Serbie : Emmanuel Macron à Belgrade

Une visite mi-fugue, mi raison les 15 et 16 juillet

Dans la Forteresse de Belgrade se trouve la clé du Monument de la Reconnaissance à la France, qu' Emmanuel Macron étreindra le 15 juillet Foto: Jorge Lascar/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/ 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Cent agents de sécurité, dont de nombreux légionnaires, sont arrivés à Belgrade avec plus ou moins de discrétion. Ils préparent la visite d’Emmanuel Macron, les 15 et 16 juillet, qui commémorera les 180 ans des relations diplomatiques avec la Serbie. A vrai dire, ces relations remontent au 14ème siècle, lorsque Hélène d’Anjou a épousé un Roi de Serbie. Mais il existe d’étranges affinités franco-serbes, assez analogues à celles qui lient encore plus ou moins (certains du moins persistent à le croire) Français et Polonais. Mais à Paris et à Belgrade, l’ amitié chaleureuse avec Belgrade n’est plus ce qu’elle était…

Un temps fort : le début du 20ème siècle et la guerre de 1914-1918. Sans doute l’amitié franco-serbe repose-t-elle essentiellement sur la volonté de faire rien qu’à embêter les méchants Teutons et leurs alliés de l’Empire d’Autriche-Hongrie… Elle a beaucoup tiédi voici 20 ans, lorsque la France a participé aux bombardements de l’OTAN. En tout cas, l’une des visites de Macron aura pour objet le monument de la Reconnaissance pour la France, qui célèbre la défense de Belgrade par les soldats français, en 1915. Un monument dont l’aspect plutôt kitsch embarrasse beaucoup de jeunes Serbes…

Emmanuel Macron est le premier président français à se rendre en visite officielle dans la capitale serbe depuis Jacques Chirac, en 2001. Mais de quoi vont parler Macron et Aleksandar Vučić ? Le Président serbe annonce des discussions sur la coopération économique… et politique, l’accession du pays dans l’Union Européenne et les relations avec le Kosovo, entrées depuis un an environ dans une phase délicate au point qu’il a été souvent question, notamment venant d’Allemagne, de revoir les Accords de Dayton et le cas échéant, de reconsidérer le tracé des frontières entre les deux pays. Une question très délicate, parce qu’elle concerne l’ensemble de la région des Balkans, surtout occidentaux. Vučić a aussi affirmé qu’une vingtaine de traités allaient être signés…

Pourtant, l’ambiance sera plutôt tiède. Un sommet a été annulé le 1er juillet dernier, qui devait se tenir à Paris : la raison en est que le thème, à savoir l’intensification des discussions entre le Kosovo et la Serbie, a pâti de la décision de Priština de doubler le montant des tarifs d’importation des produits serbes, l’an dernier. Et plus encore, le président serbe aura affaire aux fortes réticences de Macron quant à l’entrée des pays des Balkans dans l’UE : en témoignent ses déclarations de Sofia en mai 2018, où le président français a estimé qu’il fallait bloquer les négociations d’entrée de l’Albanie et de la Macédoine du Nord… Il est vrai que l’UE a besoin de membres qui respectent ses fondements mêmes, notamment quant à la démocratie et de l’état de droit, ce que garantissent bien peu de ses membres centre- et est-européens.

Il semblerait donc que le gouvernement Vučic n’ait rien à attendre de la France quant à son entrée parmi les 27 autres membres. Les pays d’Europe occidentale sont désormais échaudés par les problèmes incessants avec les pays issus de l’ex-bloc soviétique. Avec le Groupe de Visegrád, et plus récemment, par la prise de conscience d’un double langage dans tous ces pays ou presque : la « lingua franca » européenne, une langue formatée pour les relations internationales intra-européennes et les pratiques réelles à l’intérieur des Etats (autoritarisme, démagogie populiste, liens intimes entre criminalité, pouvoir et affaires…). Conscience malheureuse, qui prend le contre-pied de l’optimisme naïf des années 1990 ; mais nécessité de voir la réalité politique telle qu’elle est, dans l’intérêt même des populations concernées dans leur quotidien même…

Le tableau n’est tout de même pas trop sombre si on se fie aux chiffres, que reprend assez justement Vučić dans une interview à RTS (Radio Télé Serbe) : des échanges qui s’élèvent à plus d’un milliard d’ euros ; une coopération bilatérale qui s’appuiera toujours davantage sur les activités de l’Agence Française pour le Développement. Les entreprises françaises sont et seront actives surtout dans les domaines de l’intelligence artificielle, de l’exploitation minière et des infrastructures. Frédéric Mondoloni, l’ambassadeur de France, a insisté aussi dans un journal serbe sur l’intérêt de la France pour le développement de l’énergie géothermique dans le pays. En revanche, les entreprises françaises ont apparemment renoncé à installer le métro de Belgrade.

Emmanuel Macron visitera aussi l’aéroport de la capitale serbe qu’a construit Vinci, qui n’a pas très bonne presse autour de la capitale alsacienne de l’Europe…

Un tableau contrasté, donc, voire heurté. Les choses seraient bien plus faciles si on pouvait passer résolument à une phase réellement démocratique, par delà les restes bien trop vigoureux de la période Milošević et post-communiste. Les activités des institutions européennes, si elles étaient mieux conçues, pourraient y aider considérablement !

 

A lire : https://balkaninsight.com

 

 

 

 

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