Pourquoi c’est si difficile de créer l’égalité hommes-femmes…

Conclusion de la mini-série de Christine Faivre : quand 14 pays, dont la France, bloquent une directive européenne concernant l'égalité hommes-femmes…

Les mesures prises par l'Union Européenne ne risquent pas vraiment d'établir l'équilibre entre les sexes... Foto: Pixabay / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Par Christine Faivre) – Face au bilan d’une Europe pas assez sociale et une résistance des inégalités hommes-femmes, la Commission Européenne pour « l’égalité » a proposé une directive dite « d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ».

Cette directive propose à l’ensemble des États membres de l’Union européenne 3 sortes de congés :

- un congé de paternité obligatoire de 10 jours à la naissance,
- un congé parental de quatre mois payé « au niveau des indemnités de maladie et non transférable », non obligatoire, pour chaque parent indemnisé sur la base d’arrêts-maladie des États, reportable jusqu’au12 ans de l’enfant en cas de situation de handicap,
- 5 jours de congé rémunéré par an pour s’occuper d’un proche dépendant.

Ces mesures ont été approuvées au mois de novembre 2017 à Göteborg en Suède par les différents chefs d’État. Elles devraient être validées le 25 mai au Conseil de l’Europe et ensuite votées à Strasbourg par le Parlement Européen sauf que…

Le 18 mai à Strasbourg, Emmanuel Macron a rejeté cette proposition dont il dit en approuver le « principe », mais que sa modalité de mise en place s’avère impossible pour la France en raison du coût qu’il qualifie « de potentiellement explosif ».

D’autres pays, parmi lesquels l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Hongrie et une partie des pays de l’Est, s’opposent à cette proposition. « Si la situation reste telle qu’elle est, le texte ne sera pas examiné au Conseil le 25 mai comme cela était prévu, minorité de blocage oblige », explique à « Marianne » Édouard Martin, eurodéputé socialiste français. Emmanuel Macron a promis que la France ferait une contre-proposition.

La France a opté en 2015 pour la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) qui, nous dit-on, « permet » à un ou aux deux parents de cesser ou de réduire leur activité professionnelle pour s’occuper de leur(s) enfant(s) de moins de 3 ans. Elle fait partie de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Cette prestation est « limitée à 6 mois pour chaque parent dans la limite du 1er anniversaire de l’enfant pour le premier enfant et s’étend à 24 mois pour le deuxième ».

On peut s’interroger sur le fait que cette mesure permette effectivement à un parent d’élever son enfant. En effet, pour pouvoir s’arrêter de travailler pour élever son enfant, il faut deux conditions : ne pas perdre son travail et ensuite avoir les moyens financiers suffisants. Pour le parent qui « bénéficie » d’une « PreParE », la loi l’autorise effectivement à interrompre son activité et lui garantit de retrouver son poste. Malheureusement, le montant peu élevé (396,01 € dans le cas d’une interruption d’activité complète, 256,01 € dans le cas d’un mi-temps) n’offre pas la possibilité aux ménages modestes d’en profiter et il n’est pas attractif pour les ménages aisés qui perdraient trop en termes de revenu de leur travail. La « PreParE » est majoré de 647,31 € pour les familles d’au moins 3 enfants. Du fait de conditions d’accès (minimum d’activité professionnel en aval, durée de la prestation maximum de 6 mois), la « PreParE » pallie en partie aux dégâts causés par l’allocation parentale d’éducation (APE) en place de 1998 à 2004 qui a entraîné une explosion du taux d’inactivité des femmes sur le long terme. Les modalités d’application de l’APE constituaient une véritable incitation, pour les femmes avec 2 enfants, à s’éloigner du monde du travail avec un retour très difficile pour ne pas dire impossible. Toutefois, force est de constater que la « PreParE » ne réduit pas complètement les inégalités hommes-femmes puisqu’elle est utilisée à 96% par des femmes et par seulement 4% d’hommes.

Ce que propose la nouvelle directive européenne c’est justement de relever le montant de la prestation du congé parental afin d’inciter plus d’hommes à prendre ce congé. Emmanuel Macron a déclaré lors de son passage à Strasbourg : « les congés parentaux payés au niveau de l’indemnité maladie journalière, c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable ».

