Elections en Allemagne : l’après-Merkel a déjà commencé !
Alain Howiller explique les changements dans le paysage politique allemand – « l’après-Merkel » sera difficile à gérer et ce, à un moment où tous les pays souffrent d’une crise énorme.
(Alain Howiller) – Comme s’il avait senti (et sans aucun doute redouté !) ce qui risquait de se passer, le Dimanche 14 Mars, en Rhénanie-Palatinat et au Bade-Wurtemberg lors du renouvellement du parlement régional de ces deux Länder, Armin Laschet, le nouveau président de la CDU, avait lancé : « Les élections régionales n’ont, par essence, aucune influence sur les élections fédérales. » Une déclaration qui risque fort de ressembler à une adaptation de la méthode Coué, tant il paraît évident que vouloir ignorer la claque que les électeurs viennent d’infliger à son parti, relèverait de l’inconscience !
Car enfin, tant en Rhénanie-Palatinat qu’au Bade-Wurtemberg, SPD et CDU, dans le premier Land, « Verts » et CDU, dans le second, se trouvaient, il y a six mois, au coude-à-coude dans les intentions de votes, pour se retrouver à la sortie des urnes avec respectivement 36,7% des voix (-0,5% par rapport aux élections régionales de 2016) pour le SPD en Rhénanie-Palatinat, contre 27,7% pour la CDU (-4,1%), alors qu’au Bade-Wurtemberg, les « Verts » récoltent 32,6% des voix (+2,3% par rapport à 2016), contre 24,1% pour la CDU (-2,9%). Les résultats permettront aux deux responsables sortants -la sociale-démocrate Malu Dreyer en Rhénanie-Palatinat, le « Vert » Winfried Kretschmann au Bade-Wurtemberg- de constituer la coalition qui va diriger leur région.
En Rhénanie-Palatinat on reprend les mêmes. – Pour la Rhénanie-Palatinat, les choses sont, déjà, claires : Malu Dreyer a annoncé qu’elle entendait reconduire la coalition sortante composée d’élus SPD, « Verts » (qui ont recueilli 9,3% des voix : +4% par rapport à 2016) et le parti libéral FDP (5,5% des voix : -0,7%) dont les sondages annonçaient l’éventuelle non-reconduction au parlement régional, car ils risquaient de ne pas franchir la barre des 5% nécessaires.
Dans le Bade-Wurtemberg où régnait une coalition « Verts »/CDU, les choses paraissent plus compliquées : rien ne dit, en l’état, que Winfried Kretschmann reconduira la coalition sortante. Certes, il a annoncé que, pour étudier la mise en place de la future coalition, il commencerait par recevoir la CDU, mais il a aussi précisé qu’il recevrait les représentants de tous les partis démocratiques (ce qui exclut l’AfD, d’extrême-droite). Dans son choix de coalition, il entend, souligne-t-il, ne tenir compte que de l’intérêt du Land !
Le message est destiné aux instances fédérales dont certains responsables échafaudent l’hypothèse d’une coalition « Verts »+SPD+FDP qui reprendrait le schéma qui a fait ses preuves en Rhénanie-Palatinat. L’hypothèse relaierait les projections qui, jusqu’ici, privilégiaient une coalition « Verts »/CDU.
Bade-Wurtemberg : on change d’attelage ? – Cela étant, une alliance « Verts »/SPD/FDP n’est pas à exclure au Bade-Wurtemberg. Cette hypothèse, en tout état de cause, souligne les enseignements à tirer des deux élections régionales : les « Verts » -qui l’ont aussi confirmé dans le Land voisin en Hesse, notamment à Francfort- sont devenus incontournables (et ils veulent participer au gouvernement à Berlin), la CDU continue de s’affaisser et le SPD, malgré le succès de Malu Dreyer, continue de perdre des points, l’AfD perd entre 4,3 et 5,4% par rapport à 2016.
Mais au cœur de ces résultats, qui marquent déjà l’après-Merkel, se situe incontestablement les interrogations sur l’avenir de la CDU, après 16 années de gouvernement. Quel programme le parti proposera-t-il aux électeurs ? Qui conduira la liste des chrétiens-démocrates : Armin Laschet, européen convaincu, francophile et francophone, qui peine dans les sondages ou Markus Söder, le président de la CSU bavaroise, le parti-frère de la CDU, qui lui, caracole dans les intentions de vote ?
Quels effets auront encore dans six mois, au moment du renouvellement du Bundestag, les scandales (enrichissement sans cause, lobbying rémunéré) qui ont frappé cinq élus de la CDU ? Comment les électeurs jugeront-ils la manière dont le gouvernement a lutté contre la pandémie ?
Elections : le poids du vote par correspondance. – Les dernières ratées dans le combat contre la Covid-19 (manque de vaccins, de tests, confinements territorialisés mal assumés) ont déjà pesé dans les résultats des élections régionales.
Du coup, Jens Spahn, le Ministre CDU de la Santé, a perdu 12 points dans l’échelle de notoriété des personnalités politiques ! Sans compter que les électeurs n’oublieront pas de sitôt le fait que, par peur des risques, près de la moitié des citoyens ayant voté, l’ont fait par correspondance au Bade-Wurtemberg et qu’ils étaient 60% à procéder ainsi, en Rhénanie-Palatinat !
Autant de questions dont on retrouvera aussi des éléments dans d’autres partis. Le SPD n’a toujours pas trouvé le moyen de se redresser durablement et fortement et les « Verts » risquent de se déchirer lorsqu’il s’agira de désigner leur tête de liste pour entrer au Bundestag. L’après-Merkel risque encore -qui s’en étonnera ?- de nous réserver bien des surprises !
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