Sommet de Paris sur l’Ukraine : plouf

Non non, rien, à bientôt

Dans le Donbass, à l'Est de l'ukraine Foto: BO "Svoboda"/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Scintillements et effets de manche, mais pour quels résultats ? Les « décisions » prises à Paris lors du récent Sommet sur le conflit du Donbass, à l’Est de l’Ukraine, laissent perplexe.

Lundi dernier, les chefs d’État d’Allemagne, de France, de Russie et d’Ukraine (ce que depuis juin 2014, on appelle le « Format Normandie », la première réunion à quatre de ce type s’étant déroulée à Bénouville) se sont rencontrés à Paris pour amorcer une résolution de ce conflit ukrainien qui met l’est du pays à feu et à sang parce qu’en clair, le FSB et les troupes poutiniennes n’acceptent pas l’indépendance de l’Ukraine – alors que les dirigeants qui ont précédé Porochenko se montraient totalement inféodés à Moscou.

On a parlé, lundi dernier, et jusqu’à une heure très avancée. Ce qui est admirable, puisque le conflit s’était enlisé depuis au moins 3 ans, sans qu’aucune négociation ne tente de l’atténuer ou d’y mettre fin ; et que les différentes parties ont prévu de se retrouver dans 4 mois. Mais de quoi a-t-on parlé ?

Les décisions principales sont au nombre de trois. On a proposé un armistice – mais celui-ci a été mis en place depuis belle lurette… Sans que cela y change quoi que ce soit ! On continue à se battre dans le Donbass, des gens meurent sans cesse sous les coups des « séparatistes » à la botte de Moscou. L’Ukraine continuera cependant à déployer des troupes le long des frontières pour y assurer un semblant de sécurité. Et même, le déploiement s’élargira à 3 nouveaux secteurs d’ici le printemps 2020. Un point positif. Mais pour cela, le dirigeant ukrainien récemment élu, Volodymyr Zelensky, n’avait assurément pas besoin de Macron, ni de Merkel… ni même de Poutine.

Ensuite, un échange de prisonniers doit avoir lieu. Mais quels prisonniers ? On ne s’entend même pas sur l’identité des prisonniers qui ont été capturés à l’occasion du conflit ! Il ne peut donc être question d’échanger tous les prisonniers ukrainiens de la guerre contre tous les prisonniers russes : on ne sait pas quel ils sont…

Et enfin, le plus grotesque : on a parlé d’élections locales dans les zones séparatistes… Avec ce motif que jusqu’à présent, ce sont des trouffions le plus souvent directement commandés par Poutine qui imposaient leur loi. Oui mais… Des élections dans ces zones ? Quel magicien tout puissant se chargera donc de les organiser ? A cela, on répondra que les services secrets et l’armée russes savent y faire : ils disposent d’une vaste et riche expérience d’une vingtaine d’années, en Moldavie, en Géorgie et, mutatis mutandi, dans le plus septentrional des pays baltes, l’Estonie, où vivent certes de nombreux Russes ; tout comme en Abkhazie ou dans le Donbass. Bien sûr, ce qu’on appelle « la Formule Steinmeier » prévoit que les zones séparatistes disposeront d’un statut particulier au sein de l’État ukrainien dès que l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe sera à même d’accepter la validité des résultats d’élections transparentes et sans magouilles. Mais le problème reste de savoir quand de telles élections pourront avoir lieu. Ce n’est pas pour demain, mon cher Monsieur.

Volodymyr Zelensky s’est aussi déclaré favorable au prolongement d’une loi existante sur le statut spécial des régions séparatistes, qui ne s’étendait initialement que jusqu’à décembre 2019. Peut-être s’agit-il là, malgré sa modestie, de l’apport le plus positif de ce Sommet de Paris, puisque, dans une certaine mesure au moins, cette annonce coupe l’herbe sous les pieds du Kremlin.

Point essentiel, qui montre à quel point tout cela est fragile : le problème du transit du gaz russe à travers le territoire ukrainien. On ne connaît pas encore les conditions que Kyiev va proposer – et essayer d’imposer – au grand Frère ennemi. Sans doute parce qu’elles n’ont pas encore été fixées.

En définitive, ce Sommet de Paris obéissait à deux motivations principales. La première est, du côté de Zelensky, de se montrer le plus accomodant possible pour s’attirer les bonnes grâces et l’aide des pays de l’UE, pour essayer de convaincre Moscou de renoncer aux points les plus inacceptables pour l’Ukraine : ceux qu’on veut lui imposer depuis le Sommet de Minsk. Un Sommet qui réunissait,en février 2015, Petro Porochenko, Vladimir Poutine, François Hollande, Angela Merkel et Alexander Lukachenka. Une première avancée, réelle celle-ci, mais bien trop favorable à Poutine, Bélarus oblige…

La deuxième motivation obéit bien évidemment à un souci de politique intérieure française : le gouvernement de Paris, comme c’est très classique, veut détourner l’attention des médias internationaux des très grandes difficultés rencontrées en France : Gilets jaunes, grèves et manifestations monstrueuses de protestation contre la réforme des retraites… Il faut pour cela donner l’impression de pouvoir remporter des succès… spectaculaires à l’extérieur. Et le président de la République y réussit assez bien, si l’on en juge par le ton élogieux et un peu triomphant de certains médias allemands ou anglais, par exemple…

En tout cas, malgré le souffle d’air frais que représente malgré tout le remplacement de Porochenko l’intraitable par Zelensky, plus souple à l’égard de Moscou, il serait bien illusoire de se montrer optimiste sur un règlement du conflit ukrainien. Hélas. Et la responsabilité principale en incombe à Poutine.

 

 

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