Europe, je t’aime

Mon père me disait « Toi, tu vivras dans un pays où il n’y a plus de guerre. C’est là, ta plus grande chance » !

Pour ne pas retomber dans une situation comme en 1877, il faudra éviter de voter pour ceux qui prônent la haine et le nationalisme. Foto: Frederick Rose / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Million) – J’ai grandi avec l’Europe et avec cette idée de réconciliation entre la France et l’Allemagne. J’ai grandi avec le projet d’une construction européenne unie, solidaire, humaniste, fraternelle et universelle. L’Europe, celle de mes parents, de mes amis et copains allemands, italiens, espagnols, yougoslaves à l’époque, polonais, portugais. Ils m’ont donné cette force et cette envie de croire que le monde allait changer, que les peuples, devenus amis, me permettaient de souligner dans mes propos et dans mes actes mon indéfectible « européanisme universel », ouvert sur les cultures, une citoyenneté Monde où triomphera la sagesse intelligente et raisonneuse d’hommes et de femmes, responsables et soucieux du devenir de l’humanité tout entière, conscients de la fragilité des choses et de la réalité des erreurs du passé.

J’ai grandi avec l’amour de l’Europe, l’amour du respect de toutes les diversités européennes. De la déclaration de Robert Schuman à la libre adhésion des peuples en vue d’un destin commun d’ordre pacifique.

J’ai grandi dans ce projet, ambitieux et audacieux, qui, de ces vieilles nations rivales les unissait enfin dans une vision de liberté et de respect où il n’y avait plus d’ennemis à nos frontières.

J’ai grandi et mes enfants ont grandi dans ce sentiment d’appartenance européenne où l’Europe prend tout son sens en incarnant le mélange des cultures, la coexistence pacifique, l’amitié, la rencontre, la tolérance, l’ouverture d’esprit, la mobilité, l’unité dans la diversité, le respect de l’Autre.

Certes, tout n’est pas parfait, loin de là. Il y a eu et il y a encore des excès, des abus, des erreurs, des lacunes, des insuffisances sociales, des traités injustes et mal adaptés. Autant de fautes qui ont détourné les européens de l’Europe. Autant de fautes dont l’une importante a été que nous n’avons pas été formés à la citoyenneté européenne : les valeurs européennes, la connaissance et l’histoire des peuples, les droits et les devoirs du citoyen européen, la cour européenne, l’espace Schengen, les contrôles aux frontières, le programme Erasmus. Se sentir européen et devenir européen, un long chemin qui nécessite d’aller à la rencontre de l’autre pour le comprendre et partager avec lui l’envie du « bien vivre ensemble ».

Face aux grands défis économiques, sociaux, écologiques, identitaires de notre 21ème siècle, l’Europe, pour pouvoir exister, se doit d’unifier les diversités culturelles des pays en respectant leurs différenciations, ne pas s’habituer à la violence des messages qui désunissent nos pays. Pour que l’Europe avance, il faut réhabiliter une confiance mutuelle qui forme le pilier du travailler ensemble. Pour que l’Europe soit crédible, il faut une Europe qui ne soit pas gérée que par des experts et juristes mais où, la parole de citoyens éclairés soit prise en compte et respectée. Pour que l’Europe soit réellement l’Europe, il faut qu’elle ne s’empoisonne pas des mixtures mortelles des lobbies de toutes sortes qui sont là pour défendre leurs intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.

On connaît les avancées dues à l’Europe comme la libre circulation des biens, les facteurs de production, la stabilité des taux de change, les fonds européens. Mais dans une Europe où l’absence de règles et d’institutions communes fait défaut, cela conduit automatiquement à des crises et des coalitions internes, exploitées par les groupes eurosceptiques ou nationalistes hostiles à l’Union. Avec en plus, le Royaume-Uni qui a pris la décision de quitter l’U.E, l’avenir promet d’être chaud et douloureux. Déjà, les débats sur le devenir de l’Europe sont de plus en plus vifs donnant lieu à des échanges conflictuels qui eux-mêmes alimentent le risque de voir l’U.E se désagréger notamment sur les questions liées à la migration, la politique économique et sociale, l’élection du président de la commission, les « violations graves » aux valeurs de l’Union, les cas de fraude et de corruption.

Tout ceci sera du bois de chauffe pour les partis eurosceptiques et 27 pays divisés sur bon nombre de sujets et très souvent, trop souvent encore manquant d’audace et d’élan européaniste.

27 pays à idéalisme humaniste variable
27 pays où l’esprit compétitif a fait place à l’esprit coopératif qui avait présidé à la fondation de l’Europe
27 pays à niveaux démocratiques, sociaux, écologiques, économiques disparates et qui, au nom de leur souveraineté jouent la compétition à outrance.
27 pays, devenus sourds à l’appel d’hommes, de femmes, d’enfants qui se noient en Méditerranée
27 pays qui ne voient en ces personnes que des quotas, figures du mal de tous nos problèmes et de tous nos maux et qui n’arrivent pas à trouver un accord commun pour les recevoir dignement et humainement.
27 pays qui ne sont plus choqués qu’il existe des pauvres dans la 5ème plus grande puissance mondiale.
27 pays qui oublient que notre richesse repose en grande partie sur l’exploitation des hommes et des ressources d’où viennent ces immigrés
27 pays qui, dressés derrière leurs murs, oublient l’essence même de l’esprit européen.

Malgré tous ces achoppements, j’ose espérer voir le renouveau d’une Europe Humaniste, pacifique et solidaire qui puisse renforcer la citoyenneté européenne en reconsidérant ses paradigmes : Protection sociale harmonisée à l’échelle européenne, l’adoption d’une constitution européenne, la lutte coopérative et stratégique des états membres contre le terrorisme et les violences, la collaboration en matière de recherche et d’innovation, un plan d’urgence impliquant tous les pays pour l’environnement, une politique éducative et culturelle européenne, la mise en place d’une alliance transnationale démocratique, écologiste, sociale . Et combattre le fascisme. Les « Gargantua fascistes » sont prêts au combat… C’est désormais chez nous, en Europe, que se joue la partition. Il va s’agir désormais répondre à des enjeux planétaires et apprendre à agir face aux « dévoreurs ».

La vision des idéologues de la Haine et du Racisme, est une vision qui repose sur une perception de conflits des relations internationales où il faut mettre des barrières physiques, morales, culturelles pour protéger le pays dans lequel nous vivons. Cette position rejette avec mépris et dégoût l’autre, celui qui est différent car pour ces idéologues, l’Autre, c’est l’ennemi, l’étranger. Pour nous, l’Autre, c’est notre semblable, notre ami, notre frère, notre sœur. Une chance, une valeur suscitant le respect, la dignité, la compréhension, la reconnaissance. Aujourd’hui, à cause des souffrances dues au chômage, aux difficultés financières, au capitalisme outrancier, à la rentabilité bon nombre de nos concitoyens se sentent emportés dans le tourbillon du rejet de l’Autre. Alors, que faire? Il est primordial, en premier ressort ,de se sentir Européen, de devenir Européen dans ses convictions profondes et être convaincu que l’immigration doit trouver une solution paneuropéenne juste, efficace et humaniste . Ne banalisons pas les thèses de l’extrémisme qui appelle à la haine Ne soyons pas des mouches devant la Grande toile qui s’élargit devant nous, collante et imprégnée du sang d’une Europe des guerres qui, si nous n’en sommes pas conscients, pourrait devenir le drame de notre destinée

Nous, humains, prenons l’engagement de ne jamais nous résoudre à accepter toute forme de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme, de haine pour l’Autre. Ensemble, l’un et l’autre, nous le voulons. Ensemble, pour la paix et la fraternité universelle, nous agissons.

Mon père me disait… Mais il y a longtemps, papa. J’espère que tes paroles seront toujours demain, d’actualité. Puisse l’Europe rester fière de ses fondateurs.

Je t’aime, Europe

La guerre ce n’est pas seulement le passé, cela peut être notre avenir, et c’est vous, mesdames et messieurs les députés, qui êtes désormais les gardiens de notre paix, de notre sécurité et de cet avenir. (François Mitterrand)

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