Les crèches madériennes

La Lapinha de Funchal, une crèche monumentale. Foto: Mark Woodbury / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – En période de fêtes de fin d’année, l’archipel de Madère est, entre autres traditions, réputé pour ses crèches dont on retrouve des répliques dans d’autres régions lusophones de la Terre. La lapinha madeirense (crèche madérienne) est, selon les traditions familiales, installée pour le 8 décembre, Jour de l’Immaculée Conception (Nossa Senhora da Conceição), ou en vue de la première des neuf Messes de l’Accouchement (Missas do Parto) célébrées du 16 au 24 décembre. Mais dans les lieux publics, l’attrait touristique de ces réalisations artistiques souvent complexes, fait qu’elles sont fréquemment en place dès le début du mois de décembre.

Il en existe deux variantes : la lapinha em escadinha en paliers et la lapinha de ronchita implantée sur une structure en relief. Aujourd’hui, la première est souvent installée dans les domiciles privés ou alors les lieux publics manquant d’espace tels que les oratoires ou chapelles, tandis que la seconde est aménagée dans des espaces plus grands tels que les places publiques et les églises. Le nom lapinha vient des traditions médiévales, pour lesquelles Jésus était né dans une caverne (lapa). C’est ainsi que dans les pays lusophones, les crèches sont nommées lapinhas, alors que les hispanophones parlent de belenes, en référence à Bethléem.

La lapinha em escadinha est composée d’un petit autel à trois niveaux, placé sur une nappe rouge recouverte d’un napperon en dentelle. Au sommet de la structure, il y a une image de l’Enfant Jésus, entourée de fleurs de papier comme on en fait à Campo Maior. Sur les autres marches, se trouvent les figurines de la Nativité, ainsi que des fruits de saison, des grains de blé, de petites bouteilles de vin et parfois une lampe à huile.

Plus complexe à réaliser, la lapinha de ronchita est constituée de différents volumes, afin de créer un paysage partant de la crèche originelle, pour y associer des éléments plus contemporains comme par exemples des scènes villageoises et des édifices comme des églises forcément inexistantes à la naissance du Christ. En somme, la lapinha de ronchita s’apparente plus à la crèche des santons de Provence qu’à celle Bethléem. C’est dans ce même esprit que les Madériens reproduisent en miniature des paysages de l’île, qu’ils intègrent à leurs crèches.

Que l’on partage ou non le message spirituel véhiculé par ces œuvres d’art populaire, on ne peut qu’être admiratif devant, tant de recherche, d’ingéniosité, de patience et d’énergie investies pour les réaliser. Les Madériens en sont fiers à plus d’un titre, et refuser d’y prêter un minimum d’attention, revient à rejeter une partie d’eux-mêmes. Comme pour beaucoup de peuples latins où le catholicisme est majoritaire et encore très pratiqué, les traditions religieuses ont de l’importance car elles sont structurantes, mais cela n’empêche pas pour autant tout un chacun de voir midi à sa porte.