Angela Merkel refait la même erreur une deuxième fois

Lors de sa visite chez Recep Tayyip Erdogan à Ankara, la chancelière soutient une nouvelle fois le président turc. Volontairement ou involontairement, elle devient un pilier du régime Erdogan.

"Mutti" a une nouvelle fois renforcé Erdogan par une visite au mauvais moment. Foto: Armin Linnartz / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – La première fois, c’était à une semaine des dernières élections en Turquie. Munie d’une enveloppe contenant des milliards d’euros européens pour l’accord sur les réfugiés, munie des habituelles promesses d’une procédure de négociation accélérée concernant une adhésion de la Turquie à l’UE, Angela Merkel avait permis à Erdogan de se présenter comme l’homme fort qui dicte ses conditions à l’Europe – ce qui lui avait voulu le succès électoral qu’il a eu. Maintenant, peu avant le référendum turc sur le changement de la constitution qui transforme la Turquie en un système présidentiel où le président Erdogan sera doté d’un pouvoir presque absolu, Angela Merkel est revenu à Ankara. Et pour la deuxième fois, Erdogan en a fait qu’une bouchée.

La timide tentative d’Angela Merkel de demander le respect des principes démocratiques, des libertés individuelles et de l’expression, était exactement ce à quoi Erdogan était préparé. Après un entretien de deux heures et demi, il paraissait clairement que cette visite n’aura servi qu’aux président turc qui profitait de cette visite pour réclamer à ce que 40 officiers qui ont demandé l’asile en Allemagne après la tentative de putsch soient extradés vers la Turquie, pour souligner que la démocratie en Turquie n’était en rien menacée par ce changement de la constitution et pour dire à Angela Merkel qu’il vaudrait mieux qu’elle s’occupe de ses problèmes à elle. Avec toujours la menace d’ouvrir les portes aux plus de 2 millions de réfugiés syriens qui se trouvent en Turquie pour qu’ils partent vers l’Union Européenne, un scénario qui fait suer l’ensemble des responsables politiques européens.

« Elle a au moins essayé », disent certains, estimant qu’il est important de maintenir les canaux de communication avec la Turquie ouverts. « Mauvais timing », estiment d’autres, puisque la visite de la chancelière permet une nouvelle fois à Erdogan de se présenter comme l’homme de la situation vis-à-vis de ses électeurs. Les appels pour la liberté de la presse et de l’expression, le respect des minorités en Turquie, la solidarité militaire dans le cadre de l’OTAN – aucun de ces sujets n’a impressionné Erdogan qui se réjouissait de cette tribune internationale que lui offrait la visite de la chancelière.

Si Angela Merkel a rencontré dans la soirée aussi des représentants de l’opposition turque (du moins ceux qui ne se trouvent pas déjà derrière des barreaux), la chancelière revient les mains vides et même sa demande à ce que le référendum sur le changement de la constitution turque soit surveillé par des observateurs internationaux, a été rejetée. « Pas nécessaire », estime Erdogan. Et Angela Merkel n’avait aucun autre choix que de se taire.

Les visites d’Angela Merkel en Turquie se distinguent par un timing vraiment malheureux. Non seulement que le président turc se fiche pas mal de ce que l’UE et Angela Merkel peuvent demander, à chaque fois il en profite pour montrer à ses compatriotes qu’il sait faire bouger l’Union Européenne comme il veut. Des phrase comme « l’opposition fait partie d’une démocratie » ont fait sourire Erdogan qui profitait de l’occasion pour reprocher à l’Allemagne, de ne pas extrader les adhérents du mouvement Gülen, de ne pas poursuivre les organisations kurdes en Allemagne et de favoriser ainsi le terrorisme. Un vrai dialogue de sourds, avec un timing plus que malheureux. Et si Angela Merkel réfléchissait avant de s’y rendre la prochaine fois ?

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