Pologne : Pin pon ! Les jeux ne sont pas faits

Elections présidentielles premier tour

Rafal Trzaskowski, l'excellent candidat de l'opposition libérale Foto: EPP/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – En Europe ce dimanche, il y a eu d’autres élections d’une grande importance que nos municipales françaises : le 1er tour des présidentielles en Pologne. Le candidat conservateur, Aleksander Duda, est arrivé en tête. Mais moins nettement qu’on le craignait. C’est qu’il a en face de lui l’excellent candidat de la Plateforme civique.

La candidat du PiS national-conservateur, Aleksander Duda, qui n’est autre que le Président sortant, a remporté 42,5 % des suffrages tandis que son rival direct, Rafał Trzaskowski, a convaincu 30,3% des électeurs. La participation a été assez forte pour ce premier tour : à peu près 63% des électeurs se sont déplacés pour aller voter. Cette participation est-elle même un fait encourageant ;
faut-il vraiment préciser pourquoi… On connaît trop bien ce problème en France.

Un scrutin d’une extrême importance pour l’Europe toute entière, et très intéressant. Dans cet antagonisme électoral se nichent deux représentations très différentes de ce pays de 38 millions d’habitants qu’est la Pologne, membre de l’Union Européenne depuis 2004. D’un côté, une représentation conservatrice et nationaliste, qui tend à réagir à la moindre critique de l’image idéalisée et partiellement vraie que se font les Polonais de leur pays. Une image plus persistante dans les campagnes que dans les villes ; les succès les plus massifs du PiS se constatent dans les villages et les petites villes. De l’autre, une Pologne moderne, europhile, ouverte pour ce qui est des mœurs et de la culture : la Plateforme civique est libérale, avec tout ce que cela implique. On la présente souvent comme une formation de gauche, ce qu’elle n’est guère, du moins au sens français du terme.

Laquelle de ces deux Pologne l’emportera lors du second tour ? Les résultats sont moins certains et beaucoup moins figés qu’on ne le craignait. A côté des 42% de Duda et des 30 % de Trzaskowski, les 13,3% d’un candidat assez atypique, Szymon Hołownia : un journaliste âgé de 43 ans, à sensibilité sociale… Mais encore ? Une idéologie incertaine, qui risque de s’avérer bientôt opportuniste – mais pour qui voteront les admirateurs de ce personnage curieux ? On ne le sait pas au juste.

Ce qui constitue réellement une zone tampon entre le PiS conservateur et la Plateforme Civique libérale, c’est la préoccupation sociale. Le PiS a à son actif quelques réalisations intéressantes, sur lesquelles sa propagande insiste sans légèreté. En face, on lui reproche de les mettre en œuvre par pure démagogie, sans qu’elles soient pérennes ni réellement  efficaces pour contrer la crise multiface que la Pologne doit affronter ; comme tous les pays européens. Dans cette zone tampon, chacun aura à choisir, et les partis libéraux n’ont pas très bonne presse pour ce qui est du social ; cela d’autant plus que la Plateforme a occupé le pouvoir, au début des années 2000, d’une manière moyennement convaincante.

Au passif du PiS, dans l’esprit de beaucoup d’électeurs : les attaques contre la liberté d’expression et l’indépendance de la Justice, son paternalisme, et l’aspect tout de même très caricatural de sa communication. Cette campagne, d’abord marquée par la pandémie de la COVID-19, l’a été ensuite par des déclarations à l’emporte-pièce contre les LGBT qui selon Duda, seraient « non pas des personnes, mais une idéologie » (si si, Monsieur Duda) ; le soutien quémandé à Washington par le sortant ; et sa promesse d’offrir des voitures de pompiers aux bourgades qui voteraient pour lui – et qui a bien fait rire, à Gdańsk, à Varsovie ou à Cracovie !

Enfin, le véritable espoir pour le second tour repose sur le fait que 14,5% des votants ont tout de même voté pour les autres « petits » candidats : soit en tout, 45 % des électeurs qui n’ont pas voté pour Duda. Ces 14,5% sont certes plus que divers, allant du centre gauche jusqu’à la droite dure. Mais beaucoup de choses restent possibles.

Ces élections sont donc à suivre avec beaucoup d’attention. Le visage de l’Europe à venir en dépend pour une partie non négligeable.

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