Belarus : qu’en pensent les dirigeants des Balkans ?

Plus de « slavophilie » que d’adhésion réelle à l’attitude de l’UE

A l'entrée du zoo de Belgrade Foto: Gmihail/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Serbia

(Marc Chaudeur) Au fait, que pensent les gouvernements des pays balkaniques des événements bélarusses ? Comment réagissent-ils aux difficultés du vieux dictateur et aux monstrueuses manifestations qu’on a pu savourer depuis le 9 août ? Les réactions des dirigeants ne sont pas si contrastées que cela…

A vrai dire, on peut diviser ces réactions en 3 ou 4 attitudes différentes. C’est ce qui ressort quand on analyse les informations que peut nous en livrer notamment l’excellent Courrier des Balkans, notamment, et en attendant des renseignements plus affinés.

Il y a ceux qui, enthousiastes, saluent la réélection de Loukachenka ; ils ne sont pas nombreux, et nous n’en connaissons qu’un spécimen : c’est Milorad Dodik, le dirigeant de la Republika Srpska, cette enclave serbe en plein cœur de la Bosnie-Herzégovine. Une concession faite par les institutions internationales dans les années 1990 à la minorité serbe, après les crimes nationalistes de Milošević.

Dodik a envoyé la déclaration suivante à Loukachenka : «  C’est un grand honneur et un plaisir de vous adresser mes félicitations les plus chaleureuses. J’ai hâte de poursuivre notre coopération, et je suis sûr que nous continuerons à œuvrer au renforcement de nos relations amicales et fraternelles dans tous les domaines. » Voilà qui est clair ! Il est vrai que le régime des deux hommes, le Bélarusse et le Serbe de Bosnie, ressemblent à s’y méprendre : enlèvements et arrestations arbitraires, meurtres jamais élucidés, corruption et clientélisme à un degré rarement atteint ailleurs et frontière indécise entre la politique et le crime organisé… Mais le ministre des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine où est enclavée la Republika Srpska, Igor Crnadak, membre d’un parti national-conservateur, le PDP, s’est montré scandalisé et en somme, lui a demandé de fermer son clapet. Ce qu’il ne fera évidemment pas.

Et il y a ceux qui observent la marche des événements depuis la tenue des élections bélarusses avec beaucoup de réserve, voire de circonspection. C’est le cas de la Serbie et du Monténégro. Ces Etats sont censés poursuivre des négociations pour entrer dans l’Union européenne. Mais ils entretiennent aussi d’excellentes relations avec le Belarus gouverné par le système Loukachenka. L’affaire est complexe : un écheveau d’intérêts socio-économiques communs, bien ou mal analysés, et de sympathie « slavophile » (un terme à placer entre guillemets, parce qu’il remonte au 19ème siècle et désigne un mouvement précis issu essentiellement de la Russie tsariste).

La manifestation de ce lien culturel et historique majeure en est peut-être, actuellement, la participation de l’armée serbe, depuis 2015, à ce qu’on appelle Fraternité slave, Slovensko Brastvo : à savoir des manœuvres militaires coorganisées par la Serbie, la Russie et… le Belarus. Histoire aussi d’entretenir une certaine paranoïa sur « l’intégrité territoriale » de la Serbie.

Par ailleurs, Loukachenka a rendu visite aux autorités serbes à plusieurs reprises depuis 2004. Et il a toujours été bien reçu. Sa dernière visite est toute récente : en décembre 2019, il a conclu de nombreux accords, surtout commerciaux. Et puis, last but not least, les deux régimes sont sur la même longueur d’ondes à propos du Kosovo : jamais Loukachenka ne reconnaîtra l’indépendance du Kosovo, signe pour lui des menaces que feraient peser les institutions internationales sur les trois « frères slaves »…

Et il y a le ministre ultra-nationaliste de la Défense serbe, Aleksandar Vulin : malgré ses démentis tout récents, il semble bien que des soldats serbes se trouvent dans quelques villes bélarusses, pour prêter main forte au dictateur le cas échéant. Vulin a une très mauvais réputation qui remonte aux années 1990. Il est resté un opposant farouche à l’OTAN et par ailleurs, en février 2020, il a jeté de l’huile sur le feu au Monténégro, dans un contexte d’affrontement entre les deux Eglises orthodoxes nationales.

Heureusement, les ONG humanistes serbes déclarent leur plein et entier soutien aux manifestants anti-Loukachenka. Des ONG où militent de nombreux jeunes gens. Il sont l’espoir des Balkans, malgré le grave exode qui vide ces pays au profit de l’Occident.

Au Monténégro, ancienne partie de la Serbie devenu son petit frère en 2006, on ne sait trop quoi dire. Loukachenka a approuvé l’émancipation du pays. Les deux pays se sentent beaucoup d’affinités, bien que l’autoritarisme du dirigeant, Đukanović, soit beaucoup moins brutal que celui de son homologue bélarusse. Le Monténégro est candidat à l’entrée dans l’UE : attention cautèle, donc ! Mais son approbation des sanctions prononcées par l’UE ne s’est faite que du bout des lèvres.

Dernier cas de figure : la Macédoine du Nord. C‘est le seul à avoir approuvé sans réserves et avec un certain élan l’attitude de l’Union européenne. Sur un tweet que reproduit le Courrier des Balkans, Dimitrov, le ministre des Affaires étrangères, estime : « La détermination des manifestants (…) fait d’eux les héros de l’Europe d’aujourd’hui ».

Eh bien oui, il a parfaitement raison.

 

A consulter : http://courrierdesbalkans.fr/

 

 

 

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