« Retour vers le futur »… – un remake du gouvernement français !

Alain Howiller sur la situation actuelle en France. Vous vous souvenez de cette phrase ? « Plus rien ne sera comme avant… »…

Est-ce que nous essayons de résoudre les problèmes actuels comme Marty McFly ? Foto: Shaddim / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – Décidément, cette interminable pandémie aura des répercussions pour beaucoup de choses encore insoupçonnables concernant notre vie future : il est, sans doute, relativement banal de le dire et nous en suivons ici, régulièrement, l’expression. Au-delà des pratiques quotidiennes (distribution, mobilités, conditions de travail, tourisme(1), soins, e-santé…), il est des transformations-adaptations (?) hier encore impensables.

Certaines de ces évolutions font, inévitablement, penser (ne croyez-vous pas ?) à une sorte de remake de ce film américain sorti en… 1985 et décliné en trilogie, intitulé : « Retour vers le futur (Back to the future) ». C’est (en très résumé) l’histoire d’un adolescent qui voyage dans le passé à bord du véhicule inventé par un savant : il compte retoucher le passé pour changer le futur vers lequel il entend retourner !

L’ombre du général De Gaulle ? – Retrouver le passé pour orienter le futur : les commentateurs ne pourraient-ils pas, aujourd’hui, en trouver des traces dans le paysage politique français ?! Qu’en arrivant à Matignon, Jean Castex déclare tout de go « je suis un gaulliste social », n’est pas un anachronisme en soi, dans la mesure où, comme le disait André Malraux, « tout le monde a été, est et sera gaulliste ». Mais la recréation d’un « Commissariat au Plan » (C.G.P.) dans la foulée de la crise économique et des dissonances (c’est le moins qu’on puisse dire !) apparues dans la gestion de la Covid-19 constituent non seulement un sacré clin d’œil au passé de l’immédiate après-guerre lorsque, en Janvier 1946, le général de Gaulle créera le « Commissariat au Plan » dont l’idée avait déjà été étudiée par le régime de Vichy comme remède aux effets de la crise de 1929 (!).

L’institution sera supprimée en 1990, le dernier plan quinquennal qu’il aura préparé, s’achevant en 1992. Voilà donc revenu le temps des « plans », l’organisme recréé, dirigé par François Bayrou, étant chargé, avec sa centaine de collaborateurs et un budget annuel de l’ordre d’une quinzaine de millions d’euros, de dépasser le court terme pour préparer la France de… 2030 ! C’est, au-delà de la Covid, le grand retour de l’Etat voire du… capitalisme d’Etat à travers des prises de participations ! Le tout dans un pays où la dépense publique représente près de 54% du PIB !

Quand Mélenchon approuve le gouvernement ! – Mais le retour du « haut-commissariat au Plan » constitue, au-delà du retour d’une structure inspirée par ce qui fut un tournant symbolique dans la politique néo-libérale que ses opposants prêtaient de manière récurrente à Emmanuel Macron, un élément applaudi par certains que l’on n’attendait pas. Il est significatif, à cet égard, que Jean-Luc Mélenchon ait estimé que le retour du « CGP » constituait une « belle victoire culturelle » et « une belle avancée pour la France ! » Parallèlement à ce retour de l’Etat dans la prévision, le gouvernement va créer, dans la foulée du plan de relances élaboré par le Ministère de l’Economie et des Finances, des postes de « sous-préfets à la transformation et à la relance » chargés, selon la Ministre de la transformation et de la Fonction Publique Amélie de Montchalin, de s’assurer que, quand on décide quelque chose à Paris, il se passe quelque chose sur le terrain !

Pourtant, les pouvoirs publics ont beau passer des accords avec les régions, les départements ou les municipalités pour leur confier -en tant que « co-acteurs »- le soin de mettre en place la relance, l’Etat tient à superviser leur exécution et ce, dans un pays où on compte déjà 5,5 millions d’agents publics (contre 1,5 million en Allemagne).

Une administration hypertrophiée ! – La « sollicitude » de l’Etat envers les territoires s’était déjà inscrite dans la décision gouvernementale de confier aux préfets la possibilité d’adapter des textes de lois aux conditions locales : dans le dialogue entre le représentant de l’Etat et l’élu qui, pense-t-on, l’emportera ?

Les incohérences qui se sont manifestées dans la gestion de la crise sanitaire, entre les décisions politiques, leur transmission à l’opinion et leur… traduction dans la réalité, ont mis en lumière ce qui apparaît comme une autre… tradition française : la capacité d’obstruction d’une administration hypertrophiée face au pouvoir politique. C’est aussi contre ce travers que le candidat Macron entendait une fois élu : aurait-il encore le temps d’agir sur ce plan avec ce que la Covid et la durée restante du quinquennat lui laissent ?

L’Allemagne aussi ! – « Au cours des derniers mois, je préconisais une ‘révolution’ de notre système, un changement du logiciel politique et économique hérité de l’après-guerre… », avait déclaré (à Berlin !) celui qui n’était encore que candidat et qui, gilets jaunes et crise sanitaire plus tard, a du mettre (temporairement ?) beaucoup d’eau dans son vin.

Le propos a été tenu dans la capitale allemande où le gouvernement -Covid et crise économique obligent- a été amené, lui aussi, à changer son fusil d’épaule en renonçant à la sacro-sainte règle de l’équilibre budgétaire et en se soumettant à sa nouvelle « religion keynésienne » : investissements publics massifs et relance de la consommation deviennent des règles hier encore condamnées ! Une évolution qui illustre, d’une certaine façon, un retour aux théories d’hier pour espérer organiser l’avenir.

A ce stade, on devrait méditer sur cette déclaration de l’économiste Robert Boyer(1) dans une interview : « On ne peut pas appliquer des mots hérités des crises précédentes à une réalité nouvelle. Plus qu’une erreur, c’est une faute, car cela indique que l’on espère appliquer des remèdes connus qui seront donc inefficaces. » (Le Monde du 3 Octobre) Alors, c’est quand (et comment), ce retour vers le Futur ?

(1) Lire : « Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie », par Robert Boyer, Editions de La Découverte, 200 pages, 19 Euros, existe aussi en version numérique (15,99 Euros.)

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