Strasbourg – un colloque franco-allemand sur l’énergie et son avenir

Pour que l'Europe puisse mener une véritable politique énergétique commune, il sera indispensable que la France et l'Allemagne pilotent la "transition énergétique".

Pour que le courant continue à passer, il faudra que la France et l'Allemagne travaillent main dans la main... Foto: Zonk43 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – En ces temps de crise où l’Europe se cherche au risque de… se perdre, on n’avait peut-être pas besoin de ce constat supplémentaire dressé l’autre jour, à Strasbourg, à l’Hôtel de la Région : «L’Europe de l’énergie est une collection de nationalismes énergétiques. Elle peine à exister… Il faudrait relancer l’Europe par l’énergie et la France avec l’Allemagne devraient être le moteur de cette relance !…» En quelques mots, Emile H. Malet, Directeur de la Revue «Passages» et de l’Association des Amis de Passages (ADAPes) (1) avait défini le «pourquoi» et l’ambition du premier colloque franco-allemand consacré au thème : «France-Allemagne : énergie, technologie et réseau».

Parfois très technique, la rencontre a permis de dresser un constat et d’ouvrir quelques pistes d’action pour un problème qui concerne tout le monde : l’énergie (production, sources) et la distribution au consommateur de courant ou de gaz (2).

Dans une région frontalière comme le «Grand Est» (que E. H. Malet baptisera «la région des 4 frontières» !) et plus particulièrement dans sa partie alsaco-rhénane, le thème est particulièrement porteur, exigeant d’une coopération avec des pays et des régions qui se touchent, et où les partenaires ont l’habitude -parfois née de l’histoire- de se concerter et de coopérer les uns avec les autres dans le louable et constant souci d’assurer… seconde par seconde, le lien entre l’offre des producteurs/distributeurs et la demande du consommateur.

Eviter un «Black-Out» européen sur le Rhin ! – Au-delà de la coopération, en mettant en œuvre des avancées technologiques indispensables (pour la limitation des pertes grâce à des réseaux performants, régulation de la consommation avec – notamment- des compteurs adaptés, développement de nouveaux moyens de stockage etc…), cela suppose des investissements considérables avec ce souci premier, d’après Dominique Ristori, Directeur-Général énergie de la Commission Européenne : «nul ne peut, ne veut prendre le risque de voir se produire une panne européenne, un black-out dommageable pour tous !»

Alors que les deux tiers des émissions de CO2 viennent de la production et de la consommation énergétiques (y compris des acteurs publics dont les collectivités locales !), «la France et l’Allemagne se sont engagées dans la transition énergétique qui passe», relève ADAPes, «notamment par le développement massif des énergies renouvelables et décentralisées. Dans le cas de l’Allemagne et selon la trajectoire fixée par l’Energiewende, la part des EnR (Energies non Renouvelables) dans la production d’électricité doit passer de 25% en 2014 à 50% en 2030, cependant que, selon la loi sur la transition énergétique et la croissance verte, les pourcentages correspondant passeront en France de 19,5% à 40%. Le caractère intermittent et souvent non commandable de ces énergies (note de la rédaction : notamment pour le solaire et l’éolien) appellent les réseaux électriques, qu’ils soient transport ou distribution, à devenir l’infrastructure qui rend ces transitons possibles en garantissant la sécurité et la continuité d’alimentation.»

L’Alsace et le Bade-Wurtemberg : des exemples. – Le Grand Est, l’Alsace et le Bade-Wurtemberg peuvent devenir, y compris avec la mise en application des nouvelles technologies (dont les outils fournis par la révolution numérique, les objets connectés, les stockages décentralisés), un modèle d’avenir, notamment dans le domaine de l’interconnexion énergétique, dans les économies d’énergie ou la transition dans des secteurs comme l’utilisation du vélo, la conception et la fabrication de véhicules électriques (automobile, auto-partage), l’électro-mobilité (trains, trams). Dans ce contexte, ce n’est pas neutre, rappelle D. Ristori, si «l’Office Franco-Allemand des Energies Renouvelables» est devenu, récemment «l’Office Franco-Allemand de la Transition Energétique». Cela marque pour les deux partenaires une volonté d’aller de l’avant, notamment dans le cadre européen : la politique énergétique ne relève-t-elle pas pour l’Union Européenne du Conseil Européen des chefs d’états ou de gouvernements ?

Car dans le domaine de l’énergie «un retour à l’Europe est indispensable pour promouvoir un monde avec moins de CO2, un monde qui soit plus vivable et qui est souhaité par tous», lance E. H. Malet, «dont les pierres d’angle devraient être la transition énergétique et la mise en œuvre de la révolution numérique, qui permettrait à l’Europe de retrouver sa souveraineté et de relancer une croissance par l’énergie. Il permettrait d’amorcer cette grande transformation des sources de production d’énergie et des flux (réseaux électriques, mais aussi gaziers) devenus stratégiques. «Cette Europe suppose en particulier un rapprochement entre les politiques menées par les états : notamment la France (qui s’appuie sur le nucléaire) et l’Allemagne (où pèsent le charbon et le lignite).

L’Europe des électriciens et celle des politiques. – «L’Europe des électriciens est plus viable que l’Europe des politiques», lance Marcus Mattis, l’un des partenaires (Multi Utility Consulting) du colloque. Pas sûr, serait-on tenté de répondre, en écoutant le représentant de la Commission Européenne. Celui-ci souligne qu’elle sera effectivement plus viable si on réussit à dépasser les effets des souverainetés nationales, si on arrive à promouvoir une approche coordonnée et nécessaire en matière de production, à jouer la modernité et si, enjeu essentiel, on fait du consommateur-acteur un… complice !

Cela part du principe que l’énergie la moins chère est celle… qu’on ne consomme pas, il s’agit de persuader les collectivité de diminuer l’intensité de l’éclairage public, de faire appel à des sources de production (biomasse, éolien, solaire, hydraulique) pour le chauffage urbain, de promouvoir l’éco-mobilité (véhicules électriques, pistes cyclables, trams), d’amener consommateurs privés et publics à réduire leur consommation par la régulation (pièce par pièce, appartement par appartement), à diminuer l’intensité du chauffage ou de l’air conditionné, d’utiliser les formules d’isolation thermique… Les techniques existent : il s’agit d’amener artisans et architectes à les utiliser. La recherche a, de son côté, des efforts à poursuivre.

L’Alsace et le Bade-Wurtemberg font référence en matière de coopération transfrontalière, rappelle Franck Leroy, Vice-Président du Grand Est, chargé de le la transition énergétique. Il souligne : «cette image s’étendra au Grand Est dans son ensemble, grâce notamment à l’utilisation des compétences qu’ont désormais les nouvelles régions. Un prochain colloque, après cette première rencontre réussie, se penchera-t-il sur ces perspectives ?

(1) La revue «Passages» est une publication de l’association «ADAPes» (voir adapes@club-internet.fr ou www.passages-adapes.fr), l’ensemble forme un «think tank», un espace où l’actualité se décrypte par l’écrit à partir d’une pluridisciplinarité de points de vues. L’organisation, dirigée par Emile H. Malet, met en place des colloques, des dîners d’information, des conférences. Ses thèmes vont de la psychanalyse au climat, des problèmes de l’énergie à l’environnement et au développement durable.

(2) Le colloque organisé par «Passages-ADAPes» benéficiazit du concours de la Région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Strasbourg-Eurometropole, EdF – l’électricité en réseau, Direction générale de l’Energie, Commission Européenne, ES-Electricité de Strasbourg, Ville de Baden-Baden, Engie

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