Politique allemande : une tendance à la… remontada !

Alain Howiller analyse l’évolution de l’autre côté du Rhin. La France n’est pas le seul pays à connaître actuellement des difficultés, loin de là…

Est-ce que l'Allemagne réussira à remonter la pente ? Et si oui, quid de la descente ? Foto: Anthospace / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Qu’on me pardonne cet « amalgame » un peu hâtif entre le langage des sportifs et celui des politiques. Mais comment ne pas utiliser un terme que les premiers adorent : celui de « remontada ». Alors que les statistiques ont confirmé que la croissance avait été nulle au quatrième trimestre 2018 après un -0,2 % du PIB au troisième trimestre et qu’on s’interroge sur la santé de l’économie d’Outre-Rhin, les observateurs du monde politique jettent un regard un peu étonné sur l’actualité politique qui commence à surfer sur une véritable « remontée » ! L’analyse est intéressante en cette année 2019 qui connaîtra des élections européennes, des élections municipales dans une dizaine de « Länder » (dont la Sarre, le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat) et une élection régionale (« Land » de Brême) – le tout au mois de Mai et trois élections régionales en Septembre/Octobre.

A Munich, à la 53ème édition de la « Conférence sur la Sécurité en Europe » (15/17 février), Angela Merkel, comme soulagée d’avoir laissé la présidence de la CDU à Annette Kramp-Karrenbauer, a connu une « standing ovation », une salle debout où seuls les représentants de la Russie, de la Chine et des Etats Unis (Ivanka, la fille de Donald Trump…) sont ostensiblement restés assis ! Dans son discours, véritable plaidoyer pour une politique étrangère multilatérale, la chancelière a pris officiellement ses distances avec les approches de Trump, protagoniste actif d’une politique dominée par les intérêts nord-américains. La mise en place éventuelle de droits de douane de 25% sur les importations d’automobiles européennes (et notamment allemandes) sera un test de plus à ce sujet !

Tourne-t-elle autour du pot ? – La conférence qui a marqué une fracture Est/Ouest, reflet d’une sorte de nouvelle guerre froide (encore) « soft », a retrouvé des accents de « leader de l’Europe », en l’absence d’Emmanuel Macron retenu en France par la crise des gilets jaunes. Un discours qui plaidait aussi pour l’Union Européenne sans allusion, après le Traité d’Aix la Chapelle (!), au rôle moteur de la France et de l’Allemagne. Un oubli ou une volonté délibérée ? « Et vous dites que je tourne autour du pot ! », a-t-elle lancé à Munich !

Ses propos de leader assumé coïncident avec une autre « remontée » : celle de la Groko (CDU-CSU-SPD) qui gouverne le pays : les sondages ont mis en relief le taux de satisfaction des Allemands vis à vis de la politique menée par la coalition. Le taux a passé de 51% de satisfaits à 61% en… un mois ! Annegrette Kramp-Karrenbauer bénéficie déjà, elle, d’un taux de satisfaction de 45% sur la politique qu’elle préconise. Elle a pris ses distances avec la politique migratoire prônée par Merkel. Une « remontada » se prépare au sein du parti chrétien-démocrate : elle se met en place également au parti qui a été perdant depuis 2017 : le SPD ! Ce dernier a décidé de prendre un grand virage : il concerne d’abord la politique de l’emploi menée par l’ancien chancelier SPD Gerhard Schroeder. Le SPD préconise l’abandon de l’Agenda 2010, de Hartz IV et des mini-jobs, l’instauration d’une retraite minimum (900 euros/mois), la hausse du « Smic » (à 12 euros au lieu de € 8,84).

Schröder désavoué, la Groko tient ! – Mais d’après les dirigeants du SPD, les mesures préconisées ne doivent pas entraîner une dissolution de la Groko. En attendant, elles pourraient bien avoir déjà influencé les sondages, puisque le SPD bénéficierait, lui aussi, d’une remontée ! D’après une étude d’opinions établie par l’institut « Emnid » à la demande de « Bild am Sonntag », le SPD (+ 2% d’intentions de vote) retrouverait sa deuxième place devant les « Verts ». Mais un sondage « Allensbach » continue de le placer avec 18% d’intentions de vote en troisième place derrière les « Verts » (18,5%) et ce malgré une remontée hier encore inespérée ! Il se retrouverait derrière les « Verts » et la CDU/CSU (en légère baisse à 30% d’intentions de vote). L’extrême droite -en l’occurrence l’AfD (créditée de 13,5% des intentions de vote chez « Allensbach », soit +0,5 points)- sous la menace d’une intervention du « Bundesamt für Verfassungschutz » et de poursuites devant la justice (l’une des dirigeantes -Frauke Petry- est actuellement jugée à Dresde) s’interroge sur son avenir : ses partisans (et eux seuls sans doute) se sentent interpellés par certains de leurs membres et leurs excès : à vrai dire, à part les membres de ce parti qui pèse sur la vie politique, personne ne souhaite une quelconque… « Remontada » !

La « remontada » dont bénéficient notamment la Groko et le SPD passera-t-elle à l’économie ? Rien n’est moins sûr : d’autant que l’incroyable bras de fer que « Captain America » (alias Donald Trump) a engagé avec Merkel (et le… reste du monde) est à la base de la réponse qui pourra-être apportée à cette question.

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