Noël, tout de même

« L’Enfer, c’est les huîtres » (Jean-Sal Portre)

Sur l'Arbre de Jessé, à Troyes, David, premier de la lignée... Foto : Vassil/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/PD

(Marc Chaudeur) – Une foi n’est pas costume : nous allons essayer de dégager ce qu’est Noël pour nous ; ce Noël qui, si nous l’examinons en surface, est devenu pour nous No Ailes, quelque chose qui racle le bitume mercantile strasbourgeois… Du moins quand nous ne fuyons pas la Ville, le 24 décembre… à tire d’ailes, justement. Restent cependant pour nous des sujets d’éblouissement et d’émerveillement. Noël et l’émerveillement… Deux choses continuent à scintiller dans la nuit froide. Dans la nuit glacée de notre post-postmodernité. C’est le Sapin et la Naissance.

J’ai parlé souvent de Noël : dans mon ancien blog, dans de nombreux articles et dans l’un de mes livres. Que reste-t-il de cet amour ? Il reste, d’abord, le Sapin. Le Sapin sent bon, il est magnifique quand il est décoré – et même quand il ne l’est pas ; et on dit que c’est un symbole. Un symbole de quoi ? Le Sapin est un arbre : il a des racines dans la terre, un tronc qui s’élance droit vers le ciel, et des branches qui portent fruits et oiseaux, à niveau d’homme. L’Arbre est un lien sûr de la terre au ciel, qui se tient droit debout, constant, dans ce monde dangereux et douloureux. De plus, le Sapin occupe l’intersection entre des données différentes. Entre nature et culture ; entre paganisme et christianisme, surtout.

Par exemple, l’arbre chargé de boules (!) ressemble beaucoup à cet Arbre sacré que les Yakoutes, au Nord de la Sibérie, décorent de divers objets qui sont en somme des offrandes , dans cette culture chamanique très proche de la Nature et de ses forces. Cet Arbre sacré, en général un mélèze, est très présent dans les écrits de cette peuplade septentrionale, même dans les textes le plus récents : au début du XX° siècle, il y avait le fameux Gavriil Xenofontov ; aujourd’hui, il y a ces auteurs que je ne parviens pas à retrouver dans ma bibliothèque (bon sang, où sont-ils passés ?!), mais si cela vous intéresse, il suffit de vous adresser à Emilie Maj et à sa maison, Borealis (clic clic). Origine lointaine de notre sapin allemand et alsacien ? Ce n’est pas impossible, via le chamanisme finnois qui a précédé l’arrivée des Germains en Scandinavie. Où l’on a connu ensuite Yggdrasil, le Frêne qui soutient le monde.

Dans la Bible et dans le christianisme, surtout au Moyen Age, entre le 11° et le 15° siècle, on représente l’Arbre de Jessé : c’est une image de la généalogie de Jésus extrapolée à partir de Isaiah/Isaïe – Jésus est censé être d’ascendance royale, comme l’affirme Matthieu. Cet arbre magnifique, on peut l’admirer sur les vitraux de nos cathédrales européennes, notamment à Strasbourg.

La Naissance, c’est important, en effet. Le sens même de Noël est là.Noël, c’était autrefois le solstice, et Mithra, et pour nos parents encore, une belle jeune femme toute de blanc vêtue qui apparaissait pour récompenser les enfants le soir du 24, avant d’être chassée à coups de santiags cloutés par le père Noël texan. Mais cela n’empêchait pas le p’tit Jésus de naître et de se réchauffer au souffle d’un bœuf et d’un âne, et d’être visité par des migrants irakiens dont l’un faisait rien qu’à être tout noir, même.

Naissance de Jésus… L’image même de l’innocence et de l’enfance. Et pourtant, voilà 2 thèmes sur lesquels réfléchir. Lors de ses concerts de Noël, le chanteur alsacien Roland Engel a insisté sur le fait que fuyant le massacre qu’Hérode aurait commandé, Jésus serait né « à l’étranger » – en Egypte – et aurait porté sa vie durant dans son cœur la marque de cette… extranéité. En un mot, Jésus est en partie un migrant. Et puis, deuxième considération intéressante, liée à la première : l’auteur portugais José Saramago, dans son Evangile selon Jésus, aperçoit ce qu’on toujours eu du mal à apercevoir dans cette naissance, c’est qu’elle a eu lieu sur le fond d’un « massacre » : celui des « Saints Innocents »… Troublant, non ?

Mais le plus merveilleux dans la naissance de ce Jésus qu’on dit Christ, dans Noël, c’est la naissance de Jésus en nous. L’un de nos prédicateurs nationaux alsaciens, Johannes Tauler (au XIV° siècle) insiste sur cela et y consacre des Sermons magnifiques ; de même que son sublime Maître Eckhart. Jésus, incarnation de l’Amour (mais aussi, du Détachement) doit naître en nous – ou sinon, Noël n’a aucun sens.

Naître en nous ? Tauler va plus loin : il doit naître par nous. Le Christ, pour lui, doit descendre en nous, y croître comme croît un germe dans le sein d’une femme. Mais pas seulement : il doit naître par nous sur terre…

Et voilà donc que par la grâce de… par la Grâce tout court, il nous est donné, à nous hommes aussi, d’engendrer ! De donner naissance à quelque chose de très beau. Noël, c’est cela.

Ces prochains jours, vos serviteurs d’Eurojournalist vont lever le pied et puiser des forces nouvelles. Jusqu’au lundi 6 janvier, vous pourrez donc trouver notre « Best of » annuel de quelques-uns de nos meilleurs articles de l’an 2019 : en français, en allemand, et aussi en anglais et en italien. E glücklichi Wihnáchte ! Wesołych Świąt ! Joyeux Noël !

 

 

 

 

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