Pétrole dans l’Adriatique : attention, dégât des eaux !

Où l’on reparle de forages pétroliers

Adriatique : vue sur la Baie de Kotor (Monténégro) Foto: GZZZ / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(MC) – Un serpent de mer adriatique… Depuis un demi siècle, il est question de pétrole dans l’Est de l’Adriatique. Le débat s’est ensuite vivement rallumé entre 2013 et 2016, et les mouvements environnementalistes et écologistes sont montés au créneau. Mais voilà qu’aujourd’hui émerge à nouveau la tête grimaçante de ce monstre marin, en particulier au Monténégro.

Depuis 3 semaines, les militants écologistes ont exprimé leur indignation et fait circuler une pétition dans les 6 pays qui bordent l’Adriatique (Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Albanie). Car depuis quelques années, il est question de prospecter les côtes pour y rechercher du pétrole et du gaz. A vrai dire, on en parle depuis le début des années 1960 : à Pula (Croatie) plus précisément, et la Croatie a depuis longtemps installé des plateformes offshore. En nombre très restreint, cependant, et d’autres velléités sont restées lettre morte jusqu’à présent. Mais en ce mois de novembre 2018, c’est au Monténégro que les dirigeants évoquent à nouveau ce projet. Pourquoi, d’ailleurs ? Cette inclination pétrolière et sa projection dans le domaine public sont toujours liées à des questions de politique interne : crise économique, inquiétude des pouvoirs en place…

Etrange, en tout cas, puisque le Monténégro se veut « Etat écologique » : c’est même inscrit dans sa Constitution, ce qui n’est pas très fréquent… Mais à plusieurs reprises (et la dernière fois, c’était en 2016), le parlement a été amené à débattre de l’opportunité de l’exploitation off shore du pétrole. L’entreprise italo-russe ENI et la société russe Novatek, appartenant au magnat Leonid Novatek, devaient se charger des installations. Une zone de 30 hectares devait être prospectée dans la région d’Ulcinj, au Sud du pays, près des salins prolongeant le grand lac de Skadar et de la frontière albanaise.

En 2015-2016, quelques grandes associations et organisations de défense de l’environnement avaient cependant exprimé de graves inquiétudes, liées surtout à la trop grande latitude dont auraient joui les compagnies pétrolières en matière de recrutement (il n’était pas sûr du tout qu’elles auraient engagé des ressortissants des pays concernés). Par ailleurs, le gouvernement monténégrin ne veillait pas au grain et laissait ses citoyens dans le flou quant à la rentabilité effective du projet (pour autres que les membres de ce gouvernement, s’entend…), et surtout eu égard aux risques écologiques encourus.

Tous les pays riverains de l’Adriatique ont une histoire difficile avec le pétrole. Mais en juillet 2015, la coalition d’associations SOS pour l’Adriatique (SOS za Jadar) (comportant Zelena Akcija et Greenpeace Croatia, entre autres) a remporté une grande victoire : deux des compagnies qui avaient signé des contrats avec le gouvernement croate s’étaient retirées. La baisse des prix du pétrole, l’incertitude de la conjoncture et le manque de sûreté des investissements ont joué un rôle important dans ce retrait. Mais le fait que la majorité de la population se soit opposée à ce projet dangereux et l’a fait vigoureusement savoir y a joué un rôle tout aussi déterminant.

Entre Pula (Croatie) et Patos Marinza dans le sud de l’Albanie, tout est resté durant un certain temps dans une sorte d’expectative tendue : beaucoup s’attendaient en réalité à ce que l’idée d’une exploitation du pétrole reparaisse assez vite. Et voilà qu’en cette fin 2018, Messieurs les Monténégrins se mettent à tirer les premiers.

Les écologistes monténégrins, en effet, soumettent à signatures une pétition qui expose les 10 points rendant le forage pétrolier dans l’Adriatique dangereux et risqué dans cette mer quasi fermée aux dimensions réduites. Le nombre de signatures que recueille cette pétition, initiée par Adis Kovačević, militant écologiste, croît très vite : 7400 signatures recueillies en 2 semaines ! Une fois le seuil des 10 000 dépassé, le texte sera soumis aux autorités gouvernementales ; non pas seulement au Monténégro, mais aussi dans les 5 autres pays concernés.

Le texte en appelle d’ailleurs au Conseil de l’Europe et à l’ONU pour qu’ils fassent pression sur ces gouvernements. Il réclame un moratoire aux dirigeants du Monténégro sur la prospection des hydrocarbures.

Pour quelles raisons ? Le texte l’explique en 10 points . La prospection des hydrocarbures tuerait le tourisme, qui est la principale ressource du pays ; la pêche serait mise en danger, et plus largement, tout l’écosystème marin : les auteurs rappellent qu’en Mer du Nord, la moyenne est de 11 fuites par jour !

De plus, dans le domaine économique et social, qu’en est-il du recrutement des ressortissants dans les pays concernés ? Les compagnies pétrolières sont entièrement libres de faire à leur guise ; elles ne sont liées par aucune contrainte à cet égard. Ainsi donc, qui au juste profiterait d’une telle activité ?

S’ajoutent à cela les problèmes liés à l’exploitation éventuelle de combustibles fossiles, que nous connaissons bien : le moindre n’est pas le fameux changement climatique ! Et, par voie de conséquence, les inondations gigantesques comme celles de 2014 dans les Balkans, précisément.

Pollution certaine et risques plus énormes encore de pollution, incertitudes évidentes quant à la rentabilité du projet : il doit être abandonné.

Si vous aimez la beauté des Balkans occidentaux,celle bouleversante des côtes adriatiques, et si vous voulez tout simplement préserver l’avenir environnemental de l’ Europe, vous pouvez signer la pétition : https://www.change.org/p/government-of-montenegro-reaching-a-permanent-moratorium-on-oil-and-gas-exploration-offshore-montenegro/

 

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