Serbie : bientôt un scénario à la hongroise ?

Des investissements étrangers considérables, mais...

A Belgrade, le Centre de la Jeunesse de la Rue Makedonska Foto: Draganapopovic/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – La Serbie semble émoustiller les milieux d’affaires et de nombreux investisseurs depuis deux ans environ. Main d’œuvre plutôt bien formée et… bon marché et surtout, 7000 euros offerts par emploi créé expliquent cet engouement. Mais il reste bien des problèmes à régler – et le danger d’une exportation des profits qui bénéficierait bien trop peu à la population locale subsiste… et ne cesse de croître.

Etonnant ! Le Financial Times nous apprend, ces derniers jours, que la Serbie est le pays du monde où l’étranger investit le plus par rapport à son PIB. Le pays, nous disent des économistes de la BERD ( https://www.courrierdesbalkans.fr/) bénéficie de conditions favorables accordées aux candidats à l’entrée dans l’Union Européenne (accords de stabilisation et d’association et accords de libre échange favorisés par cette perspective). Et aussi et peut-être surtout, un cadeau de 7000 euros offert à tout emploi créé par un investisseur étranger… Etranger, oui, et non serbe.

Le pays facilite aussi l’accès aux terrains susceptibles d’être bâtis par des entreprises étrangères. A première vue, les investisseurs suivent avec enthousiasme – et peut-être une certaine précipitation : 107 projets pour la seule année 2018 ; 711 milliards d’euros investis par des entreprises françaises ! Avec pour pièce principale, Vinci et son projet pour l’aéroport de Belgrade : une concession de 25 ans… Il est vrai que la Chine, elle, aurait investi 435 millions d’euros… Ensuite viennent les Pays-Bas, l’Allemagne, et la Russie dont le rôle va certainement croître en importance ces toutes prochaines années.

Fort bien, mais les risques et les inconvénients d’un tel Gold Rush balkanique sautent aux yeux pour qui connaît un peu le pays. Croissance, oui, mais malgré les avantages évoqués plus haut (main d’œuvre bien formée et peu chère, essentiellement…), croissance qui risque de rester modeste et limitée dans un contexte qui n’est pas celui des pays d’Europe occidentale. La politique devrait, pour bien faire, suivre au moins le mouvement économique, ou mieux, le précéder : la façade europhile et para-libérale que le gouvernement serbe essaie de se donner convainc de moins en moins à l’extérieur, et sa réalité plutôt autoritaire effleure toujours davantage à mesure qu’on s’éloigne des années 1990, années tragiques de la sortie du socialisme et de la guerre nationaliste.

A cette époque, de manière assez analogue à ce qui s’est passé en Russie et en d’autres pays du centre et de l’est de l’Europe à la même époque, la population a largement été privée des richesses du pays lors des privatisations dont a surtout bénéficié une classe de capitaines d’industrie issue des rangs communistes (comme on sait, on n’est jamais mieux servi que par soi-même…). Ceux là même qui occupent de fait le pouvoir. Comment espérer régler le problème de la corruption et de ses corollaires : l’expansion de l’économie parallèle, une justice injuste parce qu’arrosée, et un système éducatif peu convaincant (euphémisme), dont certes, la Serbie n’est pas le seul pays à souffrir en Europe… Il faudra s’y attaquer, mais voilà…

Outre un fort (trop fort) endettement, notamment auprès de la Chine (très présente, comme on peut aisément l’imaginer), le danger principal reste sans aucun doute celui d’introduire une dépendance de plus en plus marquée à l’égard des investisseurs étrangers. Comme on peut le constater depuis quelques années en Hongrie, par exemple, où les grandes marques automobiles allemandes imposent leur loi à l’économie nationale et prospèrent sans guère faire prospérer les Hongrois… Or,un pays ne peut construire son économie et sa politique de manière satisfaisante s’il dépend trop largement d’entreprises étrangères, qui suivent leurs propres critères et leurs propres impératifs.

Il reste donc fort à faire, et la politique serbe doit changer ; elle doit pouvoir se donner les moyens d’une construction positive et durable.

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