Autriche : gouvernement versus renseignement

La fuite vers les égouts

Herbert KICKL, ministre de l'Intérieur autrichien, notre héros du jour Foto: Michael Lucan /Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Germany

(Marc Chaudeur) – On n’y pense pas assez : imaginez donc un peu le problème que pose un gouvernement d’extrême-droite, au niveau européen, pour ce qui concerne l’exploitation des renseignements politiques internes… L’Autriche en est un exemple particulièrement inquiétant.

Dans l’Union Européenne, le monde du renseignement porte la marque profonde des problèmes posés par les relations entre le gouvernement national-populiste de Vienne et les pays membres. Le conflit est né d’abord, au début de l’année 2018, entre le gouvernement de coalition ÖVP-FPÖ et le service de renseignement intérieur autrichien, le BvT (Bundesamt für Verfassungsschutz und Terrorismusbekämpfung), c’est-à-dire le Bureau pour la Protection de la Constitution et la lutte contre le Terrorisme. au début de l’année 2018.

Malheureusement pour l’Europe toute entière, c’est le BvT qui en fait les frais, puisque le 1er avril dernier encore, le chef du BvT, Peter Gridling, a déclaré devant une Cour de justice qu’il continuait a être malvenu dans le Club de Berne. Le bannissement de son service dure depuis plus d’un an…

Ce Club réunit les services de 30 pays européens, à savoir les 28 Etats qui composent l’UE plus les Suisses et les Norvégiens, indécrottables réfractaires à l’UE et à l’euro. Sous le chapeau du Club, le GAT (Groupe Antiterroriste) où se rencontrent les grands services européens, dont la DGSI française. On se doute bien à quel point ces rencontres « bernoises » sont utiles pour ce qui concerne la transmission des renseignements sur DAESH, notamment.

Mais là où le bât blesse pour certains, c’est que les échanges d’informations sur l’ activisme d’extrême-droite prennent de plus en plus d’ampleur. Le bât blesse cruellement surtout le gouvernement populiste de Vienne, surtout l’un des partis en coalition, le FPÖ, et le ministre de l’Intérieur, Herbert Kickl, qui en est membre. Et c’est l’origine d’un contentieux très sérieux entre le gouvernement de droite et le dirigeant du BtV, Peter Gridling. Ce dernier a qualifié Herbert Kickl, selon le média online IOL, de « menace pour la sécurité publique » !

La situation, en effet, est dangereuse et risquée. Que se passe-t-il lorsqu’un gouvernement qui se compose pour moitié d’un parti franchement d’extrême-droite (avec certains de ses membre à des postes clés) opère une razzia dans les bureaux du BvT) et y rafle une liste d’informateurs ?! Et qu’il s’intéresse particulièrement à ceux d‘entre eux qui dispensent des renseignements sur les néo-nazis et… sur les liens du FPÖ avec les services de renseignement et de propagande de Poutine, là-bas, à Moscou, la Mecque des fascistes européens ?

Un tout récent article du Spiegel nous raconte la vie de nabab que mène/menait Markus Frohnmaier, député de l’AfD (agglomérat hideux de para- et circumfascistes allemands) dans la capitale russe. Eh bien, selon le BvT et Gridling, Johann Gudenus et Harald Vilimsky, deux sommités du FPÖ, auraient joyeusement collaboré avec Frohnmaier dans ses activités monnayées d’agent d’influence et de propagande du Kremlin… Or, ces révélations, Gridling les a payées d’une suspension par le gouvernement. Mais fort heureusement, il a été réintégré par une Cour administrative de Justice dans les derniers jours d’ août 2018.

Le coin est enfoncé entre le gouvernement de Vienne et le BvT, mais on ne saurait pour autant accorder pleine confiance aux renseignements autrichiens. C’est en tout cas ce qu’estiment les anciens partenaires du Club de Berne… Et ceux ci, pour certains, sont franchement opposés à une réintégration : c’est le cas de la Finlande, qui est bien placée pour craindre des agissement centre-européens pro-russes… Les Etats-Unis aussi s’y opposent de fait. Néerlandais et britanniques sont plus que distants ; France et Allemagne sont sur la réserve.

Tant que le BvT continuera à se trouver sous la tutelle du FPÖ, les choses ne s’arrangeront pas. Et les renseignements continueront à filer vers les milieux de la droite la pus extrême et la plus brutale, et… vers le Kremlin. Pas rassurant du tout du tout !

Sources principales : IOL

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