A votre avis, c’est quoi, des fake news ?

Erreur et manipulation : confusion will be our epitaph

Bucarest, Varsovie, Budapest, Paris, Berlin, même combat ? Foto:Jtorquy/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Dans à peu près tous les pays d’Europe, on a mis en place une législation destinée à veiller sur la diffusion de fausses nouvelles qui risquent ou risqueraient fort, en ces temps de pandémie, de semer la confusion, voire la panique. Surgit immédiatement le soupçon que les gouvernements en profitent pour limiter perfidement (ou parfois, assez brutalement) la liberté d’expression ; à commencer par celle des journalistes. Soupçons que nous voyons partiellement justifiés. Que pourraient y faire les citoyens ? L’exemple de la Roumanie.

La Pologne et davantage encore, la Hongrie apparaissent aujourd’hui comme les gouvernements les plus clairs à cet égard, hélas : ils ont d’ores et déjà mis en place des lois qui limitent drastiquement la diffusion des informations. Dont un certain nombre s’avère être des fake news. Mais cela n’est pas toujours aussi évident, bien sûr : qu’est-ce qu’une fausse nouvelle, une nouvelle fabriquée de toutes pièces ? Certaines sont trop grossières pour être crédibles – ce qui ne signifie pas nécessairement qu’elles soient fausses… – et d’autres sont plus adroitement construites. Erreurs ou constructions en toute connaissance de cause, et manipulations à des fins commerciales ou bien résultats d’aveuglements idéologiques, particulièrement aux extrêmes du spectre politique : dans les faits, la qualification de fake news est parfois erronée, ou calomnieuse et diffamatoire.Les false news ne sont pas nécessairement des fake news, les falsche Nachrichten, pas forcément des Falschnachrichten.

Que faire en tout cas contre les fake news ? Dans certains pays plus « démocratiques » (au sens occidental du mot, qui en réalité procède d’une fusion historique entre la notion de démocratie et celle de libéralisme) que la Pologne ou la Hongrie, on procède de manière plus subtile. Mais la manière dont le problème se pose en Roumanie nous semble particulièrement intéressante.

A Bucarest en effet, le 25 avril, un député de l’opposition PSD (social-démocrate) a demandé l’interdiction du site web du président de la République libéral, Klaus Werner Iohannis, lui reprochant d ’avoir diffusé des fake news le 11 mars, jour où l’OMS a annoncé (tard) que le virus COVID-19 avait déclenché une pandémie. Iohannis avait écrit sur le site présidentiel : « Même les personnes plus âgées qui souffrent d’autres problèmes de santé vivent de manière acceptable » et avait mis en garde contre l’appellation « virus tueur » à l’égard du COVID-19. Selon le député PSD, Iohannis tomberait ainsi sous le coup de l’Article 45 du Décret publié le 16 mars dernier et lié à l’état d’urgence, qui a servi au président à fermer une dizaine de sites.

Il y a bien peu de chances que cette procédure aboutisse, puisque les partis majoritaires ne la voteront pas ; mais elle pose les bonnes questions, en partie involontairement.Concernant la pandémie, in concreto, qu’est-ce au juste que des fake news ? Qui en décide ? La loi est très loin d’être suffisamment précise, comme d’ailleurs partout en Europe, y compris en France : le pouvoir en profite donc, et aussi les diverses démagogies extrémistes de part et d’autre (dans notre exemple roumain, les mots malheureux du président expriment de grossières erreurs, et non des fake news). Et les citoyens sont donc placés à chaque fois devant le fait accompli.

Comment donc identifier les fake news ? En Roumanie, les sites fermés l’ont été de façon significative : l’un, émanant de milieux chrétiens orthodoxes, affirmait que le gouvernement projetait de « tuer les retraités en les enfermant dans des camps de concentration et d’extermination ». Un autre avançait inlassablement que la pandémie était « un complot de « Big Pharma » pour introduire des puces au moyen de vaccins »… Face à de telles allégations, qui risquent effectivement de créer des mouvements de fuite et de panique, suffit-il d’invoquer le bon sens ? Non, sans doute. Pas davantage, hélas, que l’optimisme pédagogique qui affirme qu’un peu d’éducation suffirait à faire disparaître ce genre d’absurdités…

D’un autre côté, le pouvoir politique ne se gênera que bien peu pour utiliser la législation « anti-fake news ». Et cela, parfois, de façon moins brutale qu’une fermeture pure et simple. Par exemple, en utilisant les médias achetés par le gouvernement ou des cercles proches de ce dernier. On voit cela en Pologne, en d’autres pays d’Europe centrale et plus encore orientale, et en France. Car il est facile, pour un canard boîteux – comme par exemple, Libération – quand la presse est achetée par des milliardaires , a fortiori lorsqu’ils se trouvent proches des premiers cercles du pouvoir, de décréter que telles informations qui déplaisent sont des fake news…

Une situation et une pratique qu’on verra fleurir de plus en plus, ces prochaines années. Bien pratique pour le pouvoir, cette pandémie. Surtout en ces temps où déjà, on assistait à une disjonction évidente entre démocratie-équité et libéralisme-liberté des puissants, dont l’équilibre avait été à peu près assuré pendant les Trente Glorieuses. On parie ?

A consulter : http://balkaninsight.com/

 

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