Pourquoi les électeurs se détournent des partis traditionnels

Le candidat de la CDU dans le Bade-Wurtemberg Guido Wolf donne l’exemple pourquoi les gens ne font plus confiance aux partis dits «populaires». Parce qu’ils se fichent pas mal des électeurs.

Le candidat de la CDU Guido Wolf n'a visiblement toujours pas compris pourquoi il a obtenu le plus mauvais résultat jamais enregistré par la CDU. Malgré cette défaite, il voudrait bien être calife à la place du calife. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Guido Wolf, le candidat CDU dans le Bade-Wurtemberg au charisme d’un expert-comptable en pré-retraite, est le grand perdant des élections régionales dans le Bade-Wurtemberg de dimanche. Largement en tête des sondages à quelques semaines des élections, il a finalement essuyé le plus mauvais résultat jamais enregistré par la CDU depuis la création du Land en 1952. Ce qui ne l’empêche pas de postuler au pouvoir à Stuttgart. C’est en ignorant ainsi le souhait des électeurs que l’on contribue au succès des extrémistes.

La CDU a réalisé un score de 27,0% dimanche, perdant 12% par rapport aux dernières élections régionales en 2011, et les conservateurs se situent clairement derrière les Verts de Winfried Kretschmann qui ont obtenu 30,3% des votes. Les électeurs et électrices du Land se sont rendu compte qu’ils avaient le choix entre le ministre-président sortant Winfried Kretschmann et Guido Wolf, et ils ont opté pour le premier. Dans un tel cas, c’est le candidat du parti le plus fort qui cherche à former une coalition. Ce qui n’est pas évident, puisque le partenaire des Verts pendant la dernières mandature, le SPD, a lui aussi perdu 10,4% pour se situer maintenant à 12,7% – insuffisant pour poursuivre la coalition avec les Verts.

Les libéraux du FDP pourraient jouer un rôle crucial dans la formation du nouveau gouvernement. – Ah oui, et il y a encore le FDP. Les libéraux ont obtenu 8,3% des votes, ce qui se traduit par 12 sièges et ces 12 sièges ont donné des idées à Guido Wolf qui a du mal à digérer sa défaite. Pourquoi ne pas former une «coalition allemande» ? Comprendre – une coalition des perdants, composée de la CDU, du SPD et du FDP (représentés par les couleurs noir, rouge, or, ce qui donne les couleurs du drapeau allemand, d’où l’appellation «coalition allemande»). Cette proposition prouve que les partis dits «populaires» n’ont rien compris à ce qui s’est passé hier en Allemagne. Faisant fi de la montée spectaculaire de l’extrême-droite, aussi dans le Bade-Wurtemberg (où l’AfD arrive à 15,1%, bien devant le SPD et le FDP), ces partis «populaires» continuent comme si rien ne s’est passé. Le seul intérêt, ce sont les postes à pourvoir et le pouvoir.

Mais Guido Wolf y joue son destin politique. Etant le candidat ayant réalisé le plus mauvais score de la CDU de tous les temps dans le Bade-Wurtemberg, Wolf joue maintenant sa survie politique. Et il s’y prend mal. Dépourvu de toute humilité devant le verdict des électeurs, il tente de tricoter une coalition dont on sait d’avance qu’elle n’aura aucune chance de faire long feu à Stuttgart. Le problème est mathématique. Une telle «coalition allemande» disposerait de 73 sièges dans la nouvelle diète de Stuttgart, ce qui constitue une majorité de 2 voix par rapport aux deux autres partis présents dans le Landtag, à savoir les Verts et l’AfD. En vue des différences majeures entre la CDU, le SPD et le FDP sur plusieurs questions cruciales pour le Land, une telle coalition aurait du mal à survivre plus de deux votes à Stuttgart. Il suffirait que deux élus du SPD refusent de voter pour la politique de la CDU et cette coalition exploserait. Et la carrière de Guido Wolf avec.

Ce non-respect du vote des électeurs est un exemple type du comportement du politique «politicien» qui ne songe qu’à sa carrière personnelle et qui se fiche pas mal autant du destin du Land que de la volonté des électeurs. L’appellation «coalition allemande» n’est pas anodine non plus – elle traduit clairement la volonté de signaler aux électeurs de l’extrême-droite qu’à la CDU, on trouve aussi de bons patriotes – peut-être même des patriotes qui estiment nécessaire de sauver l’occident de l’islamisation ?

L’implosion des partis dits «populaires». – CDU et SPD ont perdu, ensemble, 22,4% des votes par rapport aux élections de 2011. Mais cela n’est pas suffisant pour se poser la question quant aux erreurs commises, quant à l’orientation de ces deux partis visiblement rejetées par les électeurs et surtout, quant au personnel ayant conduit cette campagne qui s’est soldé par un échec électoral. Guido Wolf compte sur le refus des Verts de coopérer avec les extrémistes de l’AfD, ce qui semble normal. Mais à son niveau, pour pouvoir éventuellement accéder au pouvoir à Stuttgart, serait prêt à fonder une coalition avec le SPD sur lequel il n’a pas cessé de vociférer pendant la campagne, surtout en matière de la politique d’éducation où des années lumières semblent séparer les deux partis.

Le SPD serait bien conseillé de s’abstenir de toute participation à un tel jeu politique malsain qui ne poursuit qu’un seul but – hisser au pouvoir le plus grand perdant de ces élections. Avec sa proposition indécente, Wolf se disqualifie en même temps en tant que partenaire des Verts. Un candidat qui viole ses propres positions moins de 24 heures après avoir été désavoué par les électeurs, ne peut pas être un partenaire fiable pour une coalition gouvernementale. Sans le vouloir, Wolf risque d’aider le SPD à rester dans le gouvernement à Stuttgart. Car du coup, une coalition Verts – SPD – FDP apparaît comme l’option la moins corrompue dans le Bade-Wurtemberg. Une telle coalition disposerait de 78 sièges (majorité à 72 sièges) et pourrait former un gouvernement assez stable. Une coalition Verts – CDU, favorisée par une majorité des électeurs du Bade-Wurtemberg, pourrait compter sur une majorité assez confortable (89 sièges), mais cette coalition nécessiterait avant tout une chose – la démission de Guido Wolf qui n’a non seulement était le plus grand perdant de ces élections, mais qui en plus, a apporté la preuve que les électeurs avaient raison de ne pas lui faire confiance.

Avec des comportements aussi irrespectueux vis-à-vis de la volonté exprimée des électeurs, il ne faut pas s’étonner lorsque l’on perd 12,0% des votes (CDU) pendant que l’extrême-droite en obtient 15,1%. Guido Wolf vient de se disqualifier pour tout poste à responsabilité dans le Bade-Wurtemberg. Il aurait mieux fait de réfléchir pendant 48 heures, avant de se lancer à sa poursuite du pouvoir personnel. Avec des «responsables» politiques pareils, il ne faut pas s’étonner que les électeurs cherchent refuge chez des extrémistes. Et c’est exactement ce qui s’est passé dimanche. Dommage que Guido Wolf n’ait pas encore compris.

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