. Mais qui sera la femme ? Mystère… Mais pourquoi si peu d ‘empressement ?

Sans doute y a-t-il deux raisons à cela. La première, c’est que les candidates potentielles s’abstiennent prudemment de s’annoncer trop tôt et de risquer le refus des différentes instances du SPD – ce qui serait catastrophique pour leur carrière politique et leur éventuelle popularité future. S’adosser contre, tout contre un candidat masculin plus renommé est tout aussi périlleux : cela reviendrait à poser une différence d’envergure prétendue et l’imposer aux yeux des électeurs – qu’elle soit réelle ou non (il y a peu de chances qu’elle le soit…)

La seconde raison, c’est la très mauvaise impression qu’a produite l’élimination d’Andrea Nahles, la précédente secrétaire générale, radikal ausgerottet avec des méthodes pas jolies jolies qu’on n’eût sans doute pas mises en œuvre contre un dirigeant mâle. Chattes échaudées craignent l’eau froide…

Qui donc accompagnera l’heureux prétendant masculin au pouvoir ? Les cheftaines intérimaires, Malu Dreyer et Manuela Schwesig (surtout la seconde) eussent fait des candidates intéressantes, mais elles ont annoncé déjà en juin leur désistement. Quant à Franziska Giffey, elle a fait rien qu’à copier sa thèse de doctorat sur sa voisine, ce qui fait mauvaise impression. Restent la dynamique maire de Flensburg, Simone Lang, une forte personnalité. Et Christina Kampmann, ancienne ministre de la Famille, plutôt pragmatique. Et puis…

Et puis, faut-il dire : surtout ?, la vénérable Gesine Schwan, âgée de 76 ans et déjà deux fois candidate dans le passé. Frau Schwan joue le jeu : elle n’a pas annoncé sa candidature, mais elle donne assez adroitement des signes qu’elle se tient prête. De manière à la fois drôle et tragique, on commence à la présenter comme l’avenir du parti…

Née en 1943, Gesine Schwan est une personnalité d’envergure, cultivée et très active, notamment (depuis très longtemps) dans les relations germano-polonaises, les cercles internationaux d’étudiants, la scolarisation des jeunes filles en Afrique. Elle s’est opposée à Willy Brandt sur la collaboration avec les gouvernements staliniens, ce qui lui a coûté cher au sein du parti – et cela durant une douzaine d’années. C’est, enfin, une Européenne convaincue et ardente : elle est doyenne de l’Université européenne Viadrina de Frankfurt an der Oder, et au sein du Parlement, elle œuvre au Groupe Spinelli, qui défend une Europe fédérale.

Une hypothèse plus qu’intéressante, Gesine Schwan. Mais osera-t-on présenter, pour diriger le parti, une personne de 76 ans ? Nous l’espérons, pour 2 raisons : s’il s’agissait d’un candidat masculin, on ne mentionnerait pas même son âge ; et puis les critères qualitatifs doivent primer sur toute autre considération.

Un feuilleton à suivre cet hiver, donc.

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste