Culture européenne : une disparition inquiétante confirmée

Tribune libre de Karine Gloanec-Maurin, ancienne eurodéputée (PS) et experte en politique culturelle.

Voilà la photo de la contribution de Karine Gloanec-Maurin pour notre campagne "Beautiful Europe. Vote on May 26!". Un chef-d’œuvre signé Frantisek Zvardon. Foto: (c) Frantisek Zvardon / CC-BY-SA 4.0int

(Par Karine Gloanec-Maurin) – Le communiqué de l’Union Européenne du 10 septembre dernier présentant les priorités, les ambitions de la Commission Von der Leyen et les noms des commissaires en charge fait brutalement disparaître le mot CULTURE et attribue ce domaine comme un supplétif à la bulgare Mariya Gabriel dont la commission a d’abord pour mission l’innovation et la jeunesse !

Tout ne semblait pas définitif puisque la liste des commissaires validée par les 28 Etats membres doit faire l’objet d’un vote d’approbation par le Parlement européen. Il revenait donc aux parlementaires européens qui portent fièrement l’émancipation, l’humanisme, la fraternité, la solidarité, la poésie dans le discours politique de s’exprimer sur ce choix. Mais rien n’a bougé !

Ces principes sont pourtant essentiels pour donner tout son sens à la construction de l’Europe. Mieux, ils sont le garant d’une ouverture aux idées nouvelles, dans l’accélération des mutations que nous vivons. Il est temps d’inventer cette coopération nécessaire entre le monde intellectuel, les artistes et les experts au niveau européen. Notre continent se perd dans des querelles stériles, pris en tenaille entre les tenants du populisme d’un côté et les défenseurs du statu quo néolibéral de l’autre. Les premiers cherchent à instaurer un nouvel ordre menaçant les libertés et la démocratie. Les seconds s’érigent en rempart pour mieux continuer d’exploiter la planète et les populations, s’arrangeant au passage pour décrédibiliser tout projet alternatif. L’urgence est démocratique, économique, climatique et sociale, elle est aussi culturelle.

Dans ce contexte rendu critique par les crises multiples qui agitent le monde, rappelons les réussites de l’Union européenne, à commencer par le fait que nous avons construit une Institution politique enviée, et même jalousée, par les autres continents. Ces succès s’appuient sur un terreau culturel commun, travaillé des mêmes valeurs et des mêmes élans libérateurs. Notre histoire commune et notre diversité, notre diversité culturelle sont notre force. Nous devons continuer de l’irriguer par la création artistique, par le travail de l’esprit allié au génie de la main et à celui des corps.

Souvenons-nous que l’Europe humaniste s’est façonnée sous l’impulsion de la création artistique. L’accès à l’Art, la circulation des œuvres et les lieux de diffusion sont les moyens remarquables de faire vivre aussi les valeurs européennes pour que chacun en ait une expérience intime sur tous les territoires. La culture joue un rôle irremplaçable dans l’ouverture à l’autre, la découverte, le partage, l’hospitalité. Elle permet à chacun d’avoir une conscience de sa propre histoire et porte l’altérité. Elle est aussi une force contre l’oppression et l’obscurantisme. Elle a déjà montré sa volontaire implication dans le dialogue interculturel, l’accueil et l’intégration des réfugiés, participant pleinement à la définition de la société de demain.

Cela nécessite des choix politiques qui affirment le rôle central des artistes comme de l’action culturelle, qui posent la recherche du lien social comme prioritaire et qui reconnaissent à chaque être humain sa dignité et la capacité de faire des choix et de trouver sa place.

Comment affirmer l’influence de la commission parlementaire CULT sans interlocuteur de bon niveau à la commission européenne ? QUI va défendre et faire progresser le programme ERASMUS+, l’une des plus belles réussites de l’UE ? QUI va faciliter l’accès au programme Europe créative au plus grand nombre et défendre son budget ? QUI va accompagner la commission parlementaire des affaires juridiques pour s’assurer que les droits d’auteur sont bien respectés avec une juste rémunération aux artistes et aux créateurs européens, en soumettant les GAFAM à leur responsabilité ? QUI va promouvoir la protection et de la mise en valeur du patrimoine européen comme un axe transversal des politiques européennes ? QUI va tout simplement défendre La culture comme le ciment de l’unité européenne ?

Rappelons-nous les mots de Victor Hugo qui chérissait lui-même l’idée d’Europe : « le temps presse, l’humanité n’a pas une minute à perdre ».

Karine Gloanec-Maurin était eurodéputée (PS) et avait soutenu notre campagne en faveur du vote lors de l’élection européenne au mois de Mai 2019, « Beautiful Europe. Vote on May 26 ! ». Elle avait également participé à la conférence de presse de lancement ce cette campagne au Parlement Européen à Strasbourg, avec Christine Revault-d’Allonnes-Bonnefoy, Anne Sander et Jo Leinen.

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