Pologne : la visite de Matteo Salvini

Salvini à Varsovie hier : des fleurs pour Kaczyński

A Varsovie, o tempora, o mores : la statue du Général De Gaulle Foto: Szczebrzeszynski / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(MC) – Hier, le 9 janvier, malgré le froid qui sévit dans la capitale polonaise, Matteo Salvini a rendu visite à son ami politique Kaczyński, afin d’essayer de constituer avec lui avant les élections européennes un nouveau groupe parlementaire européen. La droite nationaliste et eurosceptique s’agite beaucoup avant les élections, décidément.

Matteo Salvini se trouvait donc à Varsovie pour y rencontrer Jaroslaw Kaczyński, le dirigeant du PiS, le parti national-populiste au pouvoir. Une rencontre importante pour l’avenir des institutions européennes, et de l’Europe tout court… Le vice premier ministre et ministre de l’Intérieur italien issu de la Lega projette, en effet, de former une réunion du plus grand nombre possible de partis nationalistes et anti-immigration. Salvini veut, par cette opération, augmenter son influence sur l’ensemble des partis qui partagent sa vision de l’Europe – l’ « Europe des nations » , dont la condition nécessaire serait la fin des institutions européennes telles qu’elles existent actuellement ; et bien évidemment, la fin de tout fédéralisme démocratique effectif au nom d’une juxtaposition des intérêts particuliers de chacun des Etats. Qu’il puisse réussir, même partiellement, constitue l’une des grandes inquiétudes du scrutin européen de Mai 2019.

Pour former un tel groupe, il faut réunir 25 députés au moins provenant au minimum de 7 Etats membres de l’Union Européenne. La Lega, pour le moment, appartient au groupe ENL (Europe des Nations et des Libertés), ensemble avec le RN français (qui lui fournit 15 députés, le plus fort contingent), le FPÖ autrichien, le Vlaams Belang flamand, le Parti pour la Liberté néerlandais, un député de l’AfD allemande et 2 députés polonais ainsi que (pour l’instant) une députée britannique. Malheureusement pour la Lega, ENL ne compte cependant que 34 députés (4,5 % de l‘ensemble).

Cela fait déjà quelque temps que les Italiens de la Lega courtisent directement le premier ministre polonais ; un nombre assez important d’émissaires ont mis depuis quelques mois leur plus épais manteau et entrepris le voyage de Rome à Varsovie.

Mais pourquoi constituer un nouveau groupe, et ne pas se contenter de l’ENL, qui regroupe une partie des eurosceptiques ? Pour réussir à former un groupement plus vaste de députés, éventuellement en les débauchant des autres regroupements de la droite eurosceptique et anti-migration (la bien nommée ACRE et l’ELD), ainsi que du PPE, qui regroupe une droite plus « modérée ». Cela supposerait un recentrement autour du rayonnement charismatique autoproclamé de Salvini.

C’est aussi une manière de contrebalancer l’influence de son frère ennemi, Viktor Orbán, qui apparaît souvent comme le chef de file des courants populistes de droite. Sans aucun doute, c’est la raison pour laquelle le ministre italien attache tant d’importance à cette visite, 4 mois seulement avant les élections qui approchent à grands pas…

Nous ne savons pas encore ce que Kaczyński a répondu à Salvini. Le PiS (Droit et Justice) fait partie actuellement de l’ACRE (Alliance des conservateurs et des réformistes) eurosceptique qui ne compte, elle, que 73 députés sur 754 – en comptant les Britanniques : 20 Conservateurs et 1 unioniste d’Ulster qui disparaîtront bientôt de la carte de l’UE, sauf intervention du Holy Spirit descendant sous forme de colombe sur Westminster – hélas, depuis un an, c’est plutôt le Diable fourchu qui l’emporte là-bas.

Jaroslaw Kaczyński peut-il donc réellement être tenté par un nouveau regroupement, dont on ne
saurait espérer qu’une importance au plus médiocre ? Oui : parce que l’ ACRE est trop exigu, et parce que le PPE (211 députés), qui sert par ailleurs de repaire au Fidesz d’Orbán, réchauffe un serpent anti-PiS en son sein : à savoir rien moins que la PO (Plateforme civique) de Donald Tusk, le grand opposant libéral de droite du PiS, qui occupe les mairies de toutes les grandes (et beaucoup de moins grandes) villes de Pologne… Impossible donc de risquer d’occasionner un dévorement de nez polonais incessant. Il faut trouver autre chose, donc.

Dans cette mesure, la proposition probablement adressée par Salvini présente un intérêt indéniable pour le parti conservateur-populiste de Varsovie. D’un tel groupe, il pourrait exercer une influence renforcée au sein du Parlement. Et aussi – et peut-être surtout, car cela comptera beaucoup dans les mois qui viennent – il pourra y bénéficier d’une meilleure défense et d’une meilleure protection contre les procédures intentées ces dernières années contre le gouvernement polonais par la Commission. Essentiellement pour atteintes à la liberté d’expression, et à la séparation des pouvoirs par le biais d’une réforme de la Justice extrêmement inquiétante et très controversée.

Il faudra suivre ces démarches avec grande attention, et au-delà, surveiller avec le plus grand soin les agissements de ceux qui comme le Fidesz, la Lega ou le PiS, veulent occire l’Europe à partir de son sein même. Fi donc !

 

 

 

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