Croatie : Zagreb, bientôt une ville d’affairistes zombies ?

Privatisation et dépossession en Europe et dans les Balkans

Zagreb : le Marathon Foto: Branko Radovanovic/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Une grande manifestation a eu lieu samedi dernier à Zagreb. Son objet : protester contre la mainmise des politiciens et des dirigeants corrompus, d’investisseurs étrangers globalisés, mais plus généralement, du business sur la ville. Comme ç’a été le cas tout récemment et durant plusieurs années à Belgrade. Main basse sur la ville ! Un mouvement que nous connaissons depuis longtemps dans toute l’Europe (à Hambourg, à Paris, à Rome…), mais qui revêt hélas une actualité brûlante aujourd’hui en Serbie et en Croatie.

Affaire à suivre ! Le mobile même de ces manifestations est d’une extrême importance, même si à Belgrade, face à un pouvoir semi-dictatorial, les défilés ont été de peu d’effet. Ils traduisent la réaction de citoyens et d’habitants qui se sentent à juste titre dépossédés de tout pouvoir d’initiative dans leur lieu de vie – et de leur lieu de vie lui-même ! L’opération Belgrade on Water, entamée en 2014, est en train, à cette heure même, de transformer la capitale serbe en centre d’affaires (quelles affaires, au demeurant?) hyper centralisé, standardisé et ultra-sécurisé. Lieux de vie confisqués, et aussi, patrimoine saccagé…

Samedi dernier, le 1er février, 15 000 personnes se sont donc retrouvées au centre de Zagreb pour demander la démission de Milan Bandic, le maire connu pour son degré de corruption devenu proverbial. Et avec elle, l’arrêt du projet au nom très significatif : Zagreb Manhattan ! Milan Bandić a annoncé ce projet au printemps 2019, lors d’une émission TV. Coût : 1,5 millions annoncés (et sans doute davantage, in fine). Financeur principal : l’entreprise Eagle Hills, une société basée à Dubaï ; c’est le point commun principal avec l’opération serbe Belgrade on Water.

Double hic, hic hic donc : la construction d’une mégapole par dessus la tête et les jambes des habitants, et le caractère opaque de l’accord entre le maire et la société de Dubaï, qui implique des atteintes dissimulées au PUG (Plan d’Urbanisme Général de Zagreb) devant assurer un développement cohérent et concerté.

Mais l’indignation des citoyens de Zagreb pointe aussi le Premier ministre Andrej Plenković et le gouvernement croate, qui appuient de manière très évidente l’affairisme urbain de Bandić. Le maire est membre du parti au pouvoir, la HDZ. Cette Union Démocratique Croate est un parti de droite, celui que Franjo Tuđman a fondé en 1989 au moment de la dissolution de la Yougoslavie : un parti nationaliste, conservateur, qui tient parfois à se désigner encore comme « démocrate chrétien ».

On est objectivement loin d’être sûr que la société civile parviendra à faire reculer ce projet absurde et hideux. Mais ce qui incline à l’optimisme, c’est l’acuité de la conscience sociale des manifestants – tout comme en Serbie – et celle des associations qui les soutiennent et les motivent. Il s’agit essentiellement de Udruge Siget, Zelena akcija (Action verte, une organisation écologiste-environnementaliste, très active aussi dans l’opposition aux barrages hydrauliques inutiles) et Pravo na grad .

La seule dénomination de cette dernière exprime tout un programme que nous devons impérativement soutenir partout en Europe : elle signifie Droit à la ville ! Et en effet, il faut que les habitants regagnent du terrain sur leur ville ; qu’ils le regagnent contre l’affairisme, la privatisation, la dépossession de leur lieu de vie. Et aussi, contre la destruction du patrimoine européen.

Cf https://www.courrierdesbalkans.fr/

 

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