Allemagne : l’ Occident est jaune

Les Gilets Jaunes pétrifient Die Linke

Sahra Wagenknecht, le regard fixé vers des lendemains radieux Foto: DerHexer / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(MC) – Le mouvement de gauche allemand Die Linke, par son nom, indique qu’il vise à engloutir dans les replis de sa vaste panse tous les citoyens allemands qui se réclament d’une sensibilité de gauche ou essaient de militer en ce sens – pour plus de justice sociale, principalement, une idée qui assurément n’excite pas beaucoup la droite. Die Linke ? On pourrait appeler ce mouvement Marguerite : vous souvenez-vous qu’à l’école primaire, nous apprenions que la vache avait 4 estomacs ? Eh bien, c’est le cas de Die Linke.

Ses sommités, Sahra Wagenknecht (représentant le parti au Bundestag) et Bernd Riexinger, son président, s’entrétripent actuellement sur l’attitude à adopter face au mouvement français des Gilets Jaunes.

La députée souhaite que le mouvement des Gilets Jaunes naisse et se développe aussi en Allemagne. Fin novembre, elle a désigné les Gilets Jaunes comme « un exemple à suivre par les Allemands » tout en regrettant leur violence – précaution oratoire ou politique ? Elle a déclaré : « Je souhaiterais bien évidemment que des protestations plus puissantes s’élèvent contre un gouvernement pour lequel les intérêts des lobbies financiers importent plus que ceux des gens normaux. Mais la France est différente : elle est toujours beaucoup plus spontanée. Nous, en Allemagne, nous nous laissons beaucoup plus faire. Je trouve juste que des hommes se défendent et protestent quand la politique rend leur vie plus difficile. Le prix de l’essence est tout simplement une question vitale pour les gens qui ne travaillent pas à proximité de leur domicile. Certes, je trouve dommage que les forces de droite autour de Marine Le Pen essaient de récupérer ce mouvement, et je regrette toute cette violence. Mais ce mouvement est parfaitement justifié. C’est un soulèvement contre le gouvernement des riches ».

Mais Bernd Riexinger, lui, bien davantage adepte de la Realpolitik, a protesté avec indignation contre cette déclaration d’amour de Sahra Wagenknecht envers les Gilets Jaunes. « Le potentiel des gens de l’ultra-droite dans leurs rangs est réellement préoccupant » , a-t-il déclaré au journal de la RND. Le mélange droite-gauche est selon lui fort douteux, et suspect : «  En Allemagne, cette fraternisation d’une opinion de droite avec l’opinion de gauche est impensable. » Impensable, oui, objectera-t-on ; mais impossible ? C’est autre chose.

La confrontation entre Bernd Riexinger et Sahra Wagenknecht est très significative d’une certaine perplexité qui se manifeste dans les rangs de la gauche et davantage encore, de l’extrême-gauche – allemande, française et plus largement, européenne. C’est compréhensible. Wagenknecht, née en 1969 à Jena, a suivi tout le cursus « normal » de la RDA, de la FDJ (jeunesse communiste) à l’adhésion au Parti communiste de RDA, la SED… en 1989 ! Puis elle a adhéré à la Plateforme Communiste dans les années 1990, et ensuite, à la Gauche anticapitaliste. Sa Weltanschauung reste largement marxistoïde, donc révolutionnaire : pourquoi dans ce cas rejetterait-elle toute violence sociale populaire ?

Il y a autre chose, et bien plus encore. Ce mouvement des Gilets Jaunes coïncide de façon troublante avec ce qu’une certaine extrême-gauche appelle de ses vœux – son idéal, pourrait-on presque dire : démocratie directe, aucune autorité de référence et de décision, délibérations horizontales… Mais les militants de cette extrême-gauche se refusent à l’avouer : parce que le peuple qui se meut là, n’est pas celui de ses représentations fantasmées.

Dans cette polémique (et peut-être, cette confrontation), en tout cas, se niche autre chose. En Allemagne comme d’ailleurs en France, on constate une réelle sidération à l’égard des violences du caniveau français et parisien. De gauche, de droite ? Sahra Wagenknecht, née et élevée, dressée en RDA jusqu’à sa vingtième année, porte en elle un seuil de tolérance plus élevé que son petit camarade Riexinger à ce qu’ils voient sur l’écran de leur télé  : ces gens mal embouchés, qui engloutissent des montagnes de boîtes de kro en éructant, qui ont des miettes de brocolis entre les dents et carburent au guronsan, et dont la violence exaspérée de Hulks des trottoirs fascine, d’une certaine manière ; d’une drôle de manière.

Sahra Wagenknecht, cependant, grâce à sa culture politique et son expérience sociale, ne peut pas ne pas s’apercevoir que cette violence présente pour l’essentiel des aspects absurdes, d’une mauvaise et dangereuse naïveté, et dépourvus de but précis. A moins que les manifestants jaunes poursuivent réellement un but précis, ce qui serait bien pire encore…

Va-t-on vers un nouveau 6 février 1934 ? Ce serai à notre sens, hélas !, bien mieux en adéquation avec les motivations des acteurs que Mai 68, trop souvent invoqué, ou Juin 36. Le 6 février 1934, l’extrême-droite et ceux qu’elle a entraînés dans son sillage fétide et criminel avaient tué 16 personnes. Pour l’instant, nous en sommes à 2 ou 3 morts pour 3 samedis, ce qui est encore assez maigre ; on peut faire mieux.

Surtout pour… Pour quoi, au fait ? La révolution nationale ? Le retour à l’Ancien Régime ?

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