« Alsace-Israël »… et moi

2021 - les AGs se déroulent dans l'espace virtuel. Mais cela n'exclut pas la richesse des expériences faites. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Mercredi soir avait lieu l’assemblée générale de l’Association « Alsace-Israël » qui œuvre depuis de longues années pour les échanges entre l’Israël et l’Alsace. Covid-19 oblige, l’assemblée générale avait lieu en « virtuel ». Je pourrais maintenant tout simplement citer les anciens et nouveaux élu.e.s du bureau de cette association, je pourrais revenir sur le rapport d’activités, sur les projets à venir, mais d’autres s’en chargeront sur d’autres supports. En tant qu’Allemand qui vit en France, le fait d’avoir été élu dans le bureau de cette association, a déclenché toute une réflexion chez moi.

Bien que nous sommes en l’an 2021, le fait d’être accepté dans une association alsacienne qui travaille en faveur d’une meilleure compréhension entre l’Israël et l’Alsace, est tout sauf anodin pour l’Allemand que je suis. Même 76 ans après la fin de la IIe Guerre Mondiale et de la Shoah, les plaies de l’Histoire ne sont toujours pas refermées et il est nécessaire que cette terrible époque du nazisme ne soit jamais oubliée. Etant né bien après la IIe Guerre Mondiale, je fais partie de cette génération dont l’ancien chancelier Helmut Kohl avait dit qu’elle « bénéficiait de la grâce d’une naissance après-guerre ». Il est vrai que ma génération ne porte aucune responsabilité des crimes des nazis. Pourtant – aucun Allemand, n’importe son âge, ne peut se soustraire à une sorte de « responsabilité collective » pour l’histoire de son pays. Bien sûr, cette responsabilité n’est pas individuelle, mais elle est quand même vécue de manière personnelle.

Lors de mes études à Nice, il y avait une pancarte au-dessus de l’entrée de mon immeuble au Boulevard Carlone, juste en face de la faculté des lettres. « Ici, en 1944, les nazis ont fusillé Paolo Rossi et trois autres résistants ». De telles pancartes, j’en ai vu partout où j’habitais plus tard, en France, en Belgique, aux Pays-Bas. Il n’existe pas un village dans le monde où un Monument aux Morts ne rappelle pas les victimes des guerres déclenchées par l’Allemagne. Aucun Allemand de ma génération ne peut échapper à cette « responsabilité collective » qui n’est autre qu’une mission d’œuvrer avec détermination contre le nazisme, le fascisme, le racisme, la haine. Et il est assez incroyable et frustrant d’assister de nos jours, à une montée du néonazisme en Allemagne, porté par le bras parlementaire des extrémistes identitaires, l’AfD qui elle, totalise presque systématiquement dans les 10% à chaque élection.

Mais revenons à mercredi soir et à l’assemblée générale de l’Association « Alsace-Israël ». Cette association regroupe des personnes de différentes nationalités, de différentes croyances, de milieux socio-professionnels différents. Et du coup, je me suis rendu compte que j’avais une chance extraordinaire de pouvoir contribuer à mon niveau, aussi modeste qu’il soit, à panser ces plaies du passé.

Je me rends compte que depuis 76 ans, nous avons fait des progrès énormes dans notre région. Les « pères fondateurs » de l’Europe ont réussi un pari fou – celui de pacifier notre continent, celui de réintégrer l’Allemagne dans la famille européenne, celui qui nous permet de nous retrouver aujourd’hui entre amis, sans que la nationalité ou la croyance nous en empêchent. Je tiens à exprimer ma gratitude au Président Jacques Zucker, sa vice-présidente Gisèle Zielinski, à tous les amis de cette merveilleuse association qui m’ont permis à moi, citoyen allemand et européen, d’œuvrer avec eux pour une lueur d’espoir dans une période assez sombre. Mercredi soir, en rentrant à travers une ville déserte (j’avais participé à cette assemblée générale depuis mon bureau au centre-ville), dans cette ambiance glauque du couvre-feu qui fait penser à une situation de guerre et d’occupation, je me suis senti non seulement Allemand, mais aussi Alsacien, Français, Israélien, Chrétien, Juif, Européen, citoyen du monde.

Je sais que cet écrit n’est pas un article de presse, que je transgresse toutes les règles du journalisme. Vous avez raison, c’est plus une lettre ouverte à mes amis de l’Association « Alsace – Israël » qu’un article. Mais je suis le rédacteur en chef d’Eurojournalist(e) et j’ai la liberté de publier ce que je veux. Donc, pour une fois, je profite de cette liberté pour dire merci à mes amis, mais aussi à toutes les personnes qui s’engagent pour un monde meilleur, pour la paix, pour la justice, pour la compréhension entre les peuples. Tant qu’il y a des gens qui œuvrent pour la paix, les causes sociales, les causes justes, la compréhension entre les peuples, tous les espoirs sont encore permis.