Paris-Berlin : le grand retour du couple franco-allemand ?

Alain Howiller sur le changement du pouvoir à Berlin. La nouvelle « chancelière » s'appellera Olaf Scholz qui sera probablement élu dès la semaine prochaine.

La chancellerie à Berlin, surnommée "machine à laver", aura un nouveau locataire dès le 10 décembre. Foto: TMbux / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Alain Howiller) – C’est donc vraisemblablement le 10 Décembre que le Bundestag sera amené à élire le nouveau gouvernement SPD/Verts/FDP. Un vote sans surprise qui permettra de tourner définitivement la page de l’ère de « Mutti » Angela Merkel qui prendra sa retraite après avoir été chancelière pendant 16 ans ! Olaf Scholz, le nouveau chancelier SPD pourra, alors, emménager dans le bâtiment qu’on appelle la « machine à laver », terme familier utilisé pour désigner le siège de la chancellerie fédérale. L’ancien Vice-Chancelier et Ministre des Finances d’Angela Merkel, remplacera pour quatre ans l’ancienne chancelière : la petite histoire retiendra que le nouveau responsable a été maire de Hambourg, la ville hanséatique où est née Angela Merkel, le 17 Juillet 1954 !

L’Histoire -tout court- retiendra, elle, qu’Olaf Scholz prend ses fonctions à un moment particulièrement difficile pour la République Fédérale où la Covid-19, en plein rebond, vient de comptabiliser 100.000 décès !

Pass sanitaire, couvre-feux et marchés de Noël ! – Car la situation est grave. Les hôpitaux engorgés, surchargés par les malades du virus, évacuent des malades vers des centres hospitaliers qui, en Allemagne ou à l’étranger, disposent encore de possibilités d’accueil. 13.000 soldats de la Bundeswehr interviennent pour aider les soignants à faire face à la pandémie et évacuer des malades, en cas de nécessité sanitaire, par avion ou hélicoptère. De discrètes mesures de confinement localisées, des couvre-feux sont installées. Le Bade-Wurtemberg ne vient-il pas de décider de fermer stades, bars et marchés de Noël ?

Le pass sanitaire est exigé un peu partout, des marchés de Noël (dont Fribourg en Brisgau, Stuttgart, Gengenbach, malgré son célèbre calendrier de l’Avent sur les murs de la mairie, Lörrach etc…) sont supprimés. L’obligation vaccinale, dont la généralisation évoquée par Winfried Kretschmann, le Ministre-Président du Bade-Wurtemberg, n’est plus écartée, s’impose chez ceux qui interviennent en hôpital, cliniques, maisons de retraite… Un débat sur l’introduction d’une vaccination obligatoire pour tous doit intervenir au Bundestag avant la fin de l’année.

Oser plus de progrès ! – Sensibilisé par les sondages qui soulignent que la majorité des Allemands ne sont plus satisfaits par les mesures prises, Olaf Scholz entend, dès son installation, doter la chancellerie d’un conseil scientifique et d’une instance qui suivra l’application réelle et coordonnée des dispositions arrêtées pour lutter contre la pandémie. Encouragé, sans doute, par l’arrêt que vient de rendre la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe validant les mesures de restrictions prises par la « Groko » au printemps, il a annoncé de nouvelles mesures tandis que Angela Merkel (toujours chancelière… « intermédiaire » !) et son Vice-Chancelier/futur chancelier (!), ont décidé d’avancer au Jeudi 2 Décembre, la conférence des Ministres-Présidents, initialement prévue le 9 du mois.

Le contrat de coalition (170 pages contre 185 en 2017 !) signé pour quatre ans par les trois partenaires de gouvernement, est placé sous le thème : « Mehr Fortschritt wagen – Oser davantage de progrès ». Sans rompre une certaine continuité avec la coalition sortante, le texte prévoit -entre autres dispositions- l’instauration (dès 2022) d’un salaire minimum à 12 euros bruts (contre 9,60 actuellement), la légalisation du cannabis, la fin des centrales à charbon d’ici à 2030 (au lieu de 2038) et 80% (au lieu de 45) d’énergies renouvelables, un doublement du nombre d’éoliennes etc…

Une connotation très européenne ! – La tonalité de ce nouveau gouvernement sera très européenne : les Verts sont (comme Yannick Jadot en France) pour une Fédération européenne et le SPD -au contraire de la CDU !- avait réagi très favorablement au fameux discours sur la relance de l’Europe prononcé, dès 2017, par Emmanuel Macron à la Sorbonne. Et les « nouveaux dirigeants » adhèrent à la notion de souveraineté stratégique européenne dans l’OTAN, défendue par le président français : ils sont favorables à une augmentation du budget de la défense et estiment que l’Allemagne devrait être davantage présente dans les affaires du monde.

Une relance de l’Europe par le couple franco-allemand est probable au moment où Emmanuel Macron va prendre la présidence de l’Union Européenne, alors que le président français vient de conclure avec l’Italie de Mario Draghi, un « Traité du Quirinal », un « remake franco-italien du traité franco-allemand dit de l’Elysée ».

Macron à la manœuvre ? – L’Europe sera, une fois encore, au cœur de la future campagne présidentielle du président sortant ! Avec néanmoins un double bémol à dépasser : Macron voudrait que l’Union Européenne accepte de classer l’énergie d’origine nucléaire comme « énergie verte », ce qui lui ouvrirait des possibilités de financements européens et il souhaiterait assouplir la règle autorisant dans le cadre européen, un déficit de 3% du PIB. Deux points de réticence allemande, encore que le compromis sur le déficit pourra être trouvé puisque le contrat de coalition admet les déficits lorsque la situation l’exige !

Dans son gouvernement, le chancelier Olaf Scholz sera entouré notamment de Robert Habeck, co-président des Verts qui héritera du titre symbolique de vice-chancelier, d’Annalena Baerbock, autre co-présidente des Verts qui s’occupera des Affaires Etrangères, de Christian Lindner (FDP) qui héritera du Ministère des Finances, de Cem Özdemir, le député vert d’origine turque (menacé par les partisans d’Erdogan, il vit sous protection policière en raison de ses positions non conformes aux positions d’Ankara), qui dirigera un Ministère de la Consommation et de l’Agriculture…

Le vote du 10 Décembre (à confirmer), en installant une nouvelle coalition marquera, dans des conditions particulièrement difficiles dans le contexte d’une crise sanitaire qui rebondit de manière dramatique, un tournant non seulement dans la vie politique allemande, mais également dans l’évolution d’une Union Européenne confrontée aux risques d’un monde qui se cherche plus que jamais et qui voit le retour de menaces -même armées- qu’on croyait enterrées !

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