Tout est pardonné

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe réhabilite la Russie qui retrouve ainsi son droit de vote. Ainsi, le Conseil d’Europe passe l’éponge sur l’annexion de la Crimée.

Le CoE - à nouveau avec la Russie ! Foto: Elwood OKJ j blues / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – En politique, il faut avoir de la patience. Car, un moment donné, tout se règle tout seul. D’une façon ou d’une autre. Après une suspension du droit de vote ayant duré 5 ans, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a voté à 118 contre 62 votes, la restitution du droit de vote à la Russie. Le fait que la Russie doive encore 87,2 millions d’euros n’était certainement pas étranger à cette décision.

La délégation ukrainienne était en colère, estimant que le Conseil de l’Europe (CoE) déroule un tapis rouge à la Russie, légalisant et entérinant ainsi l’annexion de la Crimée. Les délégués ont adopté un texte qui dit qu’il n’est pas possible de suspendre le droit des Etats membres à la parole et au droit de vote dans les commissions. L’étape suivante est simple : la Russie n’a plus qu’à enregistrer sa délégation pour les prochaines réunions et séances où elle pourra, à nouveau, bénéficier de ses droits.

Depuis deux ans, la Russie, l’un des grands contributeurs au budget du Conseil de l’Europe, avait suspendu de son côté le paiement de ses cotisations – et aujourd’hui, les 87,2 millions d’euros feraient du bien à l’institution qui souffre chroniquement d’un sous-financement. Pourtant, tout Etat qui n’honore pas ses obligations financières vis-à-vis du CoE, peut carrément être exclu de l’institution. Pour éviter cela, l’Assemblée Parlementaire a même modifié son règlement interne pour éviter de devoir exclure la Russie.

Quelques heures avant l’élection du nouveau Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, la Russie retrouve ainsi sa voix dans cette institution. Au grand dam de l’Ukraine et d’autres pays limitrophes à la Russie. Car le CoE « légalise » en quelque sorte l’annexion de la Crimée et « vend » les intérêts d’un pays « faible » pour arranger les intérêts d’un pays « fort ».

Le Conseil de l’Europe doit faire attention de ne pas se ridiculiser. Personne n’a oublié le voyage du Secrétaire Général sortant, Thorbjörn Jagland, à Ankara où il avait félicité Recep Tayyip Erdogan pour la « purge » que ce dernier était en train d’effectuer en incarcérant de dizaines de milliers de personnes. Est-ce vraiment le rôle du Conseil de l’Europe d’applaudir des dictateurs et de légaliser des agressions comme l’annexion de la Crimée ?

On nous dit et on nous répète que le Conseil de l’Europe, institution regroupant 47 pays et 830 millions de citoyens et citoyennes, serait l’entité diplomatique de l’Europe, le seul endroit où les canaux de communication seraient ouverts quand rien ne va plus dans les relations internationales. Mais à quoi bon garder ces canaux ouverts si on ne les utilise pas en cas de crise ? Le chef de la délégation ukrainienne, Oleksii Goncharenko, était donc passablement remonté : « L’Assemblée Parlementaire a cédé devant le chantage russe », a-t-il dit, faisant allusion à l’ardoise que la Russie avait menacé de ne plus régler.

Force est de constater que le Conseil de l’Europe fait un travail remarquable dès lors qu’il s’agit de mener des actions concrètes en faveur de la démocratie et des Droits de l’Homme sur le terrain. Puisque l’institution communique aussi mal que la plupart des institutions européennes, ces actions se déroulent souvent dans la plus grande discrétion, ce qui est dommage. D’un autre côté, lorsque le CoE s’aventure à faire de la politique, son action devient questionnable. Et avec cette décision, les petits pays européens devront se faire du souci – désormais ils savent que le CoE se rangera du côté du plus fort en cas de litige, histoire de « garder les canaux de communication ouverts ». Reste la question à quoi peuvent bien servir ces canaux si on ne les utilise pas en cas de litige.

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