Croatie : liberté d’information

« Non, nous ne vous abandonnerons pas le journalisme ! »

Zagreb Foto: Zeitblick / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Tambours, uniformes écarlates, interpellations à l’allure de charivari… Samedi dernier, c’était la manifestation des journalistes à Zagreb, la capitale de ce pays membre de l’Union Européenne depuis juillet 2013. Un pays de 4 millions d’habitants, très vieux et très jeune à la fois,de 4 millions d’habitants. Les journalistes protestaient contre la mainmise de plus en plus lourde du pouvoir et les pressions juridiques (procès) de plus en plus insistante qui pèsent, selon eux , sur les journalistes et la presse.

Le pouvoir abuserait de procédés juridiques pour intimider, voire museler la presse : il y aurait actuellement largement plus d’un millier de procès contre des journalistes dans le pays – un nombre très proche d’ailleurs de celui que des associations de journalistes ont pu comptabiliser en Serbie. Et 3 % de ces procès sont intentés par la chaîne de télévision HTV, qui est devenue un bastion du gouvernement. « Vous avez pris les médias, mais nous ne vous abandonnerons pas la pratique du journalisme ! » ont donc scandé les manifestants. Beaucoup appartiennent à l’Association des journalistes croates, que préside Hrvoje Zoko. Ce dernier a une longue expérience de la HRT : plus de 20 ans. Il s’est fait éjecter de la chaîne en septembre dernier. La HRT lui reprochait des déclarations et des propos importuns, gravement inappropriés et dignes d’amateurs. C’était la première fois que HRT intentait un procès contre l’un de ses propres employés – ce que curieusement, elle a nié récemment avoir fait !

Le cortège a rejoint des lieux significatifs du pouvoir politique et médiatique : le ministère de la Culture, l’université et les bâtiments du gouvernement et du Parlement, du côté de la Place Saint-Marc. Les journalistes protestataires ont adressé au gouvernement un certain nombre de requêtes : contre l’abus des procédures judiciaires contre eux, qui vise à les bâillonner en les intimidant , pour la protection légale des journalistes, pour la modification de la législation, pour le remplacement des dirigeants de la chaîne publique de la HRT (Radio Télévision Croate),et pour la création d’ un support financier public pour le journalisme de qualité. Pour l’Association des Journalistes Croates, le gouvernement est bien évidemment responsable de cette situation, puisque la distance entre la chaîne de TV et le gouvernement approche du nul, et qu’il brille par son silence dans les cas scabreux.

Le gouvernement affirme cependant que la liberté d’expression des médias n’est nullement menacée. Il cite en ce sens certains organismes de surveillance des médias qui affirment que la liberté d’expression règne en Croatie.

Mais il en va manifestement autrement. Le média Balkan Insight (https://balkaninsight.com/) cite l’exemple en effet éloquent de la journaliste Davorka Blažević, qui est l’une des fondatrices du média TRIS, en 2014. Un média qui est devenu l’une des références essentielles pour la Croatie, en Croatie et ailleurs (pour ceux qui comme Eurojournalist, consultent un certain nombre de médias d’Europe centrale et orientale…). Mais TRIS est lourdement menacé dans son existence, parce que le pouvoir lui intente des procès et que le ministre de la Culture coupe les (petits) robinets publics qui modestement, alimentent les médias non commerciaux… TRIS a d’ores et déjà dû supprimer l’une de ses rubriques les plus populaires, le « Portrait de la semaine », rédigé sur un ton qui sans doute paraissait trop critique aux autorités…

Dans les remous qui agitent tous les pays d’Europe centrale et orientale, qui frappent particulièrement notre imagination parce qu’ils sont à la fois éloignés et très proches et parce que soit ils appartiennent à l’Union européenne, soit ils aspirent (officiellement) à y entrer, la revendication de la liberté d’expression revient très souvent. C’est qu’elle apparaît comme de plus en plus menacée, que ce soit dans la Hongrie de Viktor Orbán, dans la Pologne des des disciples de Kaczyński ou en Serbie, et à peu près partout ailleurs. Nous devons soutenir activement ce combat.

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