Pologne : vers un fascisme astiqué à neuf ?

Le 2 juillet, la Commission Européenne contre le gouvernement polonais

Le Wawel de Cracovie, un lieu de pouvoir impressionnant Foto: Guntars Mednis / Wikimedia Commons / CC-BY-SA / 3.0

(MC) – Le gouvernement polonais mené par le parti PiS dévore à belles dents la démocratie et la séparation des pouvoirs, et cela depuis 2015. Conseil constitutionnel englouti par l’exécutif, mainmise sur le Parquet, modification des statuts des tribunaux de droit commun ! A partir de 2017, le bouquet : le gouvernement s’empare à grandes bouchées du Conseil national de la Magistrature – en réduisant au maximum sa prérogative de nommer les juges – et réforme drastiquement la Cour suprême ( c’est-à-dire la Cour de Cassation).

En somme, l’exécutif inonde littéralement le judiciaire, qui en devient très largement dépendant. Une démarche inouïe et sans guère de précédents autres que Mussolini ou… Hitler, et partiellement, Piłsudski, dans les années 1920-1930.

Initialement, la réforme de la Cour suprême prévoyait le renvoi autoritaire de tous les membres de cette Cour… Mais une version ultérieure, plus soft, met en place le départ de 27 juges sur 72, ceux âgés de plus de 65 ans. Avec eux, la présidente actuelle, Malgorzata Gersdorf…

La Commission Européenne a donc adressé, depuis 2017, des avertissements au gouvernement polonais, comme elle est censée le faire lorsque un pays membre contrevient aux règles et aux valeurs européennes. Mais le gouvernement PiS ( Prawy i Sprawiedliwosc, Droit et Justice !) n’a pas bougé le petit doigt et a poursuivi son cheminement vers la domination et l’oppression.

La Commission Européenne a donc ouvert le 2 juillet une procédure d’infraction sous la forme d’une lettre de mise en demeure, à laquelle la Pologne est censée répondre dans un délai d’un mois. Faute de quoi, la procédure peut aller jusqu’à la Cour de justice de l’UE et aux sanctions financières.

Depuis décembre, la Pologne se trouvait déjà sous le coup de la procédure de l’Article 7 du Traité de Lisbonne, destiné à protéger juridiquement l’État de droit. L’application de cet Article peut mener à la suppression du droit de vote de l’État « incriminé », qui se trouve donc mis sur la touche des institutions et des décisions européennes.

En Pologne, bien évidemment, les protestations des démocrates non illibéraux (et pas nécessairement « libéraux » au sens strict) pleuvent depuis l’an dernier, et plus encore depuis dimanche. Mais que faire devant ce gouvernement ultra conservateur, choisi « démocratiquement » par les électeurs ? Les sanctions européennes seront-elles de quelque effet ? La Pologne se sent renforcée par les événements récents : montée en puissance du Groupe de Visegrád, succès des ultraconservateurs et de l’extrême-droite lors des tractations des 28 et 29 juin derniers quant au sort des migrants, risques de scission de la coalition conservatrice allemande…

Les dirigeants polonais en sortent renforcés, et l’Europe, affaiblie dans ses principes mêmes. Pour cette raison, on ne peut hélas que se montrer assez sceptique quant à l’efficacité de ces mesures disciplinaires. L’Europe n’est pas sur une bonne pente, et son pouvoir de décision ne cesse de s’amenuiser depuis deux ans. Un sursaut s’impose. Mais quel sursaut ?

 

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