Allemagne : quand la pauvreté entre dans la campagne électorale

Alain Howiller jette un regard sur le « modèle allemand » qui n'est pas aussi mirobolant qu'on croit...

La pauvreté dans les villes - un squat à Berlin. Foto: Babewyn / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – S’il est un terme que les observateurs étrangers n’associent que rarement à la situation de l’Allemagne, c’est bien celui de « pauvreté ». Pour la plupart des observateurs, l’Allemagne, c’est une économie dynamique, un taux de chômage (5,8%) qui flirte avec le plein emploi, un million d’emplois non occupés faute de candidats, des excédents budgétaires considérables, des exportations (à hauteur d’un peu plus de 8% du PIB !) qui dépassent de très loin le volume des importations.

Le dernier rapport annuel du Fonds Monétaire International (FMI), publié il y a quelques jours à peine, vient de ramener l’Allemagne à une autre réalité que même la campagne électorale désormais engagée n’a guère évoquée : « la lente augmentation générale du risque de pauvreté ! » Le FMI note que : « Malgré un filet de sécurité sociale bien développé et une forte progression de l’emploi, le risque de pauvreté relative demande une attention continue en Allemagne. » D’après l’Office Fédéral des Statistiques, ce risque concernait déjà, en 2015, 20,1% de la population (16,1 millions de personnes), la pauvreté réelle (revenu représentant 60% du « revenu médian (moyen) » allemand soit un peu plus de 900 euros/mois pour une personne) touchait, elle, 16,7% de la population soit 13,4 millions de personnes !

Ombres et lumières sur la pauvreté ! – Pour le gouvernement, ce taux serait, en fait, plutôt de 15,7% (12,9 millions de personnes) ce qui, fondamentalement, ne change pas grand chose même si on devait -comme le souhaitent les autorités fédérales- soustraire des statistiques quelques centaines de milliers (sur 2,8 millions) d’étudiants qui ne font que « traverser très provisoirement » -en quelque sorte- le taux de pauvreté !

Au mois de Mars, le 5ème rapport fédéral sur la pauvreté et la richesse établi par les associations (paritaires) chargées de suivre l’évolution de la situation sociale, constatait qu’en dix ans que le nombre de pauvres avait passé de 10,7% à 15,9% et touchait plus particulièrement des familles monoparentales, des jeunes et des enfants, des chômeurs, des personnes âgées, des réfugiés, des migrants, des handicapés. Le rapport qui sera soumis au gouvernement et qui sera les 17 et 28 Juin, à Berlin, au coeur d’un congrès réunissant associations caritatives et syndicats, note que si la pauvreté a reculé dans les « Länder dits de l’Est » hors la ville-état de Berlin, elle a progressé dans les « Länder de l’Ouest », la Bavière, la ville-état de Hambourg et le Bade-Wurtemberg faisant exception.

Brême, Berlin et NRW frappés ! – La progression de la pauvreté a touché particulièrement le Land de Brême (un tiers de la population de Bremerhaven peut être considérée comme pauvre !), Berlin, la Rhénanie du Nord-Westphalie (NRW) (la Ruhr en reconversion industrielle, surtout). La récente défaite de la coalition SPD/Verts en NRW, qui connaît un taux de pauvreté de l’ordre de 17,5%, n’est sans doute pas étrangère à la situation sociale !

L’inquiétant de la situation est que la pauvreté progresse chaque année et que la République Fédérale s’éloigne, mine de rien, de ce « Wohlstand für Alle » (prospérité pour tous) que Ludwig Ehrhard, le père du « miracle économique » allemand, en digne fils de l’école néo-libérale de Fribourg-en-Brisgau, avait donné comme objectif à atteindre à son pays.

Ce que réclament le FMI et l’Europe ! – En partant de ce constat d’autant plus préoccupant qu’il s’inscrit dans un contexte économique favorable par ailleurs, le FMI estime (en pleine campagne électorale !) que l’Allemagne devrait agir pour peser sur ses excédents budgétaires et sur la situation excédentaire de son commerce extérieur par une politique active d’investissements publics et privés, par une augmentation des salaires, par un allégement des charges pour les revenus les plus faibles, par une augmentation des impôts pesant sur les plus fortunés !

L’ensemble de ces mesures devrait contribuer à soutenir la croissance en Allemagne mais aussi, par ricochet, chez les partenaires (notamment l’Union Européenne) de l’économie allemande. Difficile à expliquer aux électeurs lorsqu’on veut solliciter un quatrième mandat de chancelière.

Pas facile non plus, lorsqu’on veut être le « challenger » d’une élection ! Et encore moins évident lorsqu’il s’agit de faire face à certaines demandes (notamment françaises) d’assouplissements et qu’une part -non négligeable- des médias lance : « Qui (et comment) va payer ! » Des Commissaires européens de Bruxelles ont rappelé l’application des règles des Traités Européens : lorsque l’excédent dépasse 6% du PIB, les pays bénéficiaires doivent prendre des mesures de relance. Décision qui s’inscrirait dans la logique des recommandations du FMI ! Qu’en feront les programmes des candidats à l’élection du 24 Septembre ? Comme le rappelle le titre d’une émission télévisée : « Deal or not deal ? »

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