Quel prix l’Industrie alsacienne paiera-t-elle, à la crise ?

Presque un emploi sur quatre en Alsace se situe dans l’industrie. Quel avenir pour ce secteur dans la région ?

Alain Howiller se penche sur la question de l'avenir industriel en Alsace. Foto: © Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – Les notes de conjoncture se suivent et finalement, se ressemblent : l’économie française tarde à se redresser et le dernier état dressé par la Direction régionale de la Banque de France semble établir que l’économie alsacienne n’échappe pas à la morosité ambiante. Si la banque a relevé une légère reprise, elle l’attribue à la sortie des congés d’été le phénomène traditionnel qui ne présume pas d’une vraie reprise espérée depuis des mois. Pourtant dans l’industrie qui, rappelons-le, représente en gros 130.000 salariés sur 768.000 actifs dans l’économie régionale, le taux d’utilisation des capacités de production progresse de 2 points et se trouve légèrement supérieur à celui relevé une année auparavant. Certains secteurs (fabrication d’équipements électriques, la métallurgie, la fabrication de produits métalliques, la fabrication de machines et équipements, donnent des signes d’amélioration et pour Prism’Emploi, autre source, le recours à l’intérim (signe annonciateur d’un redressement ?) a progressé plus en Alsace que dans l’ensemble du pays.

Si le climat économique reste hésitant, un certain nombre d’entreprises, elles, n’hésitent pas à investir et à embaucher alors que, par exemple, l’Agence de Développement Industriel du Bas-Rhin (Adira) a pu noter 241 projets d’implantation au cours des 9 derniers mois (contre 219 lors de la même période 2013. 75 projets se sont déjà concrétisés : ils ont créé (ou maintenu) près de 2.000 emplois, contre 1.600 environ l’année dernière).

Quelques exemples de développement ! – Des entreprises comme Mecatherm (330 personnes dans la vallée bas-rhinoise de la Bruche, 90% de la production exportée dans le secteur matériel de cuisson et boulangerie industrielle) ont des projets d’extension, tout comme Solinest (500 salariés en France, siège près de Mulhouse, secteur production et distribution dans l’agroalimentaire), Merck-Milipore (Molsheim, Bas-Rhin, plus d’un millier de salariés dans les secteurs Pharmacie, filtrations, tests prêts à l’emploi, contrôle de pollution), Carola (eau minérale, Ribeauvillé, Haut-Rhin), Comptoir Agricole (coopérative qui va produire des semences à Marlenheim, Bas-Rhin), Costal (Molsheim, coopérative de production d’aliments pour le bétail), Société Alsacienne de Meubles-Salm (siège à Lièpvre, Haut-Rhin, 1500 personnes employées), Mars-Alimentairev (Haguenau : 600 salariés), CTCI-Production (Sigrist, Bas-Rhin, films polymères, plasturgie, thermoformage), Supra (Obernai, Bas-Rhin, 225 salariés pour produire des appareils de chauffage au bois), etc… Voici quelques projets révélés ces dernières semaines qui soulignent que si l’industrie alsacienne n’est plus le premier employeur de la région (l’artisanat emploie près de 167.000 personnes et près de 260.000 dans les services), son importance reste à la hauteur d’une tradition amorcée dès le… XVIIIe siècle avec le textile, puis la chimie et enfin la mécanique. C’est ce qu’un certain nombre de manifestations organisées ces dernières semaines ont voulu rappeler.

Fiers d’être chefs d’entreprises ! – Il y a eu l’Université d’été du Mouvement des Entreprises de France-Medef dont la «section Alsace» a réuni, sur le thème «Fiers d’entreprendre», plusieurs centaines de chefs d’entreprises à l’Ecole de Management de Strasbourg. Il y a eu les «Journées de l’Economie Alsacienne» organisées par les Chambres de Commerce, de Métiers et de l’Agriculture qui ont réuni 500 entrepreneurs et chefs d’entreprise au Palais des Congrès à Strasbourg pour rappeler l’importance de l’entreprise et de ses dirigeants dans la société. Il y a eu la présence remarquée des dirigeants d’entreprises et de leurs représentants, lors des manifestations de la Foire Européenne et il y a eu aussi, autre signe d’une volonté de s’affirmer de la part des entreprise s’appuyant sur l’Université, la création d’une chaire sur l’économie durable et solidaire à l’Université de Mulhouse.

Une enquête menée en 2010 auprès des chefs d’entreprise avait souligné que les chefs d’entreprise alsaciens estimaient alors que la crise durerait trois ans, mais qu’ils en sortiraient en cinq ans ! Preuve qu’ils avaient bien compris, au contraire de la plupart des observateurs, que la crise n’était ni cyclique ni conjoncturelle, mais bel et bien… structurelle. La crise a profondément marqué, plus qu’on aurait pu le penser après avoir constaté que la région avait relativement bien traversé la récession française de 1993 et la récession allemande de 2002, l’économie alsacienne, son industrie en particulier.

L’apparent recul de l’industrie ! – Cette dernière représentait, avant la crise qui s’est affirmée dès 2008, 22,8% de l’emploi salarié (contre une moyenne nationale de 17,2%), elle contribuait au PIB régional à hauteur de 28% (contre 21% au niveau national) et la part des capitaux étrangers dans l’emploi (hors frontaliers) était de 42% ! Cette dernière part a passé à 47%, tandis que la part de l’industrie dans le PIB est tombé à 19% alors que ses effectifs régressaient.

Un emploi sur quatre aurait disparu dans l’industrie entre 2000 et 2011 : mais ces chiffres ne donnent qu’une représentation relative d’une réalité profondément marquée par deux éléments dont le poids n’apparaît nulle part. Le premier met en relief que dans la période considérée, le taux de productivité de l’industrie alsacienne -championne sur le plan national- a progressé de…. 33% !

Sortie de crise en 2015 ? – L’autre élément repose sur le fait que la plupart des entreprises ont «externalisé» un certain nombre d’activités qui ne concourraient pas directement à leur activité de production : les effectifs de ces activités (entretien de bâtiments, gardiennage, parc de voitures, messagerie etc…) ne sont, dès lors, plus comptés dans les effectifs industriels.

Cette profonde mutation a contribué, au prix d’un coût social dont on retrouve les éléments dans les statistiques du marché de l’emploi, à «muscler» l’industrie alsacienne. Reste à espérer que le prix à payer n’aura pas été trop lourd et que le rebond interviendra, au plus tard, en 2O15… 5 années après la sortie de crise qu’escomptaient, les chefs d’entreprises interrogés, comme je le relevais plus haut, en… 2010.

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