Marlène Schiappa, sur France Inter, confirme la position de la France concernant la dépense et contexte même l’efficacité du caractère obligatoire de la mesure. « En France, ce que l’on observe, ainsi que dans certains pays latins, c’est que quand on a des politiques familiales dites obligatoires, en fait, elles ont l’effet inverse à celui recherché. » Pour soutenir son argumentation, la secrétaire d’État en charge de l’égalité des hommes et des femmes se base sur l’expérience faite en France avec la « PreParE » : « En 2014, le gouvernement a décidé de rendre obligatoire le partage du congé parental, entre les pères et les mères, en se disant ‘plus de pères vont prendre leurs congés parentaux’. Non seulement plus de pères ne le prennent pas, mais moins de pères le prennent : on est passé de 96% de mères à 98% de mères. » Marlène Schiappa ne fait qu’avouer le caractère inefficace de la solution française en matière d’égalité hommes-femmes.

Que peut-on retenir de ses explications ? D’abord, concernant le congé parental, la France a mis en place en 2015 (Madame Schiappa parle de 2014), comme l’indique le site du service public, la « PreParE » qui donne le droit pour chaque parent, selon sa propre volonté, de prendre un congé parental limité à 6 mois maximum au lieu d’un an auparavant. Les mères ont droit à 6 mois maximum et les pères aussi. Moitié-moitié sans possibilité de basculer les congés de l’un vers l’autre pour cumuler 1 an. Ce que Madame Shiappa appelle « rendre obligatoire le partage du congé parental », c’est sans doute juste le partage en deux de la durée du droit ? Car en réalité, rien n’oblige à partager et c’est pourquoi rien n’a changé.

Ce sont toujours, presque exclusivement, les femmes qui prennent le congé parental pour s’occuper des tout-petits et les pères, non. La seule modification c’est que les femmes prennent maintenant un congé parental de 6 mois au lieu d’un an.

Ensuite, la directive européenne ne veut pas rendre le congé parental obligatoire, mais simplement plus attractif en augmentant la compensation au niveau de l’indemnité maladie journalière, c’est-à-dire 50% du salaire sur une durée maximale de 4 mois, au lieu de 396,01 euros en France (premier enfant) sur 6 mois. Le but étant d’inciter les pères à prendre le congé parental.

Ce que la directive européenne veut rendre obligatoire, c’est un congé de paternité de 10 jours contre actuellement 11 jours non obligatoires en France. Ce serait avancer dans le partage de l’éducation et éviterait la discrimination et la pression des employeurs sur les pères.

Enfin, Madame Schiappa explique que lorsque l’on a des politiques obligatoires dans les pays latins, on obtient l’effet inverse. Comment est-ce possible ? Si les pères sont obligés de prendre 10 jours de congé de paternité (qui n’est pas le congé parental) comme le préconise la directive européenne, comment peut-on obtenir comme résultat l’inverse en l’occurrence qu’ils ne le prennent pas ?

La secrétaire d’État en charge de l’égalité des hommes et des femmes reconnaît l’inefficacité des mesures sociales françaises à réduire l’égalité hommes-femmes. Le bilan est donc fait. Il est temps de s’interroger sur les raisons de cet échec et d’y remédier.

Pourtant, le gouvernement français a affirmé, à maintes reprises, faire de l’égalité hommes-femmes une priorité de son quinquennat. Devant ce constat, on attend donc avec impatience les propositions de la France. On peut tout de même regretter que la France se soit engagée si rapidement dans d’autres réformes coûteuses qui n’ont rien de sociale par contre, laissant les femmes porter toutes les charges sociales, sans compensation. On aurait pu faire d’autres choix. Car l’argent que l’on collecte, que l’on dépense ou que l’on « donne » est toujours une question de choix.

La France avait cru pouvoir agir sur l’égalité hommes-femmes en diminuant simplement la durée du droit au congé parental pour chaque parent et ainsi pouvoir faire l’économie d’une prestation plus élevée. Le gouvernement pensait pouvoir placer les hommes dans la même situation de précarité sociale que les femmes. Les hommes ont refusé. Même si les hommes reconnaissent qu’il est juste de partager l’éducation, les tâches ménagères…

Même s’ils sont d’accord sur le principe, l’expérience, montre qu’ils ne sont pas pour autant prêts à prendre les risques professionnels pour 396,01 euros par mois, même pour une petite durée de 6 mois. Il faudra donc augmenter la prestation parentale et ceci profitera aussi aux femmes.

Grâce au travail de la Commission Européenne en charge pour « l’égalité », on peut espérer aller vers un meilleur « équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle » et plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Les perspectives futures sont peut-être pour une véritable égalité avec un congé de paternité obligatoire dont la durée serait identique au congé de maternité. Ceci correspondrait vraiment à un partage équitable, juste et ne soumettrait plus personne (femme ou homme) à une quelconque discrimination au niveau du travail, à une quelconque pression. Il serait temps de bouger…

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