Refoulement des migrants : la Grèce dans le collimateur

La Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe demande à la Grèce, dans une lettre, d’enquêter sur les allégations de refoulements et de mauvais traitements de migrants dans ses eaux.

Réfugié au camp de réfugiés sur l'île de Lesbos. Foto: Mstyslav Chernov / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Marine Dumény) – Les ONG dénoncent ces exactions depuis 2018. Dunja Mijatović, Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, a réagi aux dernières suspicions de refoulements des migrants aux abords des îles grecques, ou sur les voies terrestres, vers la Turquie, en écrivant aux ministres grecs. Elle leur demande, dans ce courrier en date du 3 mai, de bien vouloir enquêter sur les accusations formulées par les ONG.

En porte-à-faux – D’après ces allégations, les migrants présents sur le territoire grec, ou dans ses eaux, seraient contraints et forcés de retourner en Turquie. Plusieurs journalistes appuient d’ailleurs la version des faits des ONG. L’Agence des gardes-frontières européenne Frontex, passée en mars devant les eurodéputés pour son implication dans ces pratiques, se défend des faits pour lesquels elle est accusée de complicité. Les ministres grecs arguent en réponse que « contrairement à ces allégations, nous devons souligner en particulier le caractère inébranlable de l’engagement humanitaire des autorités helléniques qui a permis de sauver la vie de milliers de migrants depuis 2015. » Et s’ils assurent d’une coopération avec Frontex pour les opérations conjointes comme le nom de code « Intervention rapide aux frontières EVROS 2020 » lancé suite aux événements de mars 2020 », ils assurent qu’il s’agit uniquement d’« assurer la protection des droits fondamentaux des migrants et réfugiés. » Quant à empêcher ou restreindre l’action des ONG sur place, les ministres répondent que le registre qu’ils tiennent « aspire à aider le ministère de Migration et asile pour mieux coordonner les efforts de toutes les organisations, pour préserver les ressources humaines et matérielles ». Et non pas à ficher les ONG et leurs actions comme le rapportent pourtant les journalistes sur place.

L’Europe et ses méandres – Si ces allégations, soutenues par les ONG et des journalistes, étaient prouvées, la Grèce serait condamnable par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ne pas avoir respecté la convention de Genève sur les réfugiés (principe de non-refoulement, garanti par l’article 33 de la Convention de Genève, mais aussi par l’article 19-paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, dans une certaine mesure, par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme). Il reste à relever les incohérences européennes. En 2015, lors de la crise migratoire, l’Union Européenne avait pris ses responsabilités et opté pour un système de quotas. Cependant très dépendant du bon-vouloir des Etats. Pour rappel, la France avait augmenté son effort dans cette procédure, ainsi que l’Allemagne, en prenant respectivement 20% et 25% des 160.000 migrants alors recensés. La Hongrie s’était, elle, soustraite du processus. En 2020, la situation géopolitique gréco-turque (proposition d’ouverture des frontières, reconversion de Sainte-Sophie, crise des gazoducs en mer Egée…) se tend inexorablement et l’UE peine à prendre des mesures. La crise sanitaire s’ajoute à celle migratoire, sans que des mesures décisives soient prises. La législation est précisée sans qu’un usage pertinent n’en soit fait.

La situation des migrants, rendue plus complexe encore avec le coronavirus, en Grèce et ailleurs (notamment en ce moment à Lampedusa) attend une enquête et une décision forte de la communauté européenne.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste