Slovaquie : des suspects dans l’affaire Kuciak

La maison de Jan Kuciak à Velka Marca, où lui et sa compagne ont été abattus le 21 février Foto: Miro.kern / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(MC) – Nous avons fait part assez abondamment, dans Eurojournalist(e), de l’enquête concernant l’assassinat, le 21 février 2018, du jeune journaliste Ján Kuciak et de sa compagne (27 ans) (voir notamment notre article du 30 avril 2018). Cette affaire révèle à l’évidence l’implication de personnes très proches du pouvoir, et celle de membres de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, établis peu ou prou en Slovaquie ou s’y rendant fréquemment. 8 personnes ont été arrêtées en relation avec ce meurtre à Komarno, dans le sud du pays, et 4 sont maintenues en détention : l’enquête a donc bien progressé ?

Ján Kuciak et Martina Kusnirova avaient été abattus devant leur maison de Velka Marca, dans l’ouest de la Slovaquie. Pourquoi ? Parce que Ján avait mené une longue et conséquente investigation sur les liens possibles entre certains membres de la ‘Ndrangheta et des collaborateurs du gouvernement. Les résultats de sa recherche avaient été publiés après sa mort par un groupe de journalistes appartenant à plusieurs associations d’investigation contre le crime organisé et la corruption, dont l’OCCRP. Cette publication avait fait du bruit. Un bruit assourdissant, même, puisque le gouvernement lui-même et le premier ministre, Robert Fico, de même que le chef de la police, s’étaient sentis obligés de démissionner – ce qui est rare.

Les enquêteurs déclarent que parmi les 4 personnes détenues se trouve une femme qui exerce la profession de traductrice en langue italienne. Cette femme a été arrêtée, en compagnie de son ami, vendredi dernier à Komarno. Un certain nombre de journaux slovaques affirment que cette femme est la commanditaire du meurtre ; ce que les autorités judiciaires n’ont pas commenté. On a avancé cependant que le meurtre avait été commandité pour la somme de 70 000 euros ; 50 000 euros auraient été versés en liquide, le reste devait être réglé plus tard.

Les autorités judiciaires ont informé la presse que l’accusée se nommait Alena Szuzsova. Cette personne, selon certains journalistes, aurait des liens avec un grand homme d’affaires slovaque, Marian Kocner, qui avait fait l’objet d’ investigations serrées de Ján Kuciak. Kocner serait même le parrain de cette jeune femme à la longue chevelure brune. Et il avait menacé publiquement le jeune journaliste de 27 ans :

«  Je m’intéresserai bientôt à votre mère, Monsieur Kuciak, aurait proféré Kocner selon certain média ; à vos frères et sœurs, aussi, et je suivrai tout ce qu’ils feront ; et puis je rendrai public tout ce que j’apprendrai sur vous, Monsieur Kuciak (…) ». Pourtant, nombre d’éléments semblent montrer que le businessman ne pouvait être impliqué directement dans ce meurtre, et il avait été relâché très vite après avoir été retenu quelques heures, en février dernier.

Pour le moment, Alena Zsuszova est accusée de complicité de meurtre. Maître Lipsic, qui défend la famille Kuciak, considère qu’il s’agit d’une intermédiaire, et qu’il faudra bien du temps encore pour retrouver le véritable commanditaire.

Avant-hier lundi, le procureur Jaromir Ciznar a déclaré, lors d’une conférence de presse à Bratislava : « Nous disposons maintenant d’éléments supplémentaires, que nous allons exploiter  ; il est donc extrêmement probable que d’autres accusations vont tomber ».

Le mystère sera-t-il donc bientôt résolu ? Optimisme de la volonté… En tout cas, les médias se doivent de continuer à informer du mieux possible, en unissant leurs forces au maximum. Car comme l’écrit Roberto Saviano, auteur d’  enquêtes fameuses sur la Mafia : « Le meurtre est un message de terreur adressé aux journalistes ». N’ayons pas peur !