Alsace : quand l’économie sociale et solidaire joue au père Noël !

Avant le début de l’année 2016, Alain Howiller jette un regard sur le secteur social et solidaire – qui pourrait devenir une vraie «machine à emplois».

Le secteur "économie sociale et solidaire" pourrait devenir une "machine à emploi" - Alain Howiller explique pourquoi. Foto: Official Navy Page / MC3 Grant Warmack / US Navy, Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – Toujours sous le coup des attentats, tout porte à croire que Noël 2015 n’apportera guère cette joie et sérénité qui accompagnent traditionnellement cette période si particulière de l’année. Les économistes se risquent à avancer les premières estimations sur l’impact des «évènements» : leur poids pourrait représenter une baisse de 0,2% du PIB, ce qui, au-delà des déchirures que représentent les pertes humaines, correspondrait aux effets déjà relevés dans des pays qui ont connu des attaques meurtrières d’ampleur (New York en 2001, Madrid en 2004, Londres en 2005, Bombay en 2008 – voir eurojournalist.eu du 25 Novembre).

Dans sa dernière enquête de conjoncture, la Banque de France n’a pu que relever, sur le plan national aussi bien que sur le plan régional, l’impact des attentats notamment sur le commerce de détail -petit commerce, comme grande distribution – ou l’hébergement. La conjoncture qui esquissait quelques signes de redressement, dont on ne trouvait toujours pas l’effet dans les chiffres du chômage, risque d’être, une nouvelle fois, plombée et on n’espère plus de redressement du marché du travail avant la fin du premier semestre 2016 !

Il serait, du reste, étonnant que les mesures que le gouvernement, trop soucieux dans le passé de ne pas aller… trop loin, s’apprête à lancer pour relancer la lutte contre le chômage, produisent des effets à court terme. Pourtant, il reste de nombreux emplois inoccupés qui ne trouvent pas facilement leur titulaire. C’est vers ces secteurs que les pouvoirs publics voudraient, grâce à des formations adaptées, orienter un nombre important de chômeurs.

Vers un nécessaire coup de pouce ? – D’après une «start-up» de Bordeaux («JobiJoba» qui dispose de quelque 120.000 postes à offrir), des milliers d’emplois restent inoccupés dans le commerce-vente (vendeurs, technico-commerciaux, divers types de commerciaux), dans l’industrie (techniciens de maintenance, caristes, chaudronniers, soudeurs etc…) voire même dans le bâtiment (électriciens, maçons, conducteurs de travaux) qui, pourtant, souffre du ralentissement des investissements publics y compris ceux des collectivités territoriales. Pourtant, l’évolution du nombre de créations d’entreprises (+26,34% sur un an) ouvre des perspectives encourageantes, même si, au final, la régression du nombre de «micro-entreprises» (auto-entreprises souvent d’une durée de vie courte) a pesé sur la statistique qui crédite le secteur de -3,8% de créations sur douze mois, un chiffre à accueillir avec prudence. Le rebond attendu (+1,5% en 2016) par la Banque de France dans le domaine de l’investissement apportera-t-il le coup de pouce nécessaire pour relancer la création -mais aussi l’extension- des entreprises, contribuant à l’emploi ?

En cette période de Noël qui incite à la solidarité et où la sensibilité aux problèmes de l’emploi s’exacerbe logiquement, il est un secteur qu’on suivra tout particulièrement : c’est celui de l’économie sociale et solidaire. On en sous-estime traditionnellement l’importance, si tant est qu’on en parle ! Pourtant, l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) représente 2,4 millions d’emplois en France (dont 80.000 environ -soit 10,8% des salariés- en Alsace) et au niveau gouvernemental, elle est suivie par une «secrétaire d’Etat» rattachée au Ministre de l’Economie(1). Pour 82% des Français, interrogés par l’institut de sondage IFOP, ce sont les entreprises relevant de l’ESS qui créeront les emplois : 51% des sondés souhaiteraient y travailler, ils sont même 63% chez les jeunes !

Près de 80.000 emplois en Alsace ! – Les 5.684 entreprises du secteur versent, au niveau national, 54,4 milliards d’euros de rémunérations ! Depuis 8 ans est organisé chaque année un «mois de l’économie sociale et solidaire» qui, à travers de nombreuses manifestations, veut attirer l’attention sur ce secteur d’activité organisé par une loi de Juillet 2014. «Think Tank» de l’ESS, le «Labo» définit ainsi les entreprises du secteur : «Le terme d’ESS regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local… Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel, mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement… L’économie sociale se définit par les statuts des structures qui la composent : associations, coopératives, mutuelles, fondations. Elles défendent la primauté de l’homme sur le capital. L’économie solidaire rassemble les organisations dont l’objectif premier est l’utilité sociale. Elle naît dans les années 1970…»

Ne seraient l’importance et la diversité de ses activités, les salaires qu’il verse et les emplois qu’il représente, le secteur sentirait bon les… utopies du XIXème siècle !… Mais quand on pénètre le concept, on s’aperçoit -pour ne prendre que l’exemple de l’Alsace où les entreprises sociales et solidaires comme les créations d’emplois sont davantage présentes que dans le reste du pays- que font partie du secteur, un certain nombre de poids lourds : 3 coopératives de crédit rattachées au secteur bancaire, 2 Associations d’aide à domicile, 2 Associations d’aide par le travail, 2 Fondations et une Association d’accueil des personnes en situation de handicap.(2)

Toujours en Alsace, les salariés du secteur sont présents à 70% dans les associations, à 3% dans les mutuelles, à 17% dans les coopératives et à 10% dans les fondations (seuls 3% des effectifs totaux sont présents dans l’industrie). Les entreprises de l’ESS sont regroupées essentiellement dans les trois zones urbaines majeures de Strasbourg, Mulhouse et Colmar.

Le renouvellement attendu sur les bords du Rhin. – En Alsace, compte tenu de la structure par tranche d’âges, grâce aussi à la poursuite du dynamisme dont le secteur a fait preuve jusqu’ici, les entreprises d’ESS devraient être fortement créatrices d’emplois dans les prochaines années : dans l’industrie -peu présente actuellement- les emplois devraient progresser, ainsi que dans les métiers d’aides à domicile (notamment pour les personnes âgées dont le nombre progresse plus vite qu’en moyenne nationale), dans les professions d’agents de service hospitalier, d’aides-soignants, d’infirmiers, de professeurs agrégés et certifiés de l’enseignement secondaire, de techniciens des opérations bancaires. C’est dans ce dernier secteur qu’on enregistre la plus forte proportion de plus de 50 ans parmi ses actifs, reste à savoir si cette profession échappera aux opérations de regroupement et de modernisation technologique qui affectera la banque dans son ensemble !

Lors d’une récente rencontre avec Manuel Valls, le Premier Ministre, Roland Berthilier, trésorier de la Chambre Française de l’ESS et Secrétaire général de la puissante Fédération Nationale de la Mutualité Française (38 millions d’adhérents, gestion de 2.000 centres de soins et cliniques), a fixé des objectifs ambitieux à l’économie sociale et solidaire : passer de 10% du P.I.B. à 20% ! Même en cette période de Noël et par les temps qui courent, les objectifs ambitieux sont rares, surtout, lorsqu’ils servent la cause de l’emploi. Alors, saluons ceux qui soutiennent la cause du… Père Noël !

(1)    La secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie Sociale et Solidaire a été installée auprès du Ministre de l’Economie, le 17 Juin 2015. Il s’agit de Martine Pinville.

(2)    Données extraites d’une étude de l’Observatoire Régional Emploi Formation-OREF/Alsace.

